A l’occasion du voyage en Côte d’Ivoire et au Tchad du président de la République française, Reporters sans frontières publie une lettre ouverte à François Hollande lui demandant d’aborder, lors de ses échanges avec ses homologues africains, l’affaire Guy-André Kieffer en Côte d’Ivoire ainsi que les violations du droit à l’information et les emprisonnements de journalistes au Tchad.

M. François Hollande 
Président de la République française 
Palais de l’Elysée 
55 Rue du Faubourg Saint-Honoré, 
75008 Paris

Paris, le 15 juillet 2014

 

Monsieur le Président,
 

A l’occasion de votre prochain déplacement en Côte d’Ivoire, au Niger et au Tchad, Reporters sans frontières, organisation de défense de la liberté de l’information, souhaite que vous abordiez avec vos homologues les questions de la liberté de la presse et de la lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes.
 

L’absence d’élucidation de la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer à Abidjan en 2004 continue de préoccuper Reporters sans frontières, partie civile dans la procédure judiciaire en France. Reçu en mai dernier par le président de la République, Alassane Ouattara, le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, avait évoqué l’impasse dans laquelle se trouve l’enquête tant à Paris qu’à Abidjan. Il avait alors demandé l’audition de témoins, qui n’ont pas encore été entendus ou pourraient, pour ceux qui l’ont déjà été, s’exprimer plus librement dix années plus tard, dans un contexte politique modifié. Le 3 juillet, par la voix de son ministre de la Justice, Gnénéma Coulibaly, la Côte d’Ivoire s’est engagée à rouvrir les auditions et assuré que « la procédure Kieffer ira à son terme ». Alors que la France s’engage à soutenir la justice et la réconciliation en Côté d’Ivoire, Reporters sans frontières espère que des signes forts pourront être donnés avec notamment la mise en place d’une commission d’enquête spéciale ou d’une cellule commune d’instruction avec les juges français et ivoiriens qui permettrait une avancée plus rapide du dossier.
 

Reporters sans frontières connaît les intérêts stratégiques qui lient la France et le Tchad, tout particulièrement depuis les interventions au Mali et en Centrafrique. Pour l’organisation, ces préoccupations sécuritaires ne doivent toutefois pas faire oublier les chantiers à mettre en œuvre afin d’établir durablement la démocratie dans le pays. Le gouvernement du Tchad continue de violer les droits de l’homme au quotidien, notamment ceux des journalistes. Au cours de l’année écoulée, cinq journalistes ont été emprisonnés. Ceux qui ont été remis en liberté sont toujours sous le coup de condamnations avec sursis qui les empêchent de travailler librement. Reporters sans frontières a essayé à plusieurs reprises de se rendre sur place pour dialoguer avec les autorités, mais continue de se heurter au silence de l’ambassade du Tchad à Paris, qui ne donne pas suite à ses demandes de visas. Reporters sans frontières demande que les questions de la liberté des journalistes et de la capacité de l’organisation à se rendre dans le pays soient abordées lors de vos discussions avec le président Idriss Déby Itno. Il est crucial que la coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays n’incite pas la France à fermer les yeux sur des actions répressives des libertés fondamentales dont la liberté d’information.
 

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette demande et vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération. 

 

Christophe Deloire, 
Secrétaire général de Reporters sans frontières

 

 

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