Pour appuyer les troupes d’Hemetti face à celles du général Al-Burhane, Abou Dhabi a noué une alliance avec le Tchad. Mais les tensions à N’Djamena poussent les Émiratis à chercher une autre solution en Centrafrique.

Faustin-Archange Toudéra est tout sourire aux côtés de Mohammed Ben Zayed, le président des Émirats arabes unis. Le chef de l’État centrafricain, en visite à Abou Dhabi, assiste le 6 mars, avec son homologue, à la signature d’un accord de partenariat économique global, qui « vise à renforcer les échanges commerciaux et les opportunités d’investissement bilatéraux », selon la communication officielle.

L’économie de la Centrafrique peinant à garder la tête hors de l’eau, l’événement est de taille pour Bangui. Il masque aussi d’autres pourparlers plus discrets. Car, selon nos informations, un autre dossier a été abordé entre la délégation centrafricaine et les autorités émiraties : celui de la guerre que se livrent, au Soudan, les généraux Al-Burhan et Hamdan Daglo, dit Hemetti.

Les Émirats arabes unis sont, depuis le déclenchement du conflit en 2023, les soutiens privilégiés d’Hemetti, patron des Forces de soutien rapides (FSR), unités ayant incorporé dans ses rangs les anciennes milices janjawid du Darfour. Ils leur fournissent argent, armes et matériel, notamment via le Tchad, comme Jeune Afrique l’expliquait ici.

Cependant, la question du relais tchadien en faveur des FSR a fragilisé le président du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno, sur sa scène intérieure. Celui-ci est en effet soumis aux pressions de l’influente communauté zaghawa, dont était issu le père du chef de l’État, Idriss Déby Itno, et dont nombre de membres combattent au Soudan contre les FSR.

Si les Émirats arabes unis ont continué de livrer ces derniers mois du matériel via N’Djamena (après l’avoir longtemps fait via Amdjarass, dans l’est du pays), Mahamat Idriss Déby Itno aurait, selon une source sécuritaire tchadienne et malgré la réticence de certains de ses conseillers, décidé de lever le pied dans sa coopération avec Abou Dhabi.

Touadéra entre deux feux

Des discussions ont donc été entreprises entre les Émirats arabes unis et la Centrafrique, voisine du Tchad, qui leur offrirait les mêmes possibilités logistiques de soutien aux FSR. D’après nos informations, les Émiratis souhaiteraient pouvoir utiliser l’aéroport de Bangui, mais aussi celui de Birao, dans l’est du pays.

Si Faustin-Archange Touadéra n’est pas réticent à l’idée, il reste prudent. L’un de ses partenaires privilégiés, Wagner, a en effet longtemps soutenu Hemetti, dans la droite ligne des Émirats arabes unis. Mais le groupe russe est en perte de vitesse à Bangui, où il est repris en main par le ministère de la Défense russe et son bras armé, Africa Corps.

Or, ces derniers mois, le Kremlin semblait favoriser l’adversaire d’Hemetti, le général Al-Burhane. Faustin-Archange Touadéra ouvrira-t-il la porte de son pays aux Émiratis, faisant fi des préférences officielles de Moscou ? La Russie a, elle aussi, des ambitions pour le pays, puisqu’Africa Corps espère également obtenir de Bangui l’autorisation d’ouvrir, a minima, une base militaire sur son territoire.

Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique

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