Le Tchad est loin des pays où la politique étrangère fait l’objet d’une conférence annuelle des ambassadeurs, ouverte aux journalistes, durant laquelle les ordres de mission sont remis à la lumière des enjeux du moment. Le Tchad est aussi loin des pays où un chef de la diplomatie, un ambassadeur ou un consul dilapidant les biens publics, montrant des défaillances notoires en ternissant l’image du Tchad reste impuni ou simplement parce que son âge avancé ne lui permet plus de rester connecté aux changements du monde, alors que son disque dur est resté branché sur les années 1960, 70 et 80. Il est également un pays ou la durée réglementaire du séjour diplomatique à l’extérieur n’est pas respecté, ne permettant pas un changement, un rappel ou une mutation ailleurs, rendant le travail inefficace, le personnel peu imaginatif s’adonnant à la routine quotidienne.

La diplomatie tchadienne agit maladroitement et avec beaucoup de retard. Elle est également sans perspective ni stratégie. Les responsables des affaires étrangères n’arrivent pas à comprendre toutes les mutations opérées par les technologies de l’information et de la communication dans un monde globalisant. Pourtant, le ministère des Affaires étrangères ne manque pas de cadres compétents.  Il faut se rappeler que pas plus que dans les années 90, début 2000, la diplomatie tchadienne était dynamique, très active, éveillée et parfois même agressive, au devant de la scène et était très apprécié alors que c’était une période où les caisses de l’Etat étaient vides comparativement à la manne pétrolière d’aujourd’hui. Elle est devenu aujourd’hui une diplomatie se contentant de gérer les affaires courantes alors qu’une vraie diplomatie doit exercer toutes formes de pression et d’influence pour sauvegarder les intérêts du pays et sait agir pour s’assurer le maximum d’alliés afin de défendre ses positions.

Certains vous diront que la diplomatie est un secteur où il fait bon vivre avec des allers-retours (parfois des allers simples) aux quatre coins de la planète avec ce prestige d’y emmener sa famille et de mettre ses enfants dans de grands établissements d’enseignement, loin de l’école Bololo et de l’université d’Ardabdjoumal. Mais la réalité est toute autre, peut être exception faite pour les responsables mais certainement pas pour les cadres techniques et d’appui.

Il faut noter aussi qu’à la moindre observation sur les ratés de la diplomatie tchadienne, nos honorables responsables du ministère et nos ambassadeurs agissent émotionnellement par pur intérêt personnel au lieu de prendre le problème à bras le corps et de le résoudre de façon convenable et raisonnable pour le bien être du pays. Le Collectif constate avec regret qu’à l’analyse de la diplomatie tchadienne apparaissent trois grandes cassures : un passéisme alourdissant, un manque de vision patent et un amateurisme affligeant.

Il est étrange que la question de la diplomatie tchadienne n’a jamais été soumise à débat, y compris à l’Assemblée Nationale où la fameuse commission des affaires étrangères se fait entendre uniquement à travers ses missions à l’étranger. Le ministre des Affaires étrangères n’a jamais été interrogé sur la gestion de son secteur ni sur le traitement diplomatique d’une quelconque affaire. S’il est vrai que le Parlement est outrageusement dominé par le parti au pouvoir (MPS) qui impose un ton monocorde, il est tout aussi vrai que le Président et son staff ont fait de la politique étrangère du pays un jardin secret où il n’est pas bon de fourrer son nez. On comprend alors mieux ces réactions épidermiques contre certains journalistes qui osent briser ce mur du silence pour ouvrir le débat. Le mot d’ordre, dans cette diplomatie à la tchadienne, est de savoir se taire pour vivre heureux et mener sa carrière au bout. Le collectif considère qu’il ne faut jamais céder à l’intimidation, à la peur, ni à la terreur, mais d’avoir une conscience critique et une citoyenneté active afin que le changement attendu par l’écrasante majorité de tchadiens se réalise dans un proche avenir s’il plait à Dieu.

Il est évident que le Tchad un pays miné par la corruption, que l’informel est institutionnalisé, que les injustices sont légion, que les personnes honnêtes et sérieuses sont pour la plupart écartées de la gestion publique, mais les tchadiens n’ont pas le droit de rester inactif face à cette situation ; ils doivent agir à tous les niveaux pour que la situation change. C’est un devoir citoyen le plus sublime.

 Le Collectif de diplomates tchadiens 

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