A l’occasion de l’interview qu’il a accordée la semaine dernière au journal Notre Temps, Idriss Déby a spontanément évoqué une rencontre récente avec les Avocats du barreau du Tchad en présence du ministre de la Justice, Abdoulaye Sabre Fadoul, dont il n’a toutefois pas cité le nom. Le chef de l’Etat a dévoilé que les Avocats « ne sont pas contents du ministre » et qu’ils ont soumis à son arbitrage « ce qu’ils reprochaient à ce ministre ». Il n’en a pas dit davantage, mais a jugé « compréhensible » leur indignation.


Alors, de quoi s’agit-il ?


Les raisons de la fronde des Avocats sont exposées dans une lettre ouverte au chef de l’Etat datée du 28 février 2013 et publiée sur les réseaux sociaux quelques jours plus tard. Dans cette missive de cinq pages pleines et entières, au ton extrêmement impitoyable, le barreau du Tchad dans son ensemble fait part à Idriss Déby de nombreux « dysfonctionnements » et dénonce « les agissements exécrables » d’Abdoulaye Sabre Fadoul qui « ternit l’image de la Justice ». Sans doute le personnage donne l’impression d’abuser sans vergogne de sa proximité familiale avec Idriss Déby et du brin de pouvoir que lui concède le despote.


Pour les robes noires, « depuis la nomination de M. Abdoulaye Sabre Fadoul au prestigieux poste du Garde des Sceaux… l’appareil judiciaire est paralysé, voire agonisant ». Ils dénoncent ses « immixtions intempestives dans les affaires judiciaires », lui reprochant d’exercer des « pressions » intolérables sur « les juges du siège » allant jusqu’à purement et simplement révoquer du corps de la magistrature « ceux qui tentaient de lui opposer l’inamovibilité des juges ».


Un véritable réquisitoire contre la politique d’intimidation et d’ostracisme d’un ministre inexpérimenté qui, dit-on, n’aurait jamais occupé aucun emploi salarié ou associatif de toute sa vie avant d’être propulsé directement, tel un missile sol-air, des bancs de l’Université aux plus hautes sphères du pouvoir.


Sa « mauvaise gestion des ressources humaines » préjudiciable aux magistrats, greffiers et pensionnaires de l’administration pénitentiaire, est raillée. Son « incapacité à défendre les magistrats et le pouvoir judiciaire » à l’Assemblée nationale pointée du doigt.


Visiblement excédés par « l’insolence et l’arrogance » manifeste du Garde des Sceaux qui n’a pas hésité à appeler tard le soir « le Bâtonnier pour l’injurier, le traitant d’hallucinant et de ridicule », les Avocats demandent au chef de l’Etat de sanctionner sévèrement son « incompétence notoire à gérer le prestigieux ministère de la Justice » (sic).


Il faut reconnaître que dans sa détermination, sans doute sincère, à vouloir assainir le monde judiciaire et moderniser le système pour le rapprocher des justiciables et l’adapter aux engagements internationaux souscrits par notre pays, ce juriste qui adore qu’on l’appelle « Dr » Abdoulaye Sabre Fadoul agit le plus souvent sans prendre des gants. Au risque de transgresser la loi au nom d’une conception singulière et délirante de l’ordre et la justice.


Mais, pour Idriss Déby, « les avocats eux aussi ont un problème. Il faut que l’avocat s’entende avec le système, l’appareil judiciaire pour qu’il arrive à défendre légalement » (sic).


Où l’on voit que dans chaque arbitrage, le chef de l’Etat penche toujours, sans la moindre gêne, en faveur de ses proches quelle que soit la légitimité des revendications des autres. A croire qu’il a le népotisme dans le sang.

Lire la lettre ouverte

 Tchadoscopie 

 

 

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