17 juillet 2019 L’affaire Benalla envoie au purgatoire diplomatique l’ambassadeur de France au Tchad.
Actuel ambassadeur de France à Brazzaville, Bernard Cochery va prendre la suite de Philippe Lacoste à l’ambassade de France à N’Djamena à la fin du mois d’août. Sur le départ, ce dernier a cependant été laissé sans affectation par le Quai d’Orsay. Un traitement qui vient sanctionner l’inaction supposée du diplomate à l’occasion du voyage effectué par Alexandre Benalla à N’Djamena le 2 décembre dernier. Comme l’avait révélé La Lettre du Continent (LC n°790), l’ancien chargé de mission d’Emmanuel Macron était venu, deux semaines avant le voyage officiel du président français au Tchad, négocier avec Philippe Hababou Solomon le rachat de la société tchadienne Manufacture des équipements militaires (Manem) pour le compte du fonds d’investissement turc Barer Holding d’Oktay Ercan (LC n°794). A la tête d’une délégation d’une dizaine d’hommes d’affaires turcs et qataris, l’ancien chargé de mission de l’Élysée avait rencontré le président tchadien Idriss Déby ainsi que son frère Oumar Déby.
Le voyage d’Alexandre Benalla avait suscité un embarras considérable à Paris. Quelques semaines plus tard, entre Noël et le jour de l’An, Le Monde et Médiapart avaient révélé que l’ex-chargé de mission de l’Élysée disposait encore de passeports diplomatiques. Le procureur de la République avait alors été saisi par le ministère des affaires étrangères pour « utilisation illicite de passeports diplomatiques ».
Le 16 janvier, devant la commission d’enquête parlementaire visant à éclaircir le rôle d’Alexandre Benalla, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait ouvertement dénoncé le rôle de Philippe Lacoste, lui reprochant notamment de ne pas avoir communiqué dans les meilleurs délais la présence de l’ancien chargé de mission de l’Élysée à N’Djamena. Au cours de son audition, il avait évoqué un « regrettable manque d’appréciation », soulignant que l’ambassadeur « n’avait pas considéré qu’il fallait en faire rapport » et expliquant aux parlementaires incrédules qu’il avait appris l’existence de ce voyage seulement le 26 décembre, soit deux semaines après les premières révélations de La Lettre du Continent le 12 décembre. Les propos du ministre et sa charge contre son ambassadeur avaient suscité un certain malaise chez les diplomates. Un rappel prématuré à Paris de Philippe Lacoste avait un temps été envisagé par le cabinet du ministre (LC n°793), qui avait finalement décidé de le maintenir jusqu’à l’été.