Le chef d’état-major de l’armée libyenne a démissionné dimanche au lendemain de violences meurtrières à Benghazi, dans l’est, tandis que les autorités ont annoncé un plan pour dissoudre tous les groupes armés avant la fin 2013.

Au moins 31 personnes ont été tuées et plus de 100 autres blessées samedi à Benghazi (est) dans des affrontements entre une brigade d’ex-rebelles et des manifestants, selon un nouveau bilan officiel rendu public dimanche.

Aux cris de "le sang des martyrs n’a pas été versé en vain", plusieurs centaines de personnes ont participé aux funérailles dans le cimetière d’al-Hawari non loin du centre de Benghazi, selon un journaliste de l’AFP sur place.

Les funérailles se sont déroulées dans le calme, dissipant les craintes des autorités d’une nouvelle escalade de la violence. Pour calmer les esprits, le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays, a annoncé dimanche la démission du chef d’état-major Youssef al-Mangouch.

Des dizaines de manifestants "anti-milices", dont certains armés, avaient tenté samedi de déloger une brigade de "Bouclier de Libye" de sa caserne, provoquant un affrontement entre les deux groupes qui ont fait usage d’armes. Les protestataires affirment vouloir déloger les "milices" armées de leur ville, appelant les forces régulières à prendre le relais.

Les brigades "Bouclier de Libye", formées d’anciens rebelles ayant combattu le régime de Mouammar Kadhafi en 2011, relèvent formellement du ministère de la Défense. Les autorités, qui peinent à former une armée et une police professionnelles, ont régulièrement recours à ces ex-rebelles pour sécuriser les frontières ou s’interposer dans des conflits tribaux.

Lors d’une conférence de presse, le vice-président du CGN, Jemaa Atiga, a confirmé la démission du chef d’état-major, ajoutant que l’assemblée avait décidé de donner au gouvernement deux semaines pour mettre en place un plan visant à dissoudre les groupes armés qui dépendent des ministères de la Défense et de l’Intérieur et à intégrer leurs membres de manière individuelle au sein des forces régulières. Ce plan doit avoir été appliqué à fin 2013, a précisé M. Atiga.

La décision du CGN prévoit également la dissolution de "tous les groupes armés illégitimes", "y compris par l’utilisation de la force". L’Assemblée a décrété par ailleurs trois jours de deuil national à la mémoire des victimes des violences de Benghazi.

Dans la nuit de samedi à dimanche, le Premier ministre Ali Zeidan avait déjà annoncé que "Bouclier de Libye" avait quitté sa caserne et que l’armée régulière avait pris possession des lieux et des armes lourdes qui s’y trouvaient. Dimanche, l’armée a indiqué que les forces régulières allaient prendre possession de quatre sites militaires occupés par cette brigade à Benghazi.

"Bouclier de Libye" est la brigade la plus importante en terme d’armement et d’effectif. Elle est commandée par Wissam Ben Hamid, un ex-rebelle d’une quarantaine d’années, connu pour ses liens étroits avec les islamistes. Selon Mohamed al-Maadani, un universitaire de Benghazi, "l’Etat ne peut pas se passer de ces brigades d’ex-rebelles, sauf dans le cadre d’une stratégie de long terme".

Selon lui, "les autorités ont chargé les ex-rebelles de missions que l’armée (en cours de formation) est incapable d’effectuer dans l’immédiat, comme la surveillance des frontières". "Mais à chaque fois, c’est l’Etat qui perd sa crédibilité en légitimant ces groupes d’ex-rebelles rejetés par la population", a-t-il estimé.

Ali al-Chikhi, porte-parole du chef d’état-major, a affirmé samedi soir que "Bouclier de Libye" était "une force de réserve de l’armée libyenne" et que l’attaquer serait "une agression contre une force légitime". En octobre, des habitants de Benghazi s’étaient déjà soulevés contre les milices, délogeant certaines d’entre elles de leurs bases, lors d’affrontements meurtriers.


Benghazi, la deuxième ville de Libye d’où était partie en 2011 la contestation qui a conduit à la chute du régime de Kadhafi, a été le théâtre ces derniers mois de plusieurs attaques contre des intérêts occidentaux et d’assassinats de responsables de la sécurité.
 

Jeune-Afrique

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