Derrière le "coup de force" de Khalifa Haftar se profile un affrontement entre les anciens du Front national du salut de la Libye (FNSL) et ceux du Groupe islamique combattant libyen (GICL), les deux branches historiques de l’opposition à Mouammar Kadhafi. Décryptage. 


En plus de ses premiers supporters – les milices Zintan Qaaqaa et Al Sawaik, Haftar a engrangé en quelques jours de puissants soutiens, du commandant des Forces spéciales (la Saiqa) Wanis Boukhmada, au leader séparatiste Ibrahim Al-Jadhran, en passant par le chef des Warshefana, Jumaa Al Sayeh. C’est désormais à l’étranger qu’il doit engranger des alliés. Il s’appuie pour cela sur les réseaux du FNSL, dont il a dirigé la branche armée. L’ex-premier ministre Ali Zeidan, cofondateur du mouvement (avec Mohamed Al-Megarief), sillonne déjà les capitales européennes (lire p.4). Autre figure historique du FNSL, le chef du renseignement Salem Al-Hassi se chargera pour sa part de maintenir le lien avec Washington, "sponsor" historique du FNSL. 

Si, en Cyrénaïque, l’ennemi Ansar Al-Sharia est clairement identifié, à Tripoli, Haftar veut régler ses comptes avec les anciens djihadistes du GICL qui ont trusté les postes dans l’appareil d’Etat depuis la révolution. Les plus visés sont Abdelhakim Belhadj, accusé de piloter en sous-main les milices les plus radicales de Tripoli, le tout-puissant Khalid Al-Sharif, numéro deux du ministère de la défense, et Abdelwahab Mohamed Qaid, président de la commission de sécurité du Congrès général national (CGN) et responsable des frontières sud du pays. Le mouvement Al Wafa, les islamistes "durs" du Parlement, espérait déjà voir Qaid remplacer Mohamed Al-Megarief à la tête du CGN mi-2013. 

La principale inconnue, pour Haftar, est de savoir si Misrata, divisée sur son initiative, conservera sa neutralité annoncée mardi 20 mai. La cité-Etat fera tout pour conserver le plus longtemps possible l’influence qu’elle a chèrement acquise sur la scène nationale. 

 

Washington garde un œil sur Haftar

 

Longtemps exilé aux Etats-Unis, près de Langley, le siège de la CIA, le général Khalifa Haftar n’a pas coupé ses canaux de discussion avec Washington. Il est très proche de Salem Al-Hassi, qui était son bras droit au sein de la branche armée du FNSL. Ce dernier a lui aussi longtemps été exilé aux Etats-Unis, sous protection de la CIA. Al-Hassi, seul dirigeant du FNSL à être resté au cœur de l’appareil d’Etat depuis la révolution, a maintenu un contact permanent avec les Etats-Unis. Parallèlement, son cousin Hamed Al-Hassi, l’un des chefs du conseil militaire de Cyrénaïque, a fait le go-between entre Haftar et le leader des fédéralistes d’Ajdabiya, Ibrahim Al-Jadhran, ainsi qu’avec Wanis Boukhmada. Ce dernier est en contact étroit avec le spécialiste en contre-terrorisme Counter Threat Alliance CTA), très proche du ministère de la défense britannique et du Pentagone. Les Petroleum Facilities Guards (PFG) qui ont rallié Haftar sont quant à eux formés par KBR, la firme de logistique militaire américaine. Ces liens expliquent peut-être la neutralité bienveillante dont le département d’Etat fait preuve depuis le lancement de "l’opération dignité".

La Lettre du Continent.

 

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