A deux ans de la présidentielle, le bras de fer entre Mahamadou Issoufou, candidat à sa succession, et son ex-allié devenu ennemi irréductible, Hama Amadou, a débuté. Le premier accuse le second de vouloir créer les conditions d’un coup d’Etat militaire. Pour sa part, le président de l’Assemblée nationale ne cesse de dénoncer l’exécutif, qui se livrerait ni plus ni moins à une opération de liquidation politique. Les sécurocrates et les "ultras" du PNDS, le parti du chef de l’Etat, sont en première ligne pour gérer ce climat particulièrement préoccupant dans un pays à la tradition putschiste bien enracinée. Analyse. 

Stratégie d’encerclement – A la présidence, le chef d’état-major particulier du chef de l’Etat, le colonel Walli Karingama, et son ministre conseiller spécial à la sécurité, le commissaire Ousmane Cissé, multiplient les notes prônant la fermeté face au contexte politique très tendu depuis le ralliement d’Hama Amadou à l’opposition, en août 2013. Ce dernier, mais aussi les journalistes et les principales figures de la société civile sont visés par le régime. L’analyse de la situation, en particulier la nécessité de neutraliser le président de l’Assemblée, est partagée par le ministre de l’intérieur Hassoumi Massaoudou, lequel s’appuie sur le patron des services de renseignement, Souley Boubacar, et sur le haut commandant de la gendarmerie nationale, le général Garba Mounkaïla. Savamment murie, cette stratégie d’encerclement d’Hama Amadou a débouché, le 25 mai, sur l’arrestation de dizaines de ses proches, parmi lesquels l’ancien maire de Niamey Oumarou Dogari, l’ex-ministre de la jeunesse et des sports, le colonel Abdourahamane Seydou, et l’ancien ministre de la santé, Soumana Sanda. Ceux-ci ont été incarcérés pour "atteinte à la sûreté de l’Etat". Alors qu’il n’a pu obtenir la destitution de Hama Amadou faute d’avoir recueilli la signature de 76 députés, le pouvoir mise désormais sur ces enquêtes pour démontrer que ce groupe n’a pu agir sans l’accord de l’ex-premier ministre de Mamadou Tandja. 

Riposte – Il n’en fallait pas plus pour qu’Hama Amadou, personnage réputé pour ses calculs politiciens, use de ce contexte pour adopter une posture victimaire. Plusieurs arguments le confortent dans ce rôle. L’enquête sur les tirs ayant visé sa résidence de Niamey, en février, n’a toujours pas été lancée. Quelques semaines plus tard, sa garde rapprochée a été unilatéralement ramenée à huit éléments – tous membres de son ethnie Djarma – contre une trentaine auparavant, avant d’être entièrement renouvelée sans son accord. Début mai, l’aide de camp d’Hama Amadou, le colonel Soumaïla Abdoul Karim Garba, a été limogé par décret présidentiel et aussitôt nommé au sein de l’ONUCI en Côte d’Ivoire. Criant à la menace sur "les libertés publiques et la démocratie", Hama Amadou s’est également trouvé des alliés de circonstance parmi les journalistes, les étudiants et une partie de la société civile. Résultat : il a su obtenir le soutien du chef de file de l’opposition Seïni Oumarou, patron du MNSD. Il entend ainsi capitaliser sur ce rapprochement pour espérer se présenter en 2016 comme le candidat unique de l’opposition.

L’armée reste muette – Dans cette atmosphère survoltée, l’armée, toujours prompte à jouer les arbitres, se tient à l’écart. Son commandant, le généralSeyni Garba, passe pour un personnage nettement moins politique que son prédécesseur, le général Boureima Moumouni, acteur des putschs de 1996 et 1999. Le président Issoufou a par ailleurs pris certaines précautions en nommant un fidèle, le général Souleymane Salou, à l’Inspection générale des armées et en confiant le ministère de l’intérieur à son éminence grise, Hassoumi Massaoudou. D’ici la présidentielle, le régime devrait surtout s’efforcer de contredire ses contempteurs sur le terrain économique, notamment par l’utilisation des 33 millions € de taxes supplémentaires générées par les récentes négociations avec Areva. Ce bonus doit permettre de lancer les projets phares du quinquennat : barrage de Kandadji, programme 3N, etc. En théorie du moins…

La Lettre du Continent

 

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