Le 21 décembre dernier, ayant appris la nouvelle de l’envoi des troupes tchadiennes en République Centrafricaine où les rebelles de SEKELA menaçaient de descendre à Bangui et y chasser le Président Bozizé, la CPDC s’est interrogé sur le bien fondé de cet engagement, d’autant plus que l’Assemblée Nationale n’avait pas au préalable été informée.

Depuis, le Président Idriss DEBY ITNO, en sa qualité de Président en exercice de la Commission Economique de l’Afrique Centrale (CEEAC), a convoqué un sommet et a faire lire un message à l’Assemblée Nationale. Cette communication, sorte de séance de rattrapage, n’a convaincu personne.

En dépit de l’annonce de l’ouverture des négociations inclusives (gouvernement – rébellion de Sékéla – Opposition démocratique), la situation sur le terrain n’est pas à la détente. En effet, les forces rebelles continuent l’occupation des villes.

De plus, un une vague de tchadophobie se répand sur toute la République Centrafricaine : le gouvernement tchadien a été obligé de rapatrier tous les Tchadiens travaillant dans les institutions communautaires et à l’ambassade ; laissant à leur sort les centaines de milliers, voire plus d’un million de Tchadiens, étudiants, commerçants, éleveurs et autres.

Après analyse approfondie de la situation, la CPDC relève que :

1-    Les peuples Centrafricain et Tchadien ont de tout temps entretenu  des relations fraternelles et s’appelaient entre eux « noko » (cousins). Des centaines de milliers des Tchadiens se sont  installés et exercent toutes sortes d’activités partout en Centrafrique et vis-versa des ressortissants de la RCA se sont installés au Tchad sans discrimination aucune.
 

2-     Malheureusement, depuis plus d’une décennie, on a noté des interventions récurrentes du gouvernement d’Idriss DEBY ITNO dans les affaires intérieures du Centrafrique ; N’Djamena est devenue la plaque tournante de tout centrafricain, militaire ou civil, qui conteste le pouvoir central :
 

le Président BOZIZE est parti du Tchad à la tête d’une colonne pour perpétrer un coup d’Etat contre le Président Ange Félix PATASSE ;

▪les troupes dépêchées dans le cadre des différentes missions sous mandat onusien ou sous mandat des institutions sous-régionales se sont comportées comme en territoire conquis (justices parallèles, vols, exactions diverses) et ont fini par ruiner tout ce capital de confiance entre les populations centrafricaines et leurs frères tchadiens ;
 

▪la plupart des Chefs de la rébellion SELEKA (Nouradine Adam, Abdoulaye Miskine, Dahane, …) et membres de l’opposition civile (Jean-Jacques Demafouth entre autres) sont passés par N’Djamena.

3-    Les troupes tchadiennes actuellement déployées en RCA, non sollicitées par les parties en conflit, sont perçues comme des forces d’occupation :
 

▪l’invocation de la CEEAC pour justifier cette présence est une supercherie ; le Protocole relatif au Conseil de Paix et Sécurité en Afrique Centrale (COPAX), le Pacte d’Assistance Mutuelle entre les Etats membres de la CEEAC limitent les champs d’intervention aux cas des conflits opposant un des Etats de la CEEAC à un autre Etat, ou des conflits opposant les Etats membres de la CEEAC entre eux ;        

▪la mission de la MICOPAX dont le mandat a été fixé par la décision du 12 juin 2008 est venue à échéance et le Tchad a rapatrié toutes ses troupes, y compris les unités « prêtées » au Président Bozizé pour sa sécurité rapprochée ;
 

▪l’envoi de nouvelles troupes nécessite une nouvelle résolution de la CEEAC, le Tchad n’ayant pas d’accord bilatéral dans ce domaine ; on aura noté que le sommet de la CEEAC tenu à N’Djamena n’aura réuni que 4 Chefs d’Etat dont le Président du pays hôte sur les 10 Chefs d’Etat membres (Angola, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée Equatoriale, République Démocratique du Congo, Sao Tomé et Principe, et Tchad) ;
 

▪les opérations de rattrapage n’ont pu mobiliser que les pays de l’ex AEF (Congo-Brazzaville, Gabon et Tchad) et le Cameroun ; la Guinée Equatoriale, membre de la CEMAC et de la CEEAC ne fait montre d’aucun intéressement ; la prédominance des troupes tchadiennes ne se justifie pas : des milliers de soldats tchadiens contre 360 pour les 3 autres pays réunis.
 

4-    Pour montrer sa méfiance envers les autorités tchadiennes et se prémunir contre toute éventualité, le Président Bozizé a préféré demander le renfort des troupes de l’Afrique du Sud pour sécuriser son palais et Bangui.
 

5-    Les négociations de Libreville, sous la médiation du Président Sassou NGuesso (N’Djamena et le Président Déby ayant été récusés parce que n’inspirant pas confiance aux parties en conflit), s’annoncent difficiles tellement les schémas des uns et des autres divergent.
 

6-    Le pré-accord de Libreville annoncé ce matin ne signifie nullement la sortie de crise de la mal gouvernance qui se développe sous le parrainage du Président DEBY ITNO; un véritable accord suppose en effet une profonde refonte des institutions, avec l’implication déterminée de l’Union Africaine (aujourd’hui totalement inaudible et invisible) et de l’Organisation des Nations Unies.


Dans ces conditions, la première préoccupation de la diplomatie tchadienne devrait être de faire assurer la sécurité de la très nombreuse colonie tchadienne résidant en République Centrafricaine.


Aussi, la CPDC demande-t-elle le retrait immédiat des troupes tchadiennes envoyées précipitamment, afin que se développe le processus de réconciliation nationale entre frères centrafricains, puis entre Tchadiens et Centrafricains qui ont des liens séculaires tissés par la géographie et l’histoire.


Le Tchad ne doit pas se comporter en pays impérialiste ; il n’en a ni les moyens, ni la vocation.
                                               

                                                      

Fait à N’Djamena, le 11 janvier 2013

 

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