Khartoum (AFP) – Des milliers de personnes ont manifesté jeudi au Soudan pour appeler à la chute du régime, au 4e jour d’un mouvement de contestation d’une ampleur inégalée contre des mesures d’austérité qui a déjà fait une trentaine de morts.

Les manifestations, provoquées par la levée des subventions sur les carburants et qui ont parfois pris une tournure violente avec des biens publics et privés attaqués, sont les plus importantes contre le régime islamiste du général Omar el-Béchir depuis son arrivée au pouvoir en 1989.

Le président Béchir, qui devait prononcer un discours jeudi à l’Assemblée générale des Nations unies à New York, est resté dans le pays, faute de l’octroi d’un visa par les Etats-Unis, selon la diplomatie soudanaise.

Des rassemblements ont eu lieu en soirée à Oumdurman, la ville voisine de Khartoum, où des centaines de personnes ont été dispersées par la police avec des grenades lacrymogènes.

« Liberté, liberté », « le peuple veut la chute du régime », scandaient les manifestants, selon le correspondant de l’AFP.

Une petite manifestation s’est également déroulée à Khartoum et a aussi été dispersée par la police.

Alors que des appels à manifester ont été lancés sur les réseaux sociaux pour vendredi, le gouverneur de Khartoum, Abdel Rahman Al-Khidr, a averti que le gouvernement frapperait « d’une main de fer » ceux qui portent atteinte aux propriétés publiques.

Reprenant le slogan phare du Printemps arabe, environ 3.000 personnes avaient défilé plus tôt dans la journée dans le quartier d’Al-Inqaz à Khartoum, mettant le feu à des pneus pour couper des routes, selon des témoins.

La police a tenté de les disperser à l’aide de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, ont-ils précisé.

Les écoles sont restées fermées par décision du gouvernement. Même les stations-services n’ont pas ouvert, les protestataires ayant mis le feu à plusieurs d’entre elles la veille.


La TV accuse des « hors-la-loi »

A Port-Soudan, à 1.000 km au nord-est de Khartoum, un millier de personnes ont également manifesté, selon des témoins. Elles brandissaient des pancartes proclamant « Non à la cherté de vie » et ont été, là encore, dispersées.

Au moins 29 personnes ont été tuées entre lundi et mercredi, selon des sources hospitalières, un bilan confirmé jeudi soir par la police.

Aucune indication officielle n’a été donnée sur les circonstances de leur décès mais des témoins et des proches ont affirmé que la plupart des civils avaient été tués par les tirs des forces de sécurité.

La télévision d’Etat a diffusé des images de véhicules, de bâtiments et de stations services incendiés ou endommagés, en accusant des « hors-la-loi » d’en être les responsables.

Face à l’extension des troubles, qui avaient débuté lundi dans le centre du pays, l’ambassade des Etats-Unis a appelé « toutes les parties à ne pas recourir à la force et au respect (…) du droit au rassemblement pacifique ».

Les manifestations ont jusqu’à présent un caractère spontané. Les dirigeants de l’opposition, dont l’ex-Premier ministre Sadek al-Mahdi, se sont réunis jeudi mais n’ont publié aucune déclaration.


Appels à des manifestations vendredi

Cependant, sur les réseaux sociaux, des appels à manifester ont été lancés pour vendredi après la prière de la mi-journée.

Dans un communiqué, « l’alliance des jeunes de la révolution soudanaise », qui contribue à l’organisation de la contestation sur les réseaux sociaux, a demandé « au peuple soudanais de poursuivre sa révolution », réclamant « la démission du chef de l’Etat (…) ainsi que du gouvernement corrompu ».

Les connexions internet, interrompues mercredi, ont été rétablies.

En revanche, un journal indépendant, Al-Jarida, n’a pas paru jeudi en raison de la censure imposée par les autorités, a déclaré à l’AFP son rédacteur en chef Idriss Al-Doumah, dénonçant cette décision « d’interdire la publication de toute information sur les manifestations ».

Le Soudan connaît depuis 2012 des manifestations sporadiques contre le régime mais sans attirer les foules comme dans plusieurs pays de la région, où des chefs d’Etat ont été renversés par la rue.

Le Soudan a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis l’indépendance il y a deux ans du Sud. Il est depuis touché par une inflation galopante et peine à financer ses importations.

Le président Béchir est sous le coup de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité et génocide au Darfour, une région de l’Ouest soudanais théâtre de troubles.

Le Soudan a démenti jeudi qu’il ait renoncé à se rendre à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies, comme l’avait affirmé la veille un porte-parole de l’ONU.

Le ministère des Affaires étrangères a regretté le « retard » de l’ambassade des Etats-Unis dans l’octroi de son visa, selon l’agence officielle Suna.

AFP 

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