Les rebelles de la région soudanaise du Darfour vont pâtir de l’amélioration des relations entre Khartoum et Juba, qui va pousser le Soudan du Sud à réduire son soutien aux insurgés, estime Eltigani Seisi, principal dirigeant de la région.

M. Seisi est à la tête de l’Autorité régionale du Darfour, instance établie l’année dernière pour mettre en oeuvre un accord de paix entre le Soudan et une coalition de petits groupes rebelles.

Au cours d’un entretien avec l’AFP mardi, il a par ailleurs estimé que les forces de sécurité avaient fait "un usage excessif de la force" la semaine passée contre des "civils innocents" qui dénonçaient la flambée des prix à Nyala dans le sud du Darfour, où au moins huit personnes ont été tuées par balles.

Affirmant que la sécurité s’est "beaucoup" améliorée depuis la signature en 2011 de l’accord de Doha sur le Darfour, il a toutefois accusé des rebelles extérieurs au processus de paix d’être entrés au Darfour depuis le Soudan du Sud pour y lancer des attaques ces trois derniers mois.

"Tout le monde sait qu’ils étaient au sud du Soudan. Tout le monde sait qu’ils sont soutenus par le sud du Soudan", a-t-il déclaré, faisant référence au Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011.

Le Sud nie soutenir les rebelles.

Le Mouvement pour la Justice et l’Egalité (JEM), le groupe rebelle le plus important du Darfour dément toute présence au Soudan du Sud, bien que certains de ses membres présumés aient été vus à la frontière lors d’affrontements entre les deux pays. "Je pense que les mouvements (armés) se sont rendus compte qu’ils étaient utilisés par le Soudan du Sud pour renforcer sa position à Addis Abeba", a-t-il ajouté, en allusion aux négociations entre Khartoum et Juba dans la capitale éthiopienne.  Après des semaines de pourparlers tendus, Soudan et Soudan du Sud sont parvenus à un accord historique samedi, fixant le montant des droits dont devra s’acquitter le Soudan du Sud pour utiliser les infrastructures soudanaises afin d’exporter son pétrole.

"D’après ce que je vois, les deux pays sont en train d’harmoniser leurs relations et ce sont les groupes rebelles qui en pâtissent", a estimé M. Seisi, ancien gouverneur du Darfour et ancien conseiller pour les Nations Unies.

Le traité de paix de Doha a été signé à l’issue de négociations sous l’égide de l’Union africaine, des Nations unies et de la Ligue arabe.

Le JEM et des factions de l’Armée de Libération du Soudan (SLA), un autre groupe-clé, avaient refusé de le signer.

Le JEM et la SLA ont ensuite rejoint les rebelles du SPLM-N, basés au Soudan, au sein d’un "front révolutionnaire" qui veut renverser le gouvernement de Khartoum par la force.

Le Soudan et le Soudan du Sud se sont battus en mars et en avril, le long de leur frontière dont le tracé reste à déterminer. Le Conseil de sécurité de l’ONU a réclamé dans une résolution un cessez-le-feu et le règlement des points critiques laissés en suspens.

Le mois dernier, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, avait indiqué que les conditions du traité de Doha étaient loin d’être remplies, notamment le transfert de 200 millions de dollars que Khartoum doit fournir au fonds de reconstruction et développement. Sans cette somme "personne n’osera participer à la reconstruction du Darfour," estime Seisi.

Le président du Soudan, Omar el-Béchir, est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), pour les crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre qu’il aurait commis au Darfour. Son ministre de la Défense est également sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI.

Le banditisme, les violences tribales et les combats entre rebelles et armée soudanaise font partie du quotidien au Darfour même s’ils sont d’un degré moindre que durant le pic des violences de 2003-2004, après le soulèvement des tribus non arabes contre le régime de Khartoum.

 

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