A quelques jours de la tenue de cette importante assisse du parti au pouvoir la guerre de succession a déjà commencé. Ça y est, les hostilités sont lancées. A l’issue des trois jours de congrès qui se dérouleront du 19 au 21 octobre prochain, les coulisses du Grand Hôtel, siège du Mouvement Patriotique du Salut, grouillent du monde en quête de voix pour le poste du Secrétaire Général.
 En théorie, à l’issue de ce congrès, Haroun Kabadi, actuel locataire du Grand Hôtel et président du parlement tchadien, doit passer la main même s’il est candidat à sa propre succession. De toutes les manières, ses camarades ne lui ont pas laissé le temps de se déterminer en vue de se positionner pour la bataille à la succession.

En tête de la liste des successeurs potentiels, on trouve le Premier Ministre, Emmanuel Nadingar. En pôle position, le locataire de la primature pense de plus en plus que son séjour au gouvernement tire irrémédiablement vers sa fin. Pour cela, il veut se ménager une issue honorable en héritant du parti d’où, il aura son mot à dire. Pour arriver à ces fins, il compte sur deux personnes clés Mariam Attahir, grande lobbyiste devant l’éternel avec une connaissance très approfondie des mœurs et les intrigues des militants du parti de Bamina. Le deuxième personnage est son directeur de cabinet adjoint, Aziz Mahamat Saleh. Ce dernier peut se targuer d’une filiation qui lui permet d’avoir un mot à dire devant les militants. Fils de l’ancien Secrétaire Général du MPS et compagnon de lutte du Président de la République, membre fondateur du MPS, l’ambassadeur Mahamat Saleh Ahmat Tibeck qui est en réserve de la République, le fiston pourra faire apporter des précieuses voix à son patron. Seul ombre au tableau, beaucoup de militants du MPS pensent que ces deux personnalités jouent également leurs propres partitions. Chacune d’elles se voit calife à la place du calife. D’autres disent qu’Aziz et Mariam veulent entrer au Gouvernement et donc tablent sur la victoire de leur champion pour leur renvoyer l’ascenseur.

Le deuxième sérieux candidat est le grandiloquent Sultan Djibert Younous. Fêtard, généreux, amis des jeunes, le chef supérieur des Toundjour est un enfant du système. Il peutcompter sur des soutiens aussi solides que ceux des Bureaux de Soutiens dont il fait partie. Le fondateur de la Caravane blanche peut aussi s’appuyer sur des amitiés solides comme celle du Conseiller Spécial du Chef de l’Etat, Adoum Younousmi. Ce dernier a les moyens de faire l’unanimité au sein des clans du BET. Quand on sait quels rôles peuvent jouer ces différents clans au sein du MPS, il faut savoir compter sur eux. Encore que, nombre d’entre eux sont représentés par les pères fondateurs du parti des flammes.
Mahamat Ali Abdallah Nassour, le dauphin putatif du prince, éternel candidat à la deuxième place après le chef, compagnon de la première heure, pense qu’enfin son jour est arrivé malgré les déconfitures de dernières minutes qu’il a reçu. Il n’a pas encore digéré l’humiliation à lui faite par son jeune collègue, Abdoulaye Sabre Fadoul qui lui a ravi la présidence du comité d’organisation de la fête du 1er décembre à Biltine. Pourtant, cette place devrait lui revenir de droit tant il remplit tous les critères. Membre-fondateur du MPS, Deuxième personnalité du Bureau Politique National, il vient avant le Garde de Sceaux sur le plan protocolaire au sein du Gouvernement. Pourra-t-il réussir cette fois-ci ? Rien n’est moins sûr ! Les Haggar mis de côté, il pourra compter sur les lobbyistes du Waddi-Fira et de l’Ennedi dont il se sent partie intégrante. Tout de même sa santé chancelante ne plaide pas en sa faveur.
L’ancien Ambassadeur du Tchad aux Etats-Unis d’Amérique, Ahmat Hassaballah Soubian, alias Bavure, qui a démissionné du parti au pouvoir dont il est membre-fondateur, d’une manière spectaculaire en 2005, tout en dénonçant la volonté du Chef de l’Etat de rempiler pour la troisième fois, en modifiant la constitution qui le lui interdisait, veut revenir dans cette marre qu’il n’a pas encore rejoint officiellement. Puisqu’il a créé le Mouvement National (MN), un mouvement politico-militaire transformé en parti politique. Pourtant, ce proche collaborateur d’Idriss Déby Itno peut compter sur son lobby des proches de la dernière épouse du Chef de l’Etat, Amani, dont il passe pour être son oncle. Sa proximité grandissante avec le Chef de l’Etat depuis la chute de son Cousin Mahamat Saleh Annadif pourra également jouer en sa faveur. En tout état de cause, il est parmi les premiers à déclarer son intérêt pour ce poste.
L’autre sérieux candidat est le Tout-puissant, ministre à la présidence de la République, chargé des Infrastructures. L’ancien Directeur de Cabinet du Président de la République, ancien Secrétaire Général de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, Gata Ngoulou, se voit lui également à la place de son parent Kabadi. Malgré sa méconnaissance de l’appareil interne du Parti au pouvoir, il peut compter sur sa grande capacité au travail, sa méthode cartésienne, son intelligence inouïe et son sens d’organisation qui fait de lui l’un des plus grands cadres du Tchad actuellement. Il peut aussi compter sur son long militantisme mécène auprès de la représentation du MPS au Cameroun. Ses passages à la présidence de la République et au ministère des Finances lui ont permis de se faire des amis dans tous les milieux. On sait que dans de telles situations, les relations tissées dans les affaires peuvent se révéler capitales. A défaut d’être premier ministre, comme son cousin est président de l’Assemblée nationale, il pourra se contenter de ce strapontin stratégique.
A côté des ces candidats déclarés, on peut trouver une kyrielle d’autres personnages plus ou moins intéressés mais qui pourront être choisis par le Chef de l’Etat. On voit d’abord le président du Comité d’Organisation de ce 5ème Congrès Ordinaire, Moussa Kadam. Ce brillant enseignant, qui a gardé un sens élevé de la rhétorique et qui manie avec dextérité son sens de la repartie, dirige avec appoint le Groupe parlementaire MPS. Devenu idéologue du MPS, il est une des rares personnes qui a encore l’esprit à la réflexion idéologique au sein du parti au pouvoir. Pourtant, celui qui a fait son bizutage politique sous Hissein Habré, n’arrive pas à se faire au désordre ambiant et à l’indiscipline des militants du MPS.
Digne représentant des Hadjaraï au sein du parlement, bien que souffrant d’une contestation de plus en plus affirmée par la jeune garde dans son fief de Mongo, il veut enfin se voir consacrer à la place laissée vacant par Moldom Bada Abbas. Après avoir échoué dans sa tentative à hisser Zen Bada dont il a dirigé la campagne lors de l’épique élection du SG contre Mahamat Saleh Adoum, Kadam est de retour.

Mahamat Hissène, l’autre tête pensante du parti au pouvoir ne crachera certainement pas à ce strapontin qu’il a géré pendant presque six ans. Même si son passage ne lui a pas laissé que des bons souvenirs, il pourra compter sur cette éventualité pour se faire une nouvelle virginité après sa nomination humiliante au poste de Secrétaire Général de la primature. Malheureusement, il entretient une relation scabreuse avec la plupart des militants.

Le Garde de Sceaux, Abdoulaye Sabre Fadoul, étoile montante du parti au pouvoir dans son bastion du Waddi-Fira, peut bien se voir à la tête du MPS. Venant de l’une des régions qui a le plus contribué, avec le Guéra, à l’avènement du MPS au pouvoir, il peut se targuer d’une légitimité toute faite. Très proche du ComChef Abbas Koty qu’il n’a pas hésité à défendre dans son exil français, son retour en grâce auprès du Chef de l’Etat lui a permis de tisser sa toile pour se hisser toujours plus haut. Encore qu’on lui prête le vœu secret d’unir tout le Grand Kobé question de contrebalancer les Bideyat.
Saint-Cyrien, spécialiste des Finances publiques, doté d’une grande capacité de travail, même si ses nombreux échecs lors des procès contre des personnalités politiques dénotent d’une précipitation à la tâche, ce jeune peut compter sur son ascendance pour rivaliser avec les autres candidats à ce poste. Sa formation militaire et son passage à l’Université lui donne un champ suffisant pour les manœuvres tacticiennes et stratégiques.
Tapi dans l’ombre du Chef, Dadnadji Djimrangar, Directeur de Cabinet Civil, peut se targuer également d’occuper la même place que Kadam, Mahamat Hissène ou Kalzeubé Pahimi Debeut au sein du MPS. Idéologue, laoukoura, c’est un cadre à part entière du parti au pouvoir. Petit bémol, son nom rime très souvent avec le Mouvement d’Emancipation du Sud. Une structure dont l’existence même est contestée mais qui fait couler beaucoup d’encre et de salive. Sa longue présence au sein du Bureau Politique Nationale fait de lui l’une des personnalités à même de diriger ce parti.
Last but nos least, Jean Bernard Padaré, militant de dernières heures (même si Déby à horreur de cette expression) mais non moins fidèle parmi les fidèles, avocat personnel de la famille présidentielle, jeune garde du gouvernement de Nadingar II avec qui il ne file pas que du bon coton, tacticien singulier, fin d’esprit, ayant un carnet d’adresse bien fourni, il s’avère être un bon outsider. Dans les coulisses du Grand Hôtel, son nom revient à plusieurs reprises. Sa nomination comme président de la sous commission Finance, poste très sensible, n’est pas faite pour atténuer les rumeurs.
Pour certains analystes, le président de la République pourra faire appel à lui, juste question d’embêter son principal adversaire sur la scène nationale, Saleh Kebzabo. Après avoir fait mordre la poussière au président de l’UNDR dans son fief de Léré, Padaré pourra être un bon rempart contre les ambitions présidentielles de celui-ci. Lesquelles ambitions sont boostées par l’arrivée au pouvoir de ses amis socialistes en Guinée, au Niger et surtout en France. Si sa méconnaissance du MPS qu’il vient de regagner lui sera défavorable, il peut compter sur des amitiés nouées sur les allées du pouvoir qu’il fréquente assidument depuis plus de deux ans. Malléable et corvéable à volonté, cet avocat qui ne jure plus que par Idriss Déby qui l’a hissé au sommet de la gloire fera un bon nègre de service.
La seule poule de cette basse-cour est Mme Ndouadoumgué Elise Loum. La députée de Koumra et première femme présidente d’une grande institution, la Haute Cour de Justice, peut se targuer d’être l’une des rares femmes à avoir une tête bien faite et une capacité de travail à faire pâlir d’envie les plus machos des hommes politiques de ce pays. Toujours au sommet de la hiérarchie politique, madame la Générale pourra faire marcher cette maison aux pas militaires.

Malgré les agitations des uns et le calme des autres, bien malin celui qui pourra nous dire avant échéance, le nom de l’heureux élu. Nagoum Yamassoum, amère depuis son échec à Addis-Abeba, Hassan Saline, Secrétaire Général de la Présidence de la République, Kalzeubé Pahimi Debeut et pourquoi pas Adoum Younousmi peuvent aussi aspirer valablement au poste. L’on sait d’avance qu’en définitif, c’est le choix du Président de la République qui sera le meilleur. Wait and see !


Abdelnasser Garboa
 
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