Alors que la production des champs tchadiens de Doba s’effondre petit à petit, le président Idriss Déby est contraint de trouver d’autres revenus pétroliers. La renégociation de la concession d’Exxon, la mise en huile de nouveaux permis et les droits de passage sur le futur oléoduc venant du Niger devraient permettre de maintenir les recettes. Enquête sur les coulisses du pétrole au Tchad. 

L’Etat veut 5% sur Doba – Selon nos sources, Déby a chargé en début d’année une petite équipe, dirigée par son premier ministre Joseph Djimrangar et le tout puissant Mahamat Kasser Younous, directeur de laSociété des hydrocarbures du Tchad (SHT), de négocier avec Exxon l’octroi d’une participation sur ses permis à Doba. Une demi-douzaine de réunions s’est déjà tenue à N’Djamena avec le DG d’Esso Tchad, Scott Miller. Le Tchad souhaiterait acquérir 5% du consortium qui exploite les champs, composé d’Exxon, Chevron et Petronas. Problème, Déby veut que ces 5% soient cédés sans contrepartie financière. Exxon, qui cherche à partir du pays depuis plusieurs mois, tente de gagner du temps afin de laisser le futur opérateur gérer cette négociation. En devenant actionnaire, Déby souhaiterait non seulement accroître ses revenus mais également pouvoir avoir son mot à dire sur le développement et les travaux à effectuer. La major américaine ne produit plus que 86 000 b/j, soit quasiment deux fois moins qu’au lancement de la production en 2003. Or, les autorités reprochent en privé à Exxon d’avoir sous-investi depuis plusieurs années, conduisant à cette situation.

Griffiths, CNPC et CPC prennent le relais – La lente chute des revenus du pétrole devrait rapidement être compensée par la mise en production de nouveaux champs. Selon des sources au ministère tchadien du pétrole,Griffiths et Glencore auraient la capacité de produire entre 45 000 et 50 000 b/j grâce aux champs de Mangara et Mandila au sud du bassin de Doba d’ici fin 2014. De même, la CNPC chinoise, qui opère les champs deRonier près de Bousso, qui approvisionnent actuellement la raffinerie deDjermaya, pourrait atteindre les 60 000 b/j et exporter 40 000 b/j. Quant à laCPC taïwanaise, elle pourrait produire 30 000 b/j grâce aux permis de BCO II et III. Ces nouveaux barils seraient tous exportés par l’intermédiaire du pipeline Doba/Kribi dont les capacités ne sont utilisées qu’à moitié du fait de la baisse de Doba. Autre zone d’intérêt pour l’exploration pétrolière au Tchad : le sous-bassin d’Erdis (nord-est) où la quasi-totalité des blocs ont été attribués à des petites sociétés comme Petra Energia (Brésil), SAS Petroleum (de l’ancien gouverneur nigérian Ali Modu Sheriff) et Simba Energy (Hassan Hassan). Le président tchadien songe à donner les deux derniers permis disponibles à la société nationale soudanaise Sudapet. Ce geste pourrait garantir l’arrêt du soutien soudanais aux rébellions partant de l’Est du Tchad pour déposer Idriss Déby. 

Les revenus d’Agadem bienvenus – Le chef de l’Etat a aussi chargé le secrétaire général adjoint de la présidence Souleyman Mohamed Djibrilde négocier avec le Niger pour le passage d’un oléoduc sur le territoire tchadien. Le bloc nigérien d’Agadem, opéré par la CNPC, sera raccordé à l’oléoduc Doba/Kribi. Déby veut néanmoins sélectionner le constructeur de la partie tchadienne de l’ouvrage, soit 960 km sur les 1 225 entre Agademet Doba. Actuellement, c’est le Canadien Lutfur Rahman Khan, via sa société State Oil Company Canada, qui a les faveurs du pouvoir : il a rencontré Idriss Déby le 12 mars à N’Djamena. Le patron de State Oil serait appuyé par le directeur de l’Agence nationale de sécurité, Mahamat Ismael Chaibo. Lutfur espère aussi obtenir le soutien du Soudan (très en cour à Ndjamena), où il opère depuis 2012 certains champs du bloc 7 et où il a construit à la fin des années 90 les oléoducs entre les blocs 1, 2 et 4 et Port Soudan. Ce marché pourrait cependant être partagé avec la société d’Etat soudanaise Petrolines, le président Omar El Béchir ayant joué son rôle de VRP lors d’une visite officielle de Déby en février à Khartoum. De leur côté, les autorités nigériennes tentent par tous les moyens d’éviter que la CNPC supervise les travaux et ont contacté à cet effet la firme françaiseTrapil, dont le PDG Pierre Fillet était à Niamey du 3 au 6 février. 

 

La lettre du Continent

 

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