Actuellement, une délégation de la coalition de l’opposition Wakit Tama est en tournée en Europe pour parler de la situation au Tchad. Hier (11.10), la délégation a été reçue en France, au Quai d’Orsay. Max Loanlgar est l’un des porte-parole de Wakit Tama, il fait partie de cette délégation et il estime que l’échec, selon lui, du dialogue national a montré qu’il ne fallait pas accepter le coup d’Etat militaire et la dictature au Tchad. Entretien…

DW : Bonjour Max Loanlgar.

Max Loanlgar : Bonjour.

DW : Une délégation de Waki Tama est actuellement en tournée en Europe, précisément en France. Pourquoi ce déplacement et qui avez-vous déjà concrètement rencontré ?

Max Loanlgar : Nous sommes partis de N’Djamena Yamada depuis mardi dernier, nous avons fait l’Italie, la Belgique et puis sommes arrivés en France. Nous sommes passés au Quai d’Orsay. Le but de cette tournée est de faire un plaidoyer pour le Tchad. Vous vous souvenez qu’à l’annonce du décès du président Déby et quand la junte au pouvoir a perpétré le coup d’Etat, on nous avait dit qu’il fallait donc leur offrir le bénéfice du doute accepter à cause des questions sécuritaires et des particularités de notre pays. Aujourd’hui, avec le résultat du dialogue national qui s’est conclu sur un échec total, tout le monde comprend que nous avions raison. Mais nous avions voulu échanger avec les différentes parties prenantes pour qu’ils comprennent très clairement les réalités de chez nous et que nous n’ayons plus à faire face à une animosité injustifiée.

Manifestation de la coalition Wakit Tama à N'Djamena en août 2021

Alors, vous l’avez dit, en France, vous avez été reçu au Quai d’Orsay. Qui avez-vous rencontré précisément là bas ? Et qu’est-ce qui s’est dit durant la rencontre ?

Ecoutez, ce qui importe, c’est que nous avons eu des oreilles très attentifves au Quai d’Orsay. Ce sont des autorités françaises, c’est ce qui nous importait. Je puis vous dire que nous avons rencontré des personnalités de premier ordre. Le message est passé; au moins de notre côté, nous avions parlé. Nous pensons aussi que nous avons été écoutés. Nous restons attentifs à la suite des événements.

 

En attendant au Tchad, le général Mahamat Idriss Déby Itno a été investi président d’une transition qui va durer deux ans de plus avant l’organisation d’élections. Quel regard portez-vous sur ce processus ?

Il s’agit d’un processus auquel nous n’avions pas du tout été associés. Donc vous vous doutez que pour nous, cela n’a pas d’importance. D’ailleurs, nous n’avions pas attendu la fin de ce processus pour commencer notre tournée. C’est pour dire pour nous, une nouvelle page d’une lutte ardue commence pour que le monde nous écoute et comprenne, parce qu’il s’agit de la destinée de nos enfants. Et nous n’avons nullement l’intention de baisser les bras et de nous laisser conter l’histoire.

Et justement, qu’est-ce que vous comptez faire précisément ? Wakit Tama n’a pas participé au dialogue national qui a conduit au maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby ? Et désormais, les conclusions et les décisions du dialogue national vont quand même s’imposer à votre coalition. Est-ce que vous n’avez pas des regrets ? Quelle est votre stratégie à présent ?

Avec ou sans dialogue, c’est une dictature implacable. Bien évidemment, nous n’entendons pas nous plier à cette dictature. Donc, nous allons repartir au front. Nous allons nous opposer vaille que vaille à cette situation qu’on veut nous imposer davantage. Soyez sûrs que nous finirons par être entendus.

Ce qui veut dire que vous allez continuer à manifester ?

Ouverture du dialogue national inclusif à N'Djamena le 20.08.22Le dialogue national a été boycotté par une grande partie de l’opposition et de la société civile

Bien évidemment, nous allons manifester pour qu’on nous écoute, qu’on comprenne que ça doit changer.

 

On est actuellement dans l’attente de la formation d’un gouvernement. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que des membres de votre coalition Wakit Tama figurent dans ce gouvernement ?

Nous ne luttons pas pour être récompensés. Pour nous, nous voulons que l’avenir de ce pays, le destin de ce pays, change avantageusement pour tout le monde, pour tous, toutes ses filles et tous ses enfants. Ce n’est pas le fait d’être nommé à un poste quelconque qui changera la réalité, la dure réalité que nous vivons au quotidien. Wakit Tama a été constant sur cette question. Nous sommes les fils de ce pays, nous pouvons le servir. Mais nous n’entendons pas tomber dans le clientélisme, dans le népotisme et autres maux qui gangrènent cette société et qu’on voudrait maintenir vaille que vaille.

Mahamat Idriss Déby Itno a promis lors de son investiture que les élections à venir seront organisées dans la transparence et la sérénité. Vous êtes sceptique ?

Mais c’est une parole qui n’a pas de poids. Il était censé finir le 20 octobre. A partir du 20 octobre, nous ne reconnaissons plus son pouvoir. Donc, les propos qui ont été tenus dans l’illégalité parfaite, totale ne sauraient être imposés au peuple souverain.

Votre coalition Waki Tama a souvent dénoncé la politique française en Afrique et notamment au Tchad. Et aujourd’hui [mardi 11.10], une délégation de la coalition est en France. Vous avez été reçu au Quai d’Orsay, vous l’avez dit. Qu’est-ce que vous espérez de la part de la France ?

Mahamat Idriss Déby à l'ouverture du dialogue national inclusifLe dialogue national a permis à Mahamat Idriss Déby de s’octroyer deux ans de plus au pouvoir et de se présenter aux prochaines élections

De la France comme de toute la communauté internationale, qu’on ne pose pas d’entraves à la lutte du peuple souverain du Tchad.. Et donc, il était important pour nous de faire cette démarche en toute clarté, en les regardant les yeux dans les yeux et leur dire la vérité, parce que les réalités sont là, criantes. Et il ne faut pas non plus jouer à l’autruche.

L’Union européenne a fait part de sa préoccupation au sujet de la prolongation de la transition au Tchad et du feu vert donné à Mahammad Idriss Déby de briguer la présidence. Vous auriez souhaité que l’UE aille plus loin ?

Nous avions compris depuis un bon bout de temps que la communauté internationale se rangeait sur la position de l’Union africaine. Il me semble que l’Union africaine a condamné. Et il va de soi que toute la communauté internationale devrait suivre cette ligne. Sinon, il s’agira d’une communauté internationale qui se déjuge.

Max Loanlgar, merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous répondre.

C’est moi qui vous remercie.

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