Parmi les chefs d’État d’Afrique centrale, seul Denis Sassou Nguesso est parvenu à se faire inviter in extremis au sommet de Paris sur le financement des économies africaines, suscitant l’agacement de ses homologues de la région. La zone Cemac semble ainsi payer son retard accumulé depuis plus d’une décennie sur l’UEMOA, sa jumelle ouest-africaine.
 
C’est une absence qui n’en finit pas d’alimenter les conversations dans les couloirs du palais d’Etoudi : Paul Biya ne fait pas partie des 19 chefs d’État et de gouvernement africains conviés le 18 mai au sommet de Paris sur les économies africaines.
 
Un choix qui a passablement froissé Yaoundé, alors que le Cameroun est la première économie de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac), et représente à lui seul près de 40 % de son PIB. Mais Paul Biya n’était pas le seul absent de la région. Si Denis Sassou Nguesso, au prix d’un lobbying acharné, a été invité à in extremis à l’événement, ainsi que le tout nouveau premier ministre tchadien Pahimi Padacké Albert, la Centrafrique, la Guinée équatoriale et le Gabon n’étaient pas représentés au sommet.
 
En réponse, le président gabonais Ali Bongo a, lui, préféré lancer la contre-offensive, en se rendant à Londres pour rencontrer, le 11 mai, Patricia Scotland, secrétaire générale du Commonwealth, avant d’engager une vaste campagne de communication sur l’intérêt du Gabon à intégrer l’organisation. Il s’agirait du troisième pays non anglophone à rejoindre l’alliance, après le Rwanda et le Mozambique.

Nouvelles alliances

Côté français, l’explication officielle est que seuls les États ayant signé la tribune du Financial Times du 25 avril 2020 sur la dette des pays africains étaient invités à l’événement. Une explication jugée insuffisante par plusieurs présidences d’Afrique centrale. Elles soulignent que les chefs d’État nigérian Muhammadu Buhari et tunisien Kais Saïd ont été conviés au sommet, alors qu’ils n’ont pas signé cette tribune.
 
Au sein de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) dirigée par le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, l’absence des pays de la Cemac a également fait grincer des dents. Plusieurs capitales d’Afrique centrale estiment payer les nouvelles alliances qu’Emmanuel Macron souhaite orchestrer en dehors de la zone d’influence « historique » de Paris. Outre le Nigeria, l’Éthiopie, l’Angola, l’Afrique du Sud, le Rwanda ou encore le Mozambique ont en effet été particulièrement mis à l’honneur dans le cadre du sommet. Depuis son élection en 2017, à l’exception du Tchad, le président français n’a effectué aucune visite officielle dans des pays de la Cemac.
 
L’incompréhension est d’autant plus grande pour les pays de la zone économique, que la quasi-totalité des capitales de l’organisation panafricaine sont actuellement en discussion avec le Fonds monétaire international (FMI), et subissent de plein fouet le ralentissement économique dû à la pandémie. Selon la BEAC, le taux de croissance en 2021 ne devrait pas dépasser 2 %, après la récession de 2020.

Retard sur l’UEMOA

Les dirigeants de la Cemac semblent également souffrir de la comparaison avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui a connu lors de la décennie écoulée des taux de croissance deux fois plus élevés qu’en Afrique centrale. Sa scène politique largement renouvelée joue également en faveur de l’UEMOA.
 
Symbole du retard de la Cemac : le passage à la monnaie ECO, acté par les dirigeants de l’UEMOA en décembre 2019. Le processus de réforme prend peu à peu forme et 5 milliards d’euros doivent prochainement être transférés depuis la Banque de France vers la BEAC.
Si la Cemac s’est, elle aussi, timidement engagée vers une fin du franc CFA, les discussions sont aujourd’hui au point mort. Plusieurs réunions s’étaient néanmoins tenues à l’hiver 2020 et une task force avait été mise en place pour plancher sur le sujet.

Tchadanthropus-tribune avec la Lettre du Continent

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