Les allées des peuples sont parfois marquées par des moments d’égarement qui éprouvent les fondements de la nation, des instants de danger contre lesquels il importe de veiller constamment. Analysons le fond des propositions de réformes institutionnelles et de la vision 2030 du Tchad telles que présentées par les autorités. La lucidité et les faits empiriques attestent que dans le cas du Tchad, la possibilité seulement d’employer le mot « Émergence » exige au préalable des revirements tectoniques du système au pouvoir. Il n’est pas interdit de rêver, mais est-il recommandé de rêver la tête sous l’eau ? Le droit de rêver autorise-t-il tous les désirs bâtards ? L’espoir réprime-t-il le bon sens ? Comment réformer réellement les institutions et faire émerger une société alors qu’on a peur de changer les comportements et d’adopter les « bonnes » valeurs, donc peur du changement tout court ? Sortir la tête de l’eau, pour simplement respirer comme il se doit, en introduisant les pratiques saines de gestion, en promouvant les ressources humaines compétentes et en restaurant les valeurs républicaines, est le premier acte de lucidité et de conscience des crises qui assaillent le Tchad.

 

Malheureusement, une démagogie déchainée a pris le devant, comme toujours, à coup de dénis, de subterfuges aveuglants et de mantras politiquement obligés.

 

DE LA VISION 2030, DU PND ET DES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES

 

Une observation minutieuse, du document « Vision 2030, le Tchad que nous voulons », décliné en Plan National de Développement (PND), et du rapport final du comité technique d’appui aux réformes institutionnelles, révèle des inconsistances congénitales qui les condamnent à échouer, à distraire plutôt qu’à changer substantiellement et à faire émerger une société nouvelle :

 

– Primo, les trois documents (Vision 2030, PND et réformes institutionnelles) ne sont que des émanations et des indications d’une volonté, la volonté politique qui est l’ultime fond et constante de ces textes. Or, cette volonté politique est obscure, illisible, instable, illégitime, sujette aux improvisations et aux humeurs du prince…tantôt c’est la marche en avant, tantôt c’est le rétropédalage, c’est-à-dire le sabotage par les autorités elles-mêmes de l’ordre de marcher vers l’avant ;

– Secundo, la Vision 2030 du Tchad, le PND et les réformes institutionnelles retenues sont mal guéris des problèmes profonds, des pratiques défaillantes instituées, des causes directes et indirectes de la mauvaise gestion, des ressorts qui commandent la tyrannie et ont conduit le Tchad à l’impasse politique et à la banqueroute économique sans précédent;

– Tertio, le système au pouvoir, piloté hors balises morales par des pygmées de vision et des truands à tous les niveaux d’influences, est l’étouffoir de l’émergence :

  • Un système qui ne peut substantiellement se renouveler en se corrigeant, ne peut faire émerger une société;
  • L’esprit du système, encadré par la démagogie et l’amateurisme, cédant aux tentations troubles et aux désirs obscurs, vagabonde de confusions en confusions, d’approximations en approximations, d’impasse en impasse;
  • Le chemin de la paix par la force, le déni, le musellement et l’exclusion prôné par le pouvoir n’est pas celui de la paix fondatrice d’une stabilité générale et pérenne, nécessaire à l’émergence;
  • Les égoïstes ambitions des compatriotes sans scrupules, aux appétits de jouissance insatiables, adeptes de la compromission et de la sujétion volontaire, agissant par vile ambition d’une place subalterne, sont des poisons pernicieux à l’émergence;

 

Quarto, la Vision 2030, le PND et les réformes institutionnelles manquent viscéralement de courage : le courage de rompre les lignes des controverses qui se trouvent prolongées indéfiniment; le courage d’un regard lucide et imperturbable sur les causes premières des plaies les plus saignantes dont souffre le Tchad; le courage qu’exige l’éthique dans toute initiative ou action publique; le courage pour une révision des comportements et une éradication des tares; le courage pour une reconfiguration nécessaire des dynamiques politiques, économiques et sociales recherchant la stabilité générale fondée sur le Droit et la justice;

 

Le courage de dire formellement que la conservation illégitime du pouvoir n’est pas une fin politique acceptable et acceptée des Tchadiens; le courage enfin d’écrire, en toutes lettres, que tous les problèmes intérieurs du Tchad procèdent d’un manque de volonté politique !

 

Car, les faits sont solidement établis. Nous avons les moyens techniques et financiers, les compétences, les expériences, les connaissances, les têtes et les bras pour résoudre un bon nombre de nos problèmes, indépendamment des conjonctures mondiales et des influences quelconques. Mais, rien ne bouge ou n’est sur le point de bouger !

Les problèmes sont habilement maquillés, contournés, esquivés, cachés, niés et parfois utilisés comme armes pour se renforcer et maintenir le déséquilibre favorable aux jouisseurs dont la ruée aux jouissances passe avant la République. Si les leviers sont effectivement là pour relever une partie significative des défis, seule la volonté politique sincère est totalement absente !

 

La volonté politique ayant failli lamentablement, tous les plans de développements et les propositions de réformes institutionnelles dérivant de cette volonté faillie sont condamnés à faillir. Tous ces textes ne sont qu’une couche de peinture destinée à impressionner la vue des simples, de la coloration. Ce que les textes ne disent pas, c’est que les structures sont désormais exposées, ont atteint leurs limites, ne peuvent plus rien soutenir et le risque d’effondrement est élevé.

Nous terminons par ces questions :

  • Que vaut la VISION 2030 du Tchad sans un changement de comportements et de valeurs ?
  • Que valent les plans nationaux de développement sans une VOLONTÉ POLITIQUE SINCÈRE ?
  • Que vaut l’émergence du Tchad tant publicisée, mais à la racine atrophiée d’un pan essentiel à savoir l’émergence sociale ?
  • Que valent la Vision 2030, le PND et les réformes institutionnelles retenus si c’est pour maintenir l’ordre ancien qui a conduit à l’impasse ?
  • Quel pays, dans l’histoire de l’humanité, a pu émerger sans le savoir, la santé et la qualité de ses ressources humaines ? Or, il se trouve que ces trois incontournables dimensions sont parmi les plus négligées au Tchad, tant les jouisseurs et les médiocres ont rang d’autorité, et n’ont qu’eux-mêmes pour modèles dans la conduite du pays;

 

Le travail esquissé jusque-là est un commencement, mais nous le disons avec humilité qu’il est insuffisant !

Il appelle à un sursaut national des patriotes pour sauver le pays en grande difficulté et interpelle leur génie pour explorer les solutions idoines aux crises multiformes qui menacent, in fine, son existence.

Nous nous devons de nous armer de courage politique pour aller plus loin parce que la République est très loin !

Joe Al. Kongarena

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