Les déclarations du nouveau 1er ministre, juste après la passation de service, sur les attributions du 1er ministre : «Le 1er ministre n’est pas un élu, l’élu c’est le président de la République. Le 1er ministre est nommé par le chef de l’Etat pour appliquer le programme politique du gouvernement. Le 1er ministre n’a pas ses priorités, les priorités sont déjà dégagées, sont celles qui figurent dans le programme politique du chef de l’Etat». Dadnadji est sorti de ce cadre ? sinon pourquoi rappeler ce principe constitutionnel? En tout cas, cela résumera les rapports entre Deby et Pahimi.

Joseph Djimrangar qui avait cru lors de sa nomination avoir une marge de manœuvre pour relancer le Tchad dans les voies de l’émergence (promise pour 2025, comme on avait assuré aux tchadiens la liberté et la démocratie en 1990), s’est rendu à l’évidence: le Tchad est une propriété privée de Deby et sa famille, ils en usent et abusent à volonté. Y-a-t-il une seule personne collaborant avec Deby qui ignore cette triste réalité? Qui, en privé, n’a pas dénoncé les drives du pays vers le chaos? La réalité tchadienne est que tous ceux qui travaillent avec le despote savent pertinemment la gravité de leur complicité sur l’avenir de ce pays, mais agissent par pure esprit égoïste, privilégiant l’intérêt personnel au bien être des tous tchadiens. Si certains sont résignés à servir le potentat faute d’alternatives politiques visibles, d’autres se sont faits prendre par le collet posé par le tyran. Ainsi, en instaurant une anarchie totale, le despote a permis à ses collaborateurs de détourner les fonds publics et s’enrichir insolemment, constituant ainsi, sur chacun d’eux, un dossier compromettant. Beaucoup sont tombés dans la nasse, d’autres se sont pliés à ces chantages, bref, ils sont tous pris dans cet étau.

C’est sous ce climat de corruptions, détournements, chantages, emprisonnements, humiliations qu’un nouveau 1er ministre vient d’être nommé.

Mais qui est le professeur Pahimi Kalzbeut? Cet ancien professeur du lycée technique commercial de N’djamena et de la faculté de droit et sciences économiques d’Adeb-djoumal par la suite, enseignait l’économie dans les années 1988, 89, à l’instar des autres vacataires comme Gali Ngoté, Sahoulba Gontchomé, Abdoulaye Dito, etc. Si à l’époque on se bousculait pour assister aux cours de Gali pour non seulement sa maitrise des arcanes de la science économique mais aussi sa capacité à transmettre, Pahimi cultive la discrétion et la réserve. Rares de ses anciens étudiants qui se souviennent, avec détails, de lui. Plusieurs fois ministre, on peut reprocher à Pahimi sa collaboration et sa complicité dans cette gestion chaotique, mais aucunement lui imputer concussion ou détournement. Du secrétariat général du gouvernement à la Cotontchad en passant par le gouvernement et le gouvernorat de Bahr El gazal, Pahimi est considéré comme un fidèle exécutant des ordres d’Idriss Deby. C’est pourquoi, quand Deby avait voulu débarquer Mahamat Adoum Ismaël de la Cotontchad, c’est à Pahimi qu’il a pensé. Quand il faut remplacer le gouverneur de Bahr Gazal c’est encore lui. On peut affirmer sans nous tromper que Pahimi est un homme à tout faire, un technicien exécutant.

Depuis 1990, c’est le 17ème premier ministre de Deby et cela démontre à suffisance la situation délétère, sur le plan politique, du pays. Le renvoi de Dadnadji a créé un précédant dans l’histoire récente du Tchad. En effet, c’est sous la menace d’un vote de censure que Dadnadji a démissionné. Or, dans le passé, pour les 1ers ministres issus de la majorité MPS, Deby les convoquent et leur dictent sa volonté et l’affaire est pliée. Trois actes nous démontrent l’exacerbation des antagonismes au sein de l’exécutif et la tyrannie en générale:
 

  1. La lecture de la lettre de démission à la télévision, lettre dans laquelle Dadnadji priant Dieu de préserver le pays des démons de «divisions» et «accorder à Deby la santé et la sagesse nécessaires», est sans précédant;
  2. Les déclarations du nouveau 1er ministre, juste après la passation de service, sur les attributions du 1er ministre : «Le 1er ministre n’est pas un élu, l’élu c’est le président de la République. Le 1er ministre est nommé par le chef de l’Etat pour appliquer le programme politique du gouvernement. Le 1er ministre n’a pas ses priorités, les priorités sont déjà dégagées, sont celles qui figurent dans le programme politique du chef de l’Etat». Dadnadji est sorti de ce cadre ? sinon pourquoi rappeler ce principe constitutionnel? En tout cas, cela résumera les rapports entre Deby et Pahimi.
  3. La présence de l’ex 1er ministre à l’assemblée des commerçants MPS, toisant les regards de ses amis renégats, et surtout celui de la 1ère dame qui, déconfite et désarçonnée, baissa les yeux, confirment, incontestablement, le degré de frustrations et de ruine de l’autocratie.

 

Sur le plan purement administratif, la situation est préoccupante. Ainsi, à l’instabilité gouvernementale, dans l’administration, il est rare de trouver un chef de direction qui a plus de deux ans de service à son actif. Chaque ministre entrant vient avec ses cadres (souvent ses parents) et au rythme de 5 remaniement en 10 mois, la désarticulation saute à l’œil nu. Cet état de fait est entretenu par Deby lui-même, suscitant ainsi à tous les opportunistes qui ne pensent que à s’enrichir, l’espoir d’occuper un poste. Du fait de cette instabilité administrative, l’administration publique y est en quelque sorte orale et traditionnelle. Les rares archives, ou ce qui est écrit s’envole au moindre vent (départ d’agents), comme les feuilles de la Sibylle, ou, les plus souvent, sur les porte-bagages des vélos des plantons, monnayés aux vendeuses des cacahuètes pour les utiliser comme emballages (comme on a interdit les sacs plastiques). Peut on construire un avenir sans se référer à son passé? Au Tchad, en termes d’archives et de mémoire de l’administration, le présent et le passé ne se rejoignent plus. La mémoire de l’administration étant défaillante, la pérennisation de l’impunité devient logique même si cette dernière est due surtout au système familial et clanique. Ainsi, les sanctions administratives n’ont aucune portée (ni dans l’espace, moins encore dans le temps).

Le Tchad, à l’instar de la ruine de la santé de Deby, est gravement malade. Il est atteint par la concussion, la gabegie, l’impunité, le népotisme, bref et les détournements massifs de ses biens organisés et planifiés par ses propres fils. Si les ainés des années 70 se révoltaient pour changer de système, l’antipatriotisme des jeunes d’aujourd’hui est tel qu’ils cherchent à intégrer le système (le festin). Des gamins à peine majeurs fêtent leurs 4; 5; 6 milliards de nos francs.


Les tchadiens, tels des zombies ou encore des damnés atteints d’amnésie, ont effacé de leurs mémoires la moralité, la probité, l’intégrité, l’honnêteté ou encore l’exemplarité et la révolte.
 

La Gazette de N’Djamena.

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