Au Tchad, les notes chez les boutiquiers ou encore les prêts alimentaires sont monnaie courante pour les familles de fonctionnaires. C’est l’une des conséquences de la réduction des salaires depuis 2016. Une décision qui avait été prise pour faire face à la crise économique qui frappe le pays depuis la brusque chute des cours du pétrole. Une banque agroalimentaire a flairé le filon et a ouvert ses portes il y a un an. Les fonctionnaires peuvent y contracter des prêts. Sauf que ce n’est pas de l’argent, mais des denrées alimentaires de première nécessité. C’est une première au Tchad.

Dans sa maison du quartier d’Abena, Léonie Gardingua nous conduit dans sa chambre. C’est là qu’elle conserve ses denrées alimentaires pour toute la famille : « Des sacs de farine, du riz, de la tomate, des paquets de spaghetti… » Des stocks que cette professeure s’est constitués grâce à un prêt alimentaire. Explications : « Si vous partez au marché, il faut avoir beaucoup d’argent pour acheter. Tandis que je peux aller à la banque alimentaire prendre des choses pour 150 000 francs. Et là, ils étalent sur trois mois, c’est une très bonne chose. Le matin, mes enfants sont bien, parce qu’avec deux boîtes de spaghetti, tout le monde mange rassasié, puis vont à l’école. »

Le prêt alimentaire, une solution de secours pour Léonie, car depuis trois ans, son salaire est réduit de plus d’un tiers. Une mesure d’austérité qui touche les fonctionnaires tchadiens. Comme Moussa Keylodji, agent d’administration qui, lui aussi, a contracté un prêt alimentaire: « La perte est à peu près une quarantaine, cinquante mille [francs] que j’ai perdus dans mon salaire, je n’ai pas pu supporter. Avec la banque, j’ai fait un prêt de 70 000 et puis ils divisent en trois paniers, cela nous permettra maintenant au moins d’alléger un peu la famille. »

Au Tchad, il n’existe qu’une seule banque agroalimentaire. Ouverte depuis un an, elle compte 3 000 clients. Ses forces : proposer des prêts à taux réduits et importer des produits alimentaires à moindre coût. Moussa Outman Moussa, gérant de la banque Worker’s Service : « Par exemple, l’huile se retrouve au marché actuellement à 21 000 francs. Or, l’huile quand elle arrive au niveau de la douane tchadienne, elle est aux alentours de 11 000, au maximum à 12 000 francs. Donc, la meilleure façon c’était de faire venir nos produits, on ne veut pas subir les caprices du marché ndjaménois. »

Des partenariats ont été mis en place avec des banques traditionnelles. Objectif : évaluer la fiabilité d’un client et faciliter les paiements. Des garanties pas encore suffisantes pour éviter les impayés : « Nous avons un peu près une centaine de millions d’impayés. Ces centaines de millions sont répartis dans les banques qui n’exécutent pas convenablement ces opérations, donc on a recruté un cabinet juridique qui doit faire la pression au niveau de ces banques. »

Si c’est le client qui n’est plus en mesure de recouvrir ses échéances, des négociations sont alors ouvertes pour éviter un surendettement.

Tchadanthropus-tribune avec RFI

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