23 octobre 2024 #TCHAD #Cameroun Présidence de la #BAD : Yaoundé prépare sa candidature dans le dos de N’Djaména.
La diplomatie camerounaise s’active depuis le mois de juillet pour promouvoir la candidature de l’économiste Albert Zeufack au poste de président de la Banque africaine de développement, en lieu et place de celle de l’ancien gouverneur de la BEAC, soutenu par N’Djamena.
Depuis le début de l’année, Yaoundé a laissé penser à son voisin tchadien qu’il soutenait la candidature d’Abbas Mahamat Tolli pour prendre la tête de la Banque Africaine de Développement (BAD). Mais dans le même temps, la diplomatie camerounaise s’active en sous-main pour promouvoir la candidature d’Albert Zeufack, actuel directeur de la Banque Mondiale pour la RDC, l’Angola, le Burundi et Sao Tomé-et-Principe. Elle voudrait voir ce dernier prendre le siège occupé jusqu’en août 2025 par le Nigérian Akinwumi Adesina.
Une position qui risque d’agacer Mahamat Idriss Déby. Le président tchadien a mis en place, depuis le début de l’année, un intense lobbying pour soutenir Abbas Mahamat Tolli (AI du 22/02/24). Celui-ci a décroché, ces derniers mois, le double soutien de Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), et donc, officiellement, du Cameroun. La candidature d’Albert Zeufak risque de diviser les pays d’Afrique centrale et, au passage, d’hypothéquer leur chance de diriger l’institution, alors que le poste doit théoriquement revenir à un ressortissant de la CEEAC.
Dans une correspondance datée du 17 juillet, le ministre délégué aux relations extérieures, Félix Mbayu, a exposé son plan à Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, afin de faire du Cameroun « une alternative au Tchad ». La lettre mentionne que l’ex-gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) « n’aurait pas bonne presse auprès des membres » de l’Union africaine (UA). Félix Mbayu a également écrit que l’UA reprocherait à Abbas Mahamat Tolli, « des erreurs de gestion lors de son passage à la BEAC » ayant conduit « au scandale des recrutements en 2022 ».
« Position d’influence stratégique »
Cette année-là, le concours de recrutement des fonctionnaires de la BEAC avait été suspendu par le comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC), sur fond d’accusation de népotisme (AI du 16/07/24). La procédure de suspension, irrégulière selon les statuts, avait à l’époque créé de fortes tensions entre Yaoundé et N’Djamena. En 2023, les relations entre les deux capitales s’étaient fortement dégradées lors du bras de fer opposant le gouvernement tchadien à Savannah Energy, alors soutenue par le Cameroun. Le 24 avril, Mahamat Idriss Déby avait ainsi rappelé son ambassadeur en poste à Yaoundé pour consultations. Il avait fallu l’intervention de Paul Biya, pourtant en retrait des dossiers diplomatiques, pour que la pression retombe (AI du 28/06/23).
Le courrier fait également part des avantages que le Cameroun obtiendrait s’il plaçait l’un de ses ressortissants à la tête de la BAD : « Mobiliser davantage de prêts concessionnels […], renforcer les possibilités de financements en faveur du secteur privé [et] disposer d’une position d’influence stratégique au niveau mondial. » Pour ce faire, Félix Mbayu a partagé ses recommandations avec Ferdinand Ngoh Ngoh pour sécuriser la candidature d’Albert Zeufack. Le ministre délégué aux relations extérieures propose pêle-mêle : d’« obtenir le soutien des pays d’Afrique Centrale » ; de « négocier avec le Tchad » ; de « se faire adouber par l’UA » ; ou encore de « donner des assurances aux partenaires non africains, notamment les États-Unis, la France et l’Allemagne ».