Peu mobilisée jusqu’à présent sur le dossier de la transition tchadienne, la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale devrait s’impliquer davantage en 2023. Au risque de voir se rejouer la rivalité entre Brazzaville et Libreville.
Après la finale historique de la Coupe du monde entre l’Argentine et la France, qui n’est désormais plus qu’un souvenir à Doha, un autre dossier devrait très prochainement (re)mobiliser la diplomatie qatarie : la transition tchadienne.
L’émirat doit théoriquement accueillir, au premier trimestre 2023, la première session de travaux du comité de suivi du dialogue national tchadien entre N’Djamena et les différentes parties signataires. Initialement programmé le 16 octobre à Doha, l’événement avait été repoussé sine die sur fond de turbulences sur l’axe Tchad/Qatar et pour des raisons d’organisation de la Coupe du monde.
Retour de la CEEAC.
Si cette session venait à se concrétiser en début d’année, quelle pourrait être la place de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) dans l’événement, alors que celle-ci a jusqu’à présent été tenue à l’écart des négociations de Doha ? Au lendemain du décès d’Idriss Déby en avril 2021, l’organisation régionale s’est mise largement en retrait, ne s’impliquant plus que marginalement. Le coup de froid entre N’Djamena et l’Union africaine (UA), conjugué aux difficultés de Doha depuis cet automne, l’a désormais replacée dans le jeu tchadien.
Officiellement, c’est le président de la RDC, Félix Tshisekedi, qui a reçu le mandat de médiateur pour le compte de l’organisation, via ses deux envoyés spéciaux : le président de la commission de la CEEAC, l’Angolais Gilberto Da Piedade Verissimo, et le ministre congolais de l’intégration régionale et de la francophonie, Didier Mazenga Mukanzu. Si le premier se mobilise discrètement sur le dossier, le second se concentre davantage sur la crise avec Kigali, à l’heure où la guerre avec le M23 mobilise l’essentiel de l’appareil diplomatique congolais.
Rapprochement de Libreville ?
Dans l’ombre de Kinshasa, la diplomatie gabonaise pourrait être tentée de s’insérer dans le jeu tchadien. Ce dont atteste le rapprochement opéré fin 2022 entre le ministre gabonais des affaires étrangères, Michael Moussa Adamo, et le Palais rose. Une perspective qui obtient notamment les faveurs de la diplomatie française : dans le prolongement de sa stratégie africaine privilégiant les médiations d’organisations régionales, Paris verrait d’un bon œil un engagement accru de Libreville dans le dossier tchadien. La France et le Gabon ont par ailleurs opéré, ces deux dernières années, un rapprochement stratégique constant.
A N’Djamena en revanche, l’éventuelle implication de Libreville est perçue avec beaucoup de scepticisme, le président gabonais Ali Bongo ne s’étant pas investi dans le processus de la transition tchadienne pour l’instant.
Come-back de Sassou ?
Côté tchadien, le Congo est jugé le mieux placé pour jouer les premiers rôles au sein de la CEEAC. Motif principal du point de vue de N’Djamena : l’implication du président congolais, Denis Sassou Nguesso, et de son ministre des affaires étrangères, Jean-Claude Gakosso, dans le dossier libyen. Sassou préside de longue date le Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye. Or l’installation de combattants tchadiens le long de la frontière continue de rester un sujet de préoccupation pour N’Djamena.
Après le décès d’Idriss Déby, Denis Sassou Nguesso – alors président de la CEEAC et à peine réélu – s’était pourtant très peu mobilisé sur le dossier tchadien et n’avait pas fait le déplacement pour les obsèques de l’ancien maître du pays. Brazzaville avait néanmoins obtenu, en juillet 2021, la nomination du diplomate congolais Basile Ikouébé, 75 ans, en tant qu’envoyé spécial de l’UA dans le pays.
Surtout, Sassou s’est déjà investi dans une médiation tchadienne par le passé. En août 1983, il avait organisé un sommet à Brazzaville pour trouver une sortie à la crise dans le conflit qui opposait le président tchadien Hissène Habré (1982-1990) aux troupes du Gouvernement d’union nationale de transition (Gunt) de Goukouni Oueddei, soutenu par Mouammar Kadhafi. A l’époque, il avait été en contact avec plusieurs figures aujourd’hui en poste au sein du gouvernement de transition, à l’image de l’actuel ministre des affaires étrangères, Mahamat Saleh Annadif.

Tchadanthropus-tribune avec Africa Intelligence

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