Réuni par vidéoconférence, coronavirus oblige, le vendredi 27 mars, le comité de politique monétaire (CPM) de la Banque centrale des États d’Afrique centrale (BEAC) s’est penché sur les conséquences économiques de la pandémie du Covid-19 sur les pays de la sous-région, ainsi que l’impact de la crise pétrolière en cours, sur fond de divergence entre la Russie et l’Arabie saoudite, quant aux niveaux de production de l’or noir.

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Présidé par le Tchadien Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la BEAC, l’instance chargée de la régulation des instruments financiers de la sous-région, s’est dite inquiète en particulier des risques d’un « taux de croissance en forte baisse, voire une récession » dans la zone, et de dégradation des soldes budgétaires et des comptes extérieurs des pays de la zone.

Risques de récession

Selon un document de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), consulté par Jeune Afrique, une aggravation de la propagation du coronavirus dans la région et un maintien du baril de brut autour de 20 dollars en moyenne cette année (le cours du Brent a chuté de 59 dollars à 25 dollars entre la mi-février et la fin mars), pourrait entraîner une récession dans la région, avec un taux de croissance en recul de +2% en 2019 à -1,6% en 2020, selon le « scénario pessimiste », contre une projection intermédiaire de +3% selon les prévisions initiales plus tôt ce mois-ci.

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À l’instar d’autres régulateurs du secteur financier occidentaux ou africains, tels que la BCEAO, en Afrique de l’Ouest, et Bank Al-Maghrib au Maroc, le CPM a décidé d’alléger les conditions d’accès aux financements pour les acteurs économiques de la région.

Parmi les principales mesures adoptées, figurent le passage des « injections de liquidités de 240 milliards à 500 milliards de F CFA », soit un doublement des ressources mises à la disposition des établissements bancaires de la zone, censé accroître leurs capacités de prêts aux acteurs économiques. Ces « injections » ont généralement lieux de façon hebdomadaire à travers des « appels d’offres » ouverts par la BEAC aux établissements de crédit.

Rencontres entre gouvernements et acteurs bancaires 

Dans la zone Uemoa, la BCEAO, dirigée par l’Ivoirien Tiémoko Koné, a décidé le 21 mars d’accroître de 340 milliards de F CFA ces « injections » hebdomadaires de liquidités. Pour encourager davantage le financement de l’économie réelle, la BEAC a annoncé, dans son communiqué du 27 mars, le rabaissement des taux d’intérêts exigés sur ces ressources, qui passe de 3,5% à 3,25%, ainsi que l’assouplissement des garanties demandées aux emprunteurs privés.

Selon les informations de Jeune Afrique, des rencontres entre gouvernements et acteurs bancaires sont déjà en cours, pour la mise en oeuvre des décisions de la Banque centrale. Parmi les sources d’inquiétude : le fort niveau de liquidités dont disposent déjà les établissements bancaires de la région et « leur faible appétence générale pour  la prise de risque ».

Secteur public

Beaucoup de regards se tournent désormais vers les États qui, selon des connaisseurs du secteur financier régional, sont les seuls vrais acteurs à pouvoir intervenir alors que « des risques de faillites en cascade se profilent dans la région », explique un cadre de la Banque centrale.

Aussi, le secteur public n’a pas été oublié par la BEAC, qui a notamment prévu des mesures d’accompagnements visant les titres de dette de l’État. « En principe, le gouvernement de la BEAC va communiquer d’ici mardi 31 mars pour apporter des réponses précises à certains principes actés par le comité monétaire, dont l’approvisionnement en billets, les catégories d’actifs éligibles à un refinancement », mais aussi « le rééchelonnement des remboursements des crédits consolidés de la Banque centrale sur les États ». Autrement dit : de nouveaux délais accordés aux pays de la Cemac pour rembourser leurs titres de crédits, détenus par les établissements de crédit.

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Outre ses nouvelles facilités, la BEAC a exhorté les gouvernements de la Cemac à mettre à profit les instruments de crédit à leur disposition. Elle pointe notamment les 90 milliards de F CFA accessibles auprès de la Banque de développement des États d’Afrique centrale (BDEAC) pour « financer des projets d’investissements publics », de même que les milliards de dollars promis par la Banque mondiale (14 milliards) et le FMI (50 milliards) pour aider les gouvernements à répondre au covid-19. Quel que soit le scénario, la BEAC se dit « prête à prendre toutes les mesures complémentaires nécessaires pour assurer la stabilité monétaire interne et externe ainsi que la stabilité financière propice à la croissance économique » de la région.

Jeune Afrique.com

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