30 juillet 2024 #TCHAD #Centrafrique : Le mouvement Sant’Egidio ouvre un canal de discussion entre le groupe armé MPC et le gouvernement.
Un représentant du Mouvement pour la paix en Centrafrique et un proche du président Faustin-Archange Touadéra ont entamé des discussions à l’invitation de la communauté Sant’Egidio. Elles visent à terme le retour en RCA du leader du groupe armé, Mahamat al-Khatim, actuellement emprisonné au Tchad.
La communauté de Sant’Egidio a réuni entre le 17 et le 19 juillet, à Rome, des représentants du groupe armé du Mouvement pour la paix en Centrafrique (MPC) et du gouvernement, pour une première étape de discussions. Les délégations étaient menées par deux hommes qui se connaissent bien : Mahamat Taib Yacoub pour le MPC, ministre du commerce de Faustin-Archange Touadéra lors de son premier mandat (2016-2020), et son ancien collègue au gouvernement, l’expérimenté Jean Willybiro-Sako. Ce dernier est le « Monsieur groupes armés » du président centrafricain, en tant que ministre conseiller chargé du processus de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement (DDRR). Ces pourparlers, très préliminaires, ont abouti à la signature d’une feuille de route visant au rétablissement d’un canal de discussions entre les autorités centrafricaines et l’un des principaux groupes armés du pays. Il prévoit à terme le recensement des combattants du MPC présents sur le territoire centrafricain et leur réintégration dans un processus éventuel de DDRR. La feuille de route s’arrête spécifiquement sur le cas, toujours incertain, du leader du MPC, Mahamat al-Khatim. Ce dernier est emprisonné depuis le 10 avril par les autorités tchadiennes, en compagnie d’autres rebelles centrafricains exilés au Tchad, après qu’il a publiquement dénoncé l’arrêt du versement de ses indemnités mensuelles.
Une menace sécuritaire potentielle
Cette disposition financière avait été mise en place par les accords de Luanda, signés en 2021 entre les groupes rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) de François Bozizé (alliance dont le MPC est membre) et le gouvernement centrafricain, sous la médiation du président angolais João Lourenço. L’idée était de pousser les leaders de la CPC à l’exil au Tchad, contre une rémunération gérée par le directeur de l’Agence nationale de sécurité de l’État (ANSE) de l’époque, Ahmed Kogri, en attendant des négociations de paix. L’ANSE a cependant coupé le versement des indemnités à la fin de l’année 2023, et les discussions n’ont jamais avancé. François Bozizé est aujourd’hui en exil à Bissau (AI du 01/07/24).
Ce n’est pas la première fois que Bangui tente de reprendre langue avec le MPC. Bien qu’affaibli, le groupe continue d’exploiter des mines à la frontière tchadienne, et constitue toujours une menace sécuritaire potentielle. En octobre 2023, un accord avait été signé entre l’organisation criminelle et le gouvernement, qui prévoyait la sortie du MPC de la CPC et le retour de Mahamat al-Khatim en RCA.
Mais le deal avait été immédiatement mis à mal par le décès du beau-père de Mahamat Al-Katim, tué dans une opération menée par les paramilitaires russes de Wagner dans le chantier minier de Markounda, dans le nord-ouest du pays (AI du 19/01/24).
Retour des accords de Khartoum
Au-delà du MPC, la feuille de route de Sant’Egidio vise à long terme la réintégration des autres groupes membres de la CPC au sein de l’accord politique pour la paix et la réconciliation en Centrafrique (APPR-RCA) : les 3R (retour, réclamation et réhabilitation) du Général Bobo, l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC) d’Ali Darass, et le Front populaire pour la renaissance en Centrafrique (FPRC) de Noureddine Adam. Aussi appelé « accords de Khartoum », et signé en 2018 sous le parrainage de l’ancien président soudanais, Omar el-Béchir, et du patron de Wagner, Evgueni Prigozhin, l’APPR avait permis l’intégration de chefs de groupes armés dans le gouvernement centrafricain, ainsi que le début d’un fragile processus de désarmement des combattants.
L’APPR avait cependant rapidement connu de nombreuses frictions entre les groupes et le gouvernement, en particulier sur le partage de l’aide internationale, venue en soutien des accords de Khartoum. L’accord avait finalement explosé avant la présidentielle de 2020, avec la création de la CPC. Bien qu’aujourd’hui peu probable, le retour de ces groupes dans l’APPR reste encore aujourd’hui l’horizon fixé par la communauté internationale et le gouvernement centrafricain à chaque cadre de négociations.