Le nouveau grade du président tchadien implique peu d’avantages et a politiquement peu de conséquences. Mais il paraît quelque peu anachronique.

Le mot ne résonne pas simplement comme un galon militaire honorifique. Il convoque le spectre d’autocrates de triste mémoire, comme le Zaïrois Mobutu Sese Seko et le Centrafricain Jean-Bedel Bokassa.

Voici donc Idriss Déby Itno élevé au rang de « maréchal », ultime niveau de la hiérarchie militaire. Ultime outrance aussi, selon certains qui n’ont que leur salive et l’encre pour dénoncer le grade frais émoulu du président tchadien.

Storytelling militaire

Certes, l’initiative n’est officiellement pas venue de l’intéressé, qui évite d’offrir le spectacle d’un Bokassa se couronnant lui-même. Cette promotion militaire a par ailleurs été noyée dans une série de décorations de responsables ayant participé à l’opération « colère de Bohoma », le tout dans une atmosphère de recueillement en mémoire des soldats martyrs du 23 mars 2020. Enfin, le Tchad s’enorgueillit d’avoir payé un lourd tribut à la lutte contre le terrorisme, tant au sein de la force conjointe du G5 Sahel que dans le cadre du bras de fer avec Boko Haram.

Mais le président Idriss Déby Itno n’a jamais manqué une occasion de nourrir son storytelling militaire par quelque cliché opérationnel. Fin mars, il s’est rendu dans la région du lac Tchad pour piloter lui-même la riposte de l’armée après l’attaque au cours de laquelle près de 100 soldats tchadiens ont été tués.

Pour le président du groupe parlementaire du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), Kolotou Tchaïmi, le chef de l’État tchadien est « le seul président en exercice qui ait pris une arme lui-même » et qui soit descendu « sur le terrain » pour « combattre au même titre qu’un simple soldat ».

Culte de la personnalité ?

En réalité, aucun opposant ne nie que le chef de l’État, arrivé au pouvoir par les armes, soit à son aise en treillis. Mais la « militarisation » de sa légende, qu’illustre aujourd’hui ce bâton de maréchal, n’est pas sans rappeler un culte de la personnalité quelque peu daté.

En attendant l’érection d’une statue de marbre, les opposants à ce titre honorifique finalement peu déterminant dans la quête frustrée d’alternance rongent les os qu’ils peuvent, dénonçant le « ridicule » présumé de cette promotion militaire ou de ses modalités.

Sur ce dernier point, Saleh Kebzabo évoque un « passage en force » et un manque de « consensus de l’Assemblée nationale », cette distinction n’ayant pas été inscrite à l’ordre du jour d’une séance boycottée par certains députés.

Âgé de 68 ans et réélu en 2016 pour un cinquième mandat, Idriss Déby Itno fêtera cette année ses trente ans de pouvoir. Arrivé au sommet de la hiérarchie militaire tchadienne, il lui reste à progresser dans la liste des chefs d’État inamovibles : Teodoro Obiang Nguema en poste depuis quarante ans, Paul Biya depuis 37 ans ou Yoweri Museveni depuis 34 ans…

Jeune Afrique

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