Que s’est-il passé à N’Djamena, capitale du Tchad, mercredi? Une véritable tentative de coup d’État ou une opération "règlement de comptes" de la part du pouvoir en place depuis vingt-deux ans? Alors que l’armée tchadienne, invitée d’honneur du défilé du 14-Juillet sur les Champs-Élysées, a été en première ligne au Mali aux côtés des troupes françaises, les événements de cette semaine, qui ont causé la mort de trois personnes selon les autorités, de 30 selon les opposants, posent question. Vendredi, lors d’un point de presse dans la capitale, les avocats du député Saleh Makki et du général Weiding Assi Assoue, arrêtés après l’annonce d’un présumé "complot" contre le régime d’Idriss Déby, ont dit leur angoisse. "Nous nous inquiétons pour la vie et l’intégrité physique et morale de nos clients", a déclaré à la presse l’avocat Mahamat Hassan Abakar.

Au moins quatre personnalités ont été emprisonnées depuis le milieu de la semaine sans que l’on ait de leurs nouvelles : le général Weiding, ancien ministre de la Défense et ancien chef d’état-major général des armées ; le général Gomine, directeur de la justice militaire ; le député Saleh Makki ; le député du MPS (le parti du président Déby) Mahamat Malloum Kadre. Les autorités n’en démordent pas : tous participaient à la préparation d’un coup d’État destiné à renverser Déby, au pouvoir depuis décembre 1990 grâce à la France, qui l’avait aidé à chasser son ancien compagnon d’armes Hissène Habré. "Un groupe d’individus préparait un complot contre les institutions de l’État. Mais ce groupe est suivi depuis le mois de décembre par des services de sécurité et mercredi, à l’occasion de l’une de leurs réunions, les forces de l’ordre sont intervenues pour les arrêter", a affirmé jeudi le chef de la diplomatie tchadienne, Moussa Faki.

La situation est tendue au Tchad depuis plusieurs mois. Les rebelles de l’Union des forces de la résistance, qui avaient déposé les armes en 2009, ont annoncé depuis le Qatar fin mars vouloir reprendre les hostilités contre le pouvoir. Selon l’universitaire Mathieu Guidère*, "la tentative de soulèvement mais pas de coup d’État au sens propre du terme s’explique par une volonté des opposants de s’opposer au mode de gouvernance exercé par Déby et par la guerre au Mali".

Déby veut imposer son fils

Déby, qui souhaite imposer son fils à la tête du pays, l’a par ailleurs nommé chef d’état-major des armées avant d’envoyer les troupes au Mali contre la volonté de ses militaires et des chefs des autres clans que le sien. Alors que les troupes rentrent au pays, Déby n’aurait pas prévu d’indemniser financièrement les parents de la centaine de soldats tchadiens qui, selon plusieurs sources, seraient morts au Mali. D’où la colère d’opposants et de militaires qui auraient décidé d’aller se servir directement dans les caisses de l’État. Le régime serait parvenu à les en empêcher, profitant au passage de l’occasion et de l’appui implicite de Paris, reconnaissant de l’aide apportée au Mali, pour régler ses comptes avec d’anciens compagnons de route, jugés désormais trop peu loyaux. 

Alexandre Duyck – Le Journal du Dimanche 

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