Le canton Berem dans la Kabbia vient d’être le lieu du dernier massacre opposant éleveurs et agriculteurs. Une série qui a endeuillé de nombreuses régions du pays. Il n’y a pas longtemps, ce fut la zone de Gabringolo dans la Tandjilé qui fut le théâtre de ces affrontements meurtriers. À chaque fois, des politiciens locaux accourent pour appeler à la cohabitation pacifique. Quelques arrestations souvent fantaisistes sont opérées. Puis on passe. En attendant le prochain massacre.

Les véritables causes du conflit, on n’en parle pas. Il est vrai que le changement climatique a poussé de nombreuses populations d’éleveurs du nord et du centre à descendre plus au Sud. Il est vrai aussi que la population a augmenté au Sud du pays. Il y a donc une forte pression démographique sur les ressources et l’espace. Le conflit dans ces conditions est inévitable.

Mais il n’est pas acceptable que l’État continue à maintenir sur place des administrateurs civils et militaires qui se sont transformés en propriétaires de bétail. Les vrais éleveurs connus depuis toujours au Sud du pays et pacifiques sont en voie de disparition. Aujourd’hui ce sont de plus en plus de bouviers armés par les propriétaires de ces troupeaux, pour la plupart des administrateurs ou des chefs locaux des forces de défense et de sécurité. Les agriculteurs se sentent abandonnés et même étrangers sur leurs terres.

Dans ma tendre enfance, lors de mes rares séjours au village, je voyais un vieux peul nommé Hardo venir souvent présenter ses civilités à mon oncle paternel Noël Didama, chef de Zagobo Agoudoum. Ce peul établi depuis longtemps dans mon terroir avait un profond respect pour le chef qu’était mon oncle et pour les us et coutumes locaux. Il parlait même notre langue. Tout comme ses enfants et épouses. Nous lui vouons aussi le même respect. Aujourd’hui, de tels cas relèvent de l’exception.

Il est important de revenir à cette cohabitation pacifique. Que les agriculteurs continuent à accueillir les éleveurs. Que les autorités jouent leur rôle. Que les éleveurs respectent ceux qui les accueillent. C’est à ce prix que nous allons éviter ces massacres horribles et inutiles.

Michael Didama

(Édito, Le Temps n°926 du 8 au 15 décembre 2020)

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