Mémorandum sur l’état du TCHAD

1.    

Le Tchad a pendant longtemps été perçu comme un État fragile en Afrique centrale. En 50 ans d’indépendance, il a connu des guerres et des rebellions qui ont mis à mal son unité et son administration. Les participants à la Conférence Nationale Souveraine, en 1993, avaient, en leur temps, dénoncé les pratiques politiques des différents régimes comme étant à l’origine des affrontements fratricides entre Tchadiens.
 Ces pratiques politiques d’exclusion, ainsi que la pauvreté et la faiblesse de l’État, expliquent en grande partie l’instabilité politique chronique que connaît le pays. Il est par conséquent conseillé, pour instaurer la paix et le développement durable au Tchad, de miser sur une bonne gouvernance dans le paysage du pouvoir et la répartition de la richesse nationale en résorbant les inégalités régionales et sociales.

Les Tchadiens pensaient que les revenus pétroliers pourraient aider les dirigeants à conduire le pays sur la voie du développement en luttant contre la pauvreté, en investissant dans les services de base que sont l’éducation et la santé, en soutenant le monde rural pour une autosuffisance alimentaire et en rendant accessible au plus grand nombre les produits de première nécessité.

Quelle désillusion ! Les revenus pétroliers que le gouvernement nomme «  la manne financière » ne profitent qu’à quelques uns. D’où les revendications sociales actuelles auxquelles le pouvoir devrait être tenu de répondre tant elles sont légitimes. Le présent mémorandum montre que la mauvaise gouvernance est au cœur de la crise économique, financière, sociale et politique actuelle. Si cette gouvernance n’est pas corrigée, le Tchad risque de renouer avec l’instabilité politique. L’augmentation des ressources nationales, entre autres avec le pétrole, est synonyme au Tchad de croissance des inégalités et de progression de la pauvreté. Les indices de développement tchadiens se dégradent dangereusement.

La fuite en avant du régime par des restrictions des libertés, l’instrumentalisation de la justice, le harcèlement et le bâillonnement des opposants politiques, des médias privés indépendants et des centrales syndicales ne sont manifestement pas une réponse adéquate.

 
7.    Les potentialités du pays.
 

7.1.         Les revenus pétroliers devraient permettre de booster le développement. Avant l’exploitation du pétrole, les ressources fiscales et douanières de l’État étaient essentiellement consacrées au paiement des salaires et des droits sociaux. Tous les projets de développement étaient financés par des prêts, des dons etc… Les revenus pétroliers auraient pu, s’ils étaient bien gérés, servir à une bonne programmation des investissements en priorisant les projets à effets macroéconomiques porteurs. La Loi 001/PR/01 définissant les priorités dans l’utilisation de ces ressources et créant un compte pour les générations futures allait dans le bon sens. Mais le gouvernement a refusé d’appliquer cette Loi et l’a modifiée unilatéralement en 2007 dès qu’il s’est heurté à des problèmes de trésorerie. 

7.2.         Les revenus pétroliers ne devraient pas nous exonérer d’une gestion orthodoxe des finances publiques. Ces ressources additionnelles devraient également augmenter notre capacité à prendre en charge des dépenses indispensables à la paix sociale.  

7.3.         S’il était crédible auprès des institutions financières et des partenaires internationaux, notre pays pourrait bénéficier de prêts importants à taux préférentiels pour financer son développement. Notre taux d’endettement par rapport au PIB national est et demeure faible. Mais, ce qui est encore plus important, c’est notre capacité de remboursement et la qualité des investissements financés par ces prêts. C’est le lieu de s’interroger sur l’opportunité, la destination et les conditions du prêt chinois de deux milliards de dollars signé, semble –t- il, depuis 2010, dans l’opacité la plus totale 

7.4.         La raffinerie de Djarmaya aurait été une aubaine si elle produisait du fuel lourd pour nos centrales électriques et si nous avions une bonne politique de vente des produits de cette usine. Nous pourrions résoudre le problème chronique d’électricité et envisager la baisse du coût de l’énergie pour favoriser les petits métiers et réduire la cherté de vie. Le Tchad s’est installé dans une crise énergétique depuis quinze ans et les promesses de solution jamais réalisées traduisent en fait l’incapacité du pouvoir à avoir une vision politique dans ce domaine comme dans d’autres, englué dans la corruption généralisée et ses travers. 

7.5.         La cimenterie de Baoré : la production de cette usine, si elle était suffisante et à bon prix, devrait aider à la solution des problèmes de l’habitat en remplaçant la boue séchée qui occasionne l’effondrement des cases à chaque saison des pluies, et contribuer à l’amélioration du tissu urbain. Or, le ciment « made in Tchad » contribue plutôt à la fraude et favorise la spéculation en faveur des proches du pouvoir.  

7.6.         Au chapitre des réalisations hasardeuses, figure le prêt de 50 millions de dollars accordé par l’Inde, et dont une partie a financé l’usine de jus de fruits de Doba dont on attend toujours la mise de la production sur le marché.

7.7.         L’éducation et la santé sont deux secteurs clés devant être soutenus par une politique dynamique et ambitieuse afin d’installer un réseau d’écoles et de centres de santé dans le monde rural et de financer des médicaments génériques pour corriger les inégalités sociales. Une telle politique consoliderait le tissu social et l’unité nationale.

7.8.         Le dernier gadget du gouvernement, le « quinquennat du monde rural », est une catastrophe annoncée. En effet, la mécanisation improvisée et imposée aura des effets néfastes et dévastateurs sur l’environnement dans un terme de moins de cinq ans. L’introduction des tracteurs –un millier- si elle avait fait l’objet d’étude préalable, aurait préservé le pays de ces risques.

 

8.    Les choix politiques du gouvernement

 

8.1.         Le dérèglement du fonctionnement de l’Administration : le découpage territorial n’est ni cohérent ni efficace. Des postes ont été créés à seule fin placer des militaires, des individus sans éducation, des clients politiques et des parents. L’administration est minée par le clientélisme et le népotisme. Les administrations centrales et territoriales sont paralysées et ne peuvent plus jouer leur rôle au profit des pouvoirs publics ou de la population. L’administration est un poids supplémentaire pour la société. Les justices parallèles, les rackets et les ponctions sociales par le biais d’amendes excessives et arbitraires, les pressions de toutes sortes en particulier lors des élections, etc. sont quotidiennement dénoncées par les Tchadiens. Quand le népotisme se conjugue avec l’arbitraire, on imagine les frustrations, et le réflexe de rejet vis-à-vis de toute référence au pouvoir central et à ceux qui l’incarnent.

8.2.         Les finances publiques : le dérapage dans les finances publiques a commencé lorsque le gouvernement a dénoncé la Loi 001 pour s’approprier tous les revenus pétroliers. De 2002 à 2012, le budget national a été multiplié par plus de 10, passant de 120 milliards à 1.700 milliards. En 2007, les ressources nouvelles inscrites au budget étaient de 918 milliards. Pour la deuxième fois depuis l’indépendance, l’État a clôturé l’exercice avec un excédent de 228 milliards !!! Le gouvernement a rapidement présenté un collectif budgétaire pour réduire l’excédent à 55 milliards. Notre capacité d’absorption des revenus du pétrole a manifestement posé problème. Depuis, il n’est plus question d’excédent financier. Le gouvernement a inscrit le budget dans une optique de déficit pour justifier des dépenses de prestige, électoralistes, militaires… et les détournements de toutes sortes.

Le budget national connaît deux distorsions majeures :

Du côté des recettes, les objectifs des régies ne sont jamais atteints, ils se dégradent même d’année en année. Ceci s’explique par l’incompétence des responsables désignés à la direction de ces régies et par l’impunité des auteurs de détournements et autres pratiques mafieuses (ouverture de comptes privés pour y placer des ressources publiques). C’est ainsi qu’un des Directeurs des services des domaines s’est enfui au Canada il y a quelques années avec près d’un milliard de francs cfa transférés de l’un de ces comptes occultes vers son compte personnel à l’étranger, sans même que l’État Tchadien ne porte plainte. Toutes ces pratiques sont l’œuvre de proches du pouvoir. La récente décision du Ministre des finances de faire des chefs de bureau de douanes des percepteurs en lieu et place des régisseurs du Trésor laisse perplexe. Et son autorisation d’ouverture d’un compte dans une banque primaire à la direction des douanes, encore plus.

Du côté des dépenses, c’est l’opacité la plus totale. Les budgets votés par l’Assemblée Nationale sont des faire-valoir. Les engagements sont bloqués par le gouvernement jusqu’à un mois de la fin de l’année budgétaire. Les engagements des dépenses de fonctionnement sont alors autorisés pour un mois. Un collectif budgétaire doit alors permettre de consolider l’état de l’exécution du budget. Le budget n’est pas exécuté selon les normes des finances publiques. Le Président de la République peut alors ordonner des dépenses sur simple ordre de paiement, en dehors de la nomenclature de la comptabilité publique (Dépenses avant ordonnancement ou DAO, qui s’élèvent, de janvier à août, à 285 milliards de francs, selon la Loi de finances rectificative 2012). Depuis 5 ans, c’est un désordre total. La gestion des finances publiques dépasse l’entendement. Acheteurs et vendeurs de« Bons Administratifs » se rencontrent pour mener à bien leurs transactions. Il n’est plus question de l’État, mais du Chef de l’État. Ici encore, les proches du pouvoir excellent dans la recherche des avantages au « gré à gré » en présentant de simples papiers portant pour sésame la mention «  sur instructions du chef de l’État … ». A ce rythme, rien ne peut limiter les dépenses privées faites au nom de l’État. On comprend alors pourquoi, depuis l’entrée dans l’ère pétrolière, le gouvernement a renoncé à l’obligation de présenter à l’Assemblée nationale des lois de règlement. Cette situation indescriptible ne donne plus au FMI ou  à la Banque Mondiale de possibilité d’intervention ou de conseil sur la gestion des finances publiques au Tchad.


8.3.         La Direction des Grands Travaux Présidentiels.

 

Elle se substitue de fait au Ministère des Finances et au Ministère des Travaux Publics et Infrastructures, mais aussi au Trésorier Payeur Général de l’État. Personne ne sait d’où viennent les ressources qui alimentent cette caisse du Président de la République. Mais c’est de là que le Chef de l’État ordonne et paie les « grands travaux ». Des sommes colossales s’envolent pour des destinations inconnues et pour toutes sortes d’opérations : marketing pour l’image et le soutien au régime, projets pharaoniques comme la Place de la Nation (pas moins de 17 milliards CFA), séminaires et symposiums internationaux, achats somptueux, etc. Tous les projets d’infrastructure et d’équipement réalisés, en cours et en prévision y sont gérés : les universités, les routes, l’aéroport, les hôpitaux, les chemins de fer, le futur centre des affaires sis à l’ancienne gendarmeriepour un coût estimé à près de 250 milliards CFA …

La Direction des Grands Travaux n’est jamais auditée et ses gestionnaires font des largesses au même titre que l’ordonnateur principal. A la fin de l’année  budgétaire 2012, la Direction des Grands Travaux dépense déjà des recettes de 2013 du budget actuellement en cours d’élaboration mais considérées comme acquises, au dépens du pouvoir de contrôle de l’Assemblée Nationale. Le Directeur Général de cette Direction Générale des Grands Travaux Présidentiels rattachée à la Présidence de la République, n’est autre qu’un des fils du chef de l’État.

 

8.4.         La boulimie financière et la privatisation de l’État et de l’économie nationale.

 

La recherche frénétique de tout ce qui  peut permettre de devenir riche rapidement pousse les personnes au pouvoir et leurs proches à privatiser les structures génératrices d’argent. Tous les secteurs del’économie nationale, même ceux rattachés au domaine régalien de l’État, entrent progressivement dans le domaine privé. Les sociétés parapubliques et les démembrements de l’État sortent du portefeuille public et sont cédés à des proches du pouvoir à des prix symboliques. L’État subventionne ensuite ces mêmes entreprises à coup de milliards qui enrichissent leurs propriétaires. Par des attributions de « gré à gré  » de grands travaux (bâtiments, routes, monuments), le pouvoir vire des sommes colossales à des individus qui, partis de rien, se retrouvent milliardaires du jour au lendemain. Certains proches cumulent même ces domaines rétrocédés tels la délivrance de la carte d’identité nationale, le passeport, le permis de conduire, etc… Citons quelques exemples pour corroborer ces affirmations. Il y a quelques années, l’Huilerie-Savonnerie de Cotontchad a été privatisée dans des conditions anormales et la gestion confiée à un beau-frère du chef de l’État. Elle a été restituée à la maison mère après sa faillite, entraînant évidemment  celle de Cotontchad. Les services de manutention de l’aéroport ont été privatisés au mépris des règles. La privatisation de la SNER est contestée et, bien que cette entreprise exerce un quasi-monopole dans le domaine de la construction des routes, l’État vient de lui accorder des avantages fiscaux sur une période de dix ans. La liste pourrait s’allonger avec les marchés faramineux leur étant accordés de gré à gré.

Les citoyens sont pris en otage. La délivrance des documents officiels donne lieu à une corruption légalisée. La reconnaissance de la nationalité tchadienne n’est plus un droit. Elle s’accorde au plus offrant ou au plus conciliant. Tous ceux qui bénéficient de ces privilèges sont des parents de personnes au pouvoir ou des membres du clan du Président de la République. Il y adonc des raisons de craindre des manipulations politiques malveillantes de l’identité, mettant en danger la sécurité et la vie des citoyens. On imagine déjà ses effets sur les futures élections.

La liste des dérives du pouvoir en matière de gouvernance ne peut être exhaustive, mais les évaluations faites par des structures non nationales donnent une idée de la gravité de la situation.

 

8.5.        L’instrumentalisation de la justice


La justice est utilisée pour harceler les opposants politiques et tous ceux qui contestent les pratiques autoritaristes, la mauvaise gouvernance et les différentes dérives du pouvoir. Les libertés constitutionnelles sont ainsi menacées et les juges aux ordres du pouvoir semblent ne point s’en émouvoir. Est-il superflu de rappeler que les présidents des hautes institutions judiciaires, Cour constitutionnelle et Cour suprême, ainsi que les membres, nommés à la discrétion du chef de l’État, sont des caciques du parti au pouvoir ? Ils veillent, évidemment, au grain pour accompagner le gouvernement dans la violation des lois. La récente modification du statut de la magistrature constitue un réel recul, en ce qu’elle permet au ministre de la Justice de sanctionner les magistrats, en lieu et place du Conseil Supérieur de la Magistrature. Malgré le soutien important des partenaires, à travers le PRAJUST notamment, rien n’a changé et les citoyens ne font plus confiance à cette magistrature partisane, incompétente et corrompue. Les opérations en cours contre les auteurs de malversations et de détournements des deniers publics ne convainquent personne : les délinquants, s’ils sont jugés, se retrouvent rapidement libérés, en dehors de toute procédure judiciaire, pour être promus à d’autres responsabilités au sein de l’administration. Les plus gros délinquants réputés et connus roulent carrosse et présentent, de façon ostentatoire et insolente, des signes d’un enrichissement rapide et sans cause. Par contre, les « petits poissons » sont traqués et emprisonnés.


8.6.        Contrôle des médias


Le pouvoir a mis sous coupe réglée les médias d’État qui ne sont que simple relais de ses discours. Les fonctionnaires se transforment en griots en ne faisant que les louanges du Prince. La radio et la télévision d’État n’ont plus d’émission d’analyse et de débats, et se livrent à des éditoriaux, un genre plutôt archaïque en démocratie. Point de place aux activités de l’opposition. Les média privés ont d’énormes difficultés pour survivre, faute de subventions suffisantes, tandis que l’État dépense des centaines de millions de francs dans des medias étrangers pour faire sa propagande. Le marché publicitaire national étriqué profite en priorité aux journaux proches du pouvoir. Les menaces pèsent également sur les lignes éditoriales de la presse privée indépendante, car le pouvoir voudrait avoir une presse privée aux ordres. Cette situation restreint l’espace des libertés, surtout si l’on y ajoute les différents procès intentés fréquemment aux journalistes « critiques ». Il y a comme une volonté de retour à la pensée unique, comme à l’époque de l’UNIR du régime de Hissein Habré.

Au-delà des médias, c’est tout un processus d’étouffement des libertés qui est mis en branle. Les libertés individuelles sont de plus en plus confisquées, et les citoyens vivent dans la peur permanente d’être arrêtés, par des agents qui ne sont pas assermentés. L’ANS étend ses tentacules sur tout le territoire, et ses agents exercent leurs activités avec des pouvoirs exorbitants. L’ANS et les Renseignements généraux de la Police disposent de prisons inconnues des instances judiciaires. Le peuple fait ainsi l’objet de surveillance permanente, en violation des Lois. Ainsi, l’État a engagé des sommes colossales pour acquérir des matériels sophistiqués pouvant lui permettre de capter les conversations téléphoniques, les fax, les mails et les textos (sms), en toute illégalité.


9.    Climat politique et social


9.1.La situation politique du Tchad est actuellement bloquée. Il n’y a plus de dialogue véritable avec l’opposition. Sa pratique politique démontre une dérive de type monarchique. Aucune contestation n’est autorisée. La critique de la politique gouvernementale est interprétée comme une attaque personnelle à l’encontre du Président. Le droit d’expression, dont la pétition est l’une des manifestations, est perçu comme un crime de «  lèse-majesté ». Les activités de contestation en démocratie, telles les marches pacifiques, sont systématiquement refusées. Le pouvoir s’est équipé, à coup de milliards de francs, en matériel sophistiqué de répression qu’il utilise de façon abusive à la moindre occasion (les étudiants en ont vécu une expérience amère).

9.2. La Réforme de l’Armée, au programme depuis la prise du pouvoir en 1990 par le M.P.S., reste un vaste chantier à peine entamé, du fait de la mauvaise volonté du Chef de l’État qui en a fait un domaine très réservé. Les effectifs connaissent une hausse sans commune mesure avec les besoins, mais en fait ils n’ont jamais été maîtrisés et la mise à l’écart de 14.000 éléments en 2011 a plus servi à régler des comptes tribaux qu’à moderniser une armée toute entière consacrée à mater les rébellions et à mettre aux pas tout citoyen présentant des velléités démocratiques. Les revenus pétroliers ont très largement contribué à l’équiper, avec des armements sophistiqués démontrant ainsi la volonté du pouvoir de s’inscrire définitivement dans une vision guerrière, au détriment du développement.


9.3. La situation de l’opposition 


L’accord entre N’Djaména et Khartoum de 2010 stipulant l’engagement réciproque de ne pas soutenir les rebellions a mis fin à tous les mouvements politico-militaires menaçant le pouvoir de N’Djaména à partir de l’Est du pays. Il subsiste quelques résidus dans la zone des trois frontières (Soudan, RCA, Tchad). N’Djaména estime que ces rebellions ne constituent plus une menace.

Le pouvoir a longtemps défendu la thèse d’un complot ourdi contre lui par les rebelles et l’opposition démocratique. La disparition forcée d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, porte-parole de la CPDC, pendant les évènements de 2008, s’explique par cette phobie et cet amalgame. Quatre ans après, la procédure judiciaire ne progresse pas, parce que le gouvernement met tout en œuvre pour que la lumière ne soit jamais faite.

Aussitôt le danger écarté, le pouvoir a renoué avec ses premières amours : utiliser l’opposition démocratique à ses fins. C’est ainsi que quelques membresde la CPDC ont été cooptés au sein du gouvernement pour justifier le discours selon lequel « il n’y a plus d’opposition ».

L’Accord politique du 13 aout 2007 n’a finalement pas  contribué à renforcer le processus démocratique, comme l’ont voulu ses géniteurs. A l’heure du bilan, tous les observateurs ont noté l’échec des différentes élections organisées en 2011 et 2012 dans des conditions calamiteuses. De plus, aucune des mesures préconisées pour assainir l’environnement général et améliorer la gouvernance n’a été exécutée.

Alors que tous les acteurs politiques, ainsi que les partenaires du Tchad, conviennent de la nécessité d’un nouvel espace de dialogue politique, le pouvoir se montre réticent et traine en longueur pour retarder cette échéance. C’est faire preuve d’une grave cécité politique et d’un coupable manque de sens patriotique car la réalité est que le Tchad est entré dans un cycle de crise politique grave que les actes d’agacement et d’énervement du pouvoir ne sauraient étouffer. L’échec, décrit plus haut, est patent dans tous les domaines et des solutions hardies et urgentes doivent être prises pour éviter un enlisement générateur de foyers de tension.


10 . Un État en perte de vitesse


Sur le plan du développement social, selon le PNUD, le Tchad est classé 48ème sur 54 États. Il était 45ème sur 53 en 2011. Le Tchad est le dernier de la classe au niveau du développement social dans l’espace CEMAC. En matière du développement économique, selon les mêmes sources, le Tchad est 37ème sur 54 États.  

En observant les tendances politiques, économiques et sociales africaines, il ressort que, sur presque tous les plans, le Tchad connaît un recul par rapport à 2011.En ce qui concerne la gouvernance, d’après l’indice Mo Ibrahim, le seul pays africain plus mal gouverné que le Tchad est la Somalie. Être un État mieux gouverné que la Somalie signifie, à demi-mot, être tout simplement l’État africain le plus mal gouverné.

L’année 2011 s’est achevée sur des résultats désastreux. Du PNUD à la fondation MO Ibrahim, en passant par la Banque Mondiale et par la Société Financière Internationale, le Tchad est très mal noté. Le développement humain bat de l’aile. La redistribution des richesses nationales est très partisane. L’opacité des milieux d’affaires fait du Tchad l’État le moins transparent du monde. Quand l’on sait que le pays est également un des plus corrompus au monde, on comprend comment il a pu obtenir en 2011 la palme d’or africaine de la mauvaise gouvernance.


11. Conclusion


Depuis vingt-deux ans, la situation du Tchad ne fait que se dégrader. Tous les indicateurs des progrès économiques, sociaux et politiques sont au rouge. Aucune amélioration ne se dessine à l’horizon, parce que la volonté politique d’agir autrement et de bien faire est absente. Le clan a pris l’État et le peuple tchadien en otages pour assouvir une insatiable et incompréhensible soif d’enrichissement.

 

Le système n’a plus d’institutions de régulation des crises. Il semble être gangréné, miné de l’intérieur et incapable de se régénérer.

Face à cela, l’opposition représentée par la CPDC recommande au Président de la République ce qui suit, dans l’intérêt supérieur de la Nation :

ü  L’aboutissementsans délai des travaux du Comité de Suivi et d’Appui de l’Accord politique du 13 août 2007, en vue la mise en place d’un nouvel espace de dialogue ; ce nouveau cadre organisera, avant la fin de l’année 2012, un Forum national des forces politiques et sociales.

 

ü  Le retour à l’orthodoxie financière par le respect des procédures, la proscription des pratiques mafieuses et l’élaboration d’un véritable Budget de l’Etat avec la restauration de la pratique des lois de règlement.

 

ü  L’abrogation de tous les accords et conventions, décrets et ordonnances qui lèsent l’Etat ou accordent des avantages indus à des individus, fussent-ils proches du pouvoir (Contrat de cession des documents biométriques ; Note circulaire 010 du 9 mai 2012 du Ministre des Finances ; Lettre 91 du  18 mai 2012 du Ministre des Finances à la BCC ; Convention d’établissement du 21 décembre 2010 entre le Gouvernement et la SNER, notamment).

 

ü  L’instauration d’un débat à l’Assemblée nationale sur les engagements financiers de l’Etat, les conventions pétrolières et les contrats d’infrastructures ne respectant pas le droit.

 

ü  La suppression des structures ad hoc et parallèles érigées en lieu et place des structures étatiques ;

 

ü  L’arrêt des  engagées contre les citoyens qui exercent leurs droits constitutionnels en matière du droit du travail et des libertés de la presse.

 

ü  La mise en œuvre sans délai des dispositions des états généraux de la justice et de l’armée, conformément aux conclusions arrêtées.

La CPDC estime que les recommandations ci-dessus énumérées sont une exigence et que leur mise en œuvre aiderait au rétablissement d’un climat serein pour la recherche des voies et moyens de la sortie de crise générale que vit notre pays. Elle appréciera donc la volonté politique du pouvoir dans la recherche de la paix par l’instauration d’un dialogue franc et ouvert entre tous les acteurs politiques et sociaux.

Adopté par la plénière de la CPDC le 26 septembre 2012

                             

  Le porte parole adjoint 
Saleh KEBZABO


                                                                                                                                                                           

535 Vues

Il n'y a pas encore de commentaire pour cet article
Vous devez vous connectez pour pouvoir ajouter un commentaire