OORDINATION des PARTIS  pour la DEFENSE de la CONSTITUTION

             C.P.D.C.

    DECLARATION LIMINAIRE DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU 14 AOUT 2012

                 Présentée par le Porte-parole Adjoint, Saleh KEBZABO

 


Il y a cinq ans, le 13 aout 2007, les acteurs politiques  tchadiens, toutes tendances confondues, signaient  un « Accord politique en vue du renforcement du processus démocratique au Tchad ». Unanimement salué à l’intérieur et à l’extérieur, il a été qualifié par le Président Idriss Déby Itno de document fondateur après la Bible, le Coran et  la Constitution, lors de la cérémonie de signature qu’il présidait. Dès lors, l’on pouvait décemment espérer que l’Accord politique avait de beaux jours devant lui et qu’il allait jouer un rôle majeur dans le processus démocratique. C’était sans compter avec les démons qui jalonnent le chemin de notre jeune démocratie.

 


En effet, ce qui paraissait anodin à l’époque allait se confirmer quatre ans plus tard : l’Accord et le Comité chargé de suivre son application n’avaient aucun statut, le pouvoir n’ayant consenti à lui en donner un que contraint et forcé par les évènements … fin 2011. Le second épisode eut lieu après les évènements de février 2008, à l’occasion de la formation du gouvernement qui ne dut sa crédibilité intérieure et extérieure que grâce à la participation des membres de la CPDC, malheureusement sans la caution de l’organisation qui a mené huit mois durant les négociations qui ont abouti à la signature de l’Accord.

 


A l’heure du bilan, force est de constater que l’Accord politique est loin d’avoir atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Pour les partenaires du Tchad qui ont participé de bout en bout au processus, depuis les négociations jusqu’à la fin du cycle, cet Accord devait nous amener à une plus grande transparence électorale après les échecs du référendum et de la  présidentielle de 2006. Mais voilà que la présidentielle de 2011 a été boycottée par l’opposition, boycott que l’Accord était censé conjurer. Il faut se rendre à l’évidence : le pouvoir MPS manque de volonté et de courage d’organiser des élections démocratiques et transparentes dans notre pays.

 


Certes, l’Accord politique  a pris en compte l’essentiel des ratés précédents pour avoir des lois relativement bonnes pour gérer les élections : CENI, Code Electoral, Charte des partis politiques. Dans la pratique, cela s’est avéré servir de faire valoir pour le régime ; l’esprit est resté le même : le refus de la démocratie caractérisé par les passages en force sur le terrain électoral. Là aussi, on comprend le refus du pouvoir de mettre en œuvre le chapitre IV sur l’assainissement de l’environnement. L’Administration, l’Armée et tout l’arsenal public, en passant par l’accaparement exclusif des médias publics, ont servi au montage et à la mise en œuvre de fraudes massives et grossières. Quant au statut de l’opposition, il n’a même pas connu un début d’application depuis la promulgation de la Loi en 2009. C’est la preuve que le pouvoir n’entend pas traiter avec une opposition crédible qui œuvre dans la transparence.

Pendant toute la période électorale, le président Idriss Déby Itno s’est illustré par ses interventions intempestives et partisanes. Le chef de l’Etat censé être le garant est devenu tout simplement le parrain, le partisan qui tire les ficelles et fait gripper la machine. L’on se rappelle quelques conséquences de ses intrusions : le recensement biométrique a été reporté, la CENI a été manipulée au point de perdre un président emporté par la tentation de servir le chef de l’Etat, le financement a minima d’une CENI « biberonnée » ne pouvait qu’entraver sa bonne marche, tandis que les tripatouillages du calendrier électoral ont conduit à d’incessants reports, entrainant  échec du processus.

 


Pour ce qui concerne les élections elles-mêmes, le constat d’échec est patent et chaque élection a été plus mauvaise que la précédente. Au final, à quoi aura donc servi l’Accord politique ? Devait-il être manipulé pour servir les intérêts du régime au détriment de la démocratie ? Non !

 


Car, au-delà de ces aspects électoraux, l’Accord politique a pris en compte la bonne gouvernance : les libertés individuelles et collectives, les droits humains, la réforme de l’armée, une Administration performante… Or, depuis cinq ans, que constate-t-on ? Le pouvoir s’est arc bouté sur lui-même pour se recentrer de la tribu au clan, puis à la famille, et s’illustrer dans une gestion patrimoniale de plus en plus criante. L’injustice et l’impunité se pratiquent ouvertement pendant que l’on fait du spectacle par des arrestations-libérations et séquestrations en dépit de la loi et du bon sens. On amuse la galerie par des proclamations de bonne gestion qui finissent par des détournements massifs, une concussion galopante, des pillages de deniers publics à ciel ouvert, des passe-droits et des primes à la médiocrité.

 


Oui, l’Accord politique, c’est aussi cela que le gouvernement de la République devait combattre. L’on est donc pas surpris par la hausse croissante des prix qui frappe les plus démunis, l’enrichissement exponentiel d’une minorité, une gestion calamiteuse et partisane et la descente aux enfers d’un Etat appelé ainsi pour des besoins connus, la confiscation des richesses nationales par la même minorité qui ne se satisfait décidément de rien et fait main basse sur tout ce qui bouge aux couleurs, au goût ou à l’odeur de l’argent. Cette même minorité a pris la majorité en otage pour assouvir ses appétits immenses et incommensurables d’enrichissement, au détriment du pays.

 


Oui, l’Accord politique c’est tout cela et nous ne sommes pas surpris que le chef du gouvernement monte personnellement au créneau pour menacer la presse indépendante, coupable à ses yeux, de jouir de trop de libertés ! Or, en matière de liberté, il n’y a jamais trop de libertés et tenter de les étouffer relève d’un crime contre l’humanité. Toutes ces gesticulations, et d’autres, sont faites pour plaire au Prince, et nous assistons tristement à ce spectacle d’échansons prêts à tout, sauf servir le pays. Les Tchadiens vivent de plus en plus la peur au ventre, un ventre de plus en plus vide. A qui peuvent-ils s’adresser, à quel saint vont-ils se vouer quand le gouvernement ne fait plus de leurs soucis une priorité ? Comment ne pas soutenir la grève des syndicats qui se battent, au-delà des salariés, pour le bien-être des populations ? Oui, cette grève est légitime, nous devons la soutenir et nous la soutenons.

 


Enfin, quid de l’avenir depuis que le chef de l’Etat et sa majorité ont sciemment bloqué les discussions qui devaient nous mettre sur les rails ? Les acteurs politiques, semble-t-il, ont convenu de préparer un nouvel espace de dialogue politique, démarche, une fois encore, soutenue par les partenaires du Tchad. A l’heure où nous parlons, les conclusions de cette démarche devaient être rendues publiques. Or, il n’en est rien et tout porte à penser que les acteurs politiques sont dans un labyrinthe dont ils ne sortiront pas de sitôt.

 


En effet, ce nouvel espace de dialogue doit être clairement défini, au moins aussi bien, sinon mieux que l’Accord politique du 13 aout 2007. Notre expérience enrichie par les pratiques de ces dernières années, doit nous servir afin d’aller aux prochaines élections avec la ferme détermination d’œuvrer pour plus de transparence, de sincérité et d’équité électorales. Les Tchadiens ne veulent plusde ces parodies d’élections où notre participation doit servir à les crédibiliser : c’est le message de la baisse constante du taux de participation d’une élection à l’autre.

 


Les Tchadiens attendent de bonnes élections ; ce processus devra commencer dès  cette année par la mise en place d’une CENI réellement indépendante, fonctionnant selon la règle de la parité, avec des démembrements opérationnels, l’établissement de listes électorales fiables et la distribution de cartes d’électeur biométriques.

 


Des débats doivent être organisés sur la CENI pour en faire un organe réellement indépendant qui ne dépende de personne, un code électoral équilibré et réaliste, un financement des partis plus juste et équitable, une réelle dépolitisation et une démilitarisation effective de l’Administration, une meilleure gouvernance dans tous les domaines, une libéralisation des médias publics actuellement au service exclusif du pouvoir et la mise en œuvre sans délai du statut de l’opposition.

 


C’est, entre autre exigences, ce que nous allons demander pour la mise en route d’un nouvel espace de dialogue politique et ce n’est pas trop demander. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la recherche d’une meilleure organisation des élections et de jeter les bases d’une bonne gouvernance dans notre pays.

 


Je vous remercie.
 

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