Rien ne semble pouvoir arrêter Boko Haram dans sa déstabilisation globale du Nord-Est du Nigeria. Après l’attaque dévastatrice à Baga le 7 janvier (2 000 morts), le mouvement d’Abubakar Shekau – qui rêve de recréer un califat sur les frontières de l’ancien Empire du Kanem-Bornou – embrase désormais toute la sous-région. Les Etats limitrophes semblent d’autant plus démunis face à ce nouveau type de menace que leur situation intérieure est déjà extrêmement fragile. Analyse.

Déby, chef militaire – Si la France avait une quelconque velléité d’engager des troupes au sol pour lutter contre la secte fondamentaliste, celle-ci a été balayée par les récents attentats à Paris. Ces événements mobilisent 10 500 militaires dans le cadre du plan Vigipirate, soit trois fois le volume des forces françaises de l’opération Barkhane. Hostile à tout nouveau déploiement de troupes en Afrique, Paris apporte l’essentiel du renseignement sur la menace Boko Haram grâce à des missions hebdomadaires de Rafale. Ces données sont partagées avec les pays riverains du Nigeria réunis au sein de la Commission de coordination et de liaison, afin de préparer une hypothétique intervention multilatérale. La France soutient aussi logistiquement les pays "impactés", notamment le Tchad, appelé à voler au secours du Cameroun. Idriss Déby vient ainsi de s’engager sur un troisième front, après le Mali et la Centrafrique en 2014. Le contingent de 2 500 soldats tchadiens envoyé le 18 janvier jusqu’à Maltam, à 80 km à l’intérieur du territoire camerounais, a été en partie acheminé via Barkhane. Il comprend 400 véhicules, ainsi que des chars et des blindés. 

Biya menacé – Ce renfort est d’autant mieux perçu par Yaoundé que le pays subit une stratégie de harcèlement de Boko Haram, dont les incursions sont quasi-quotidiennes. Les 6 000 soldats camerounais postés à la frontière avec le Nigeria, parmi lesquels une majorité du Bataillon d’intervention rapide (BIR), peinent de plus en plus à contenir ces assauts. Au Palais de l’unité, les réunions se multiplient. Outre Paul Biya, menacé de mort par Shekau dans une vidéo diffusée sur la Toile le 5 janvier, le dossier est géré par le secrétaire général à la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, et par le chef d’état-major des armées, le général Claude Meka. 

Issoufou en alerte rouge – Redoutant les mêmes débordements au sud-est du Niger, Mahamadou Issoufou vient d’envoyer 1 000 hommes dans les casernes de la région de Diffa. Ceux-ci sont appuyés par trois hélicoptères de combat et un avion de reconnaissance. Le même dispositif avait permis à l’armée de prendre le dessus sur la rébellion touareg du MNJ entre 2007 et 2009. Ce dossier est géré personnellement par le chef de l’Etat. Chaque matin, celui-ci reçoit le rapport de son chef d’état-major particulier, le colonel-major Ibrahim Walli Karingama, détaillant les aspects opérationnels de la riposte envisagée. Par ailleurs, le nouveau patron du renseignement intérieur, Amadou Garba, a envoyé des agents supplémentaires dans la même zone. Leur mission consiste à repérer des éléments de la secte infiltrés dans les camps de réfugiés ayant fui les violences au Nigeria. Selon nos sources, le président nigérien réfléchit également à positionner une base de l’armée française à Diffa, sur l’exemple de celle qui existe à Madama (nord). Cependant, cette option est très risquée pour son régime au regard du ressentiment anti-français déjà perceptible au Niger, alors que 550 soldats français sont présents dans le pays. 

Ces protections contre les actions exponentielles de Boko Haram s’avèrent toutefois bien minces. D’une rare violence, avec à chaque fois plusieurs centaines d’hommes équipés et très mobiles, les attaques de la secte nécessiteraient une intervention internationale d’envergure sur le territoire nigérian. Une option pour l’heure inenvisageable devant le peu d’intérêt que semble porter Goodluck Jonathan à ce dossier. 

La Lettre du Continent.

 

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