À la suite d’une assise tenue au lieu-dit « Koumra » en date du 15 octobre 2021, les représentants des ethnies résidant au Mandoul, sont convenus, en présence d’une part des chefs de cantons, des chefs coutumiers de la province du Mandoul et d’autre part, des autorités administratives, judiciaires et militaires du Mandoul, de signer un accord relatif à la réparation civile en cas d’homicide.

L’accord, étant signé entre les parties, n’a vocation que de s’appliquer sur ces dernières.  A cet effet et selon ses termes, il est opposable d’une part aux arabes « Ndakara », « Rachid », « Bornou », « Hawazmé », « Toundjour », « Missirié noirs », « Rachid », « Hawazmé » et, d’autre part « Foullata ». Ce qui revient à dire qu’il ne tient lieu de la loi qu’aux différentes communautés ci-haut citées, seulement entre elles et rien que pour elles, résidents au Mandoul. De ce fait, les autorités étatiques et traditionnelles du Mandoul n’ont pris part à cette rencontre que pour prendre acte, c’est-à-dire, témoigner. Ne constituant pas partie, ces chefs traditionnels du Mandoul ne peuvent être liés par ledit accord moins encore ceux qu’ils représentent.

L’accord étant né, l’annonce de sa naissance a provoqué un fantasme stimulant chez une poignée d’internaute tchadien. Pour la plupart, l’accord n’a juridiquement raison d’être, c’est-à-dire, n’a aucun fondement juridique. Interpellé par de telles réactions, puisque le droit est tort cité, je ne me suis empêché d’analyser juridiquement les faits puis publier le résultat qui en a découlé. Mais finalement, l’accord est estimé non conforme à la règlementation des textes en vigueur par le Ministre en charge de l’administration du territoire. Cet accord, qui a su animer la toile, nous amène à donner notre version de lecture tant sur sa naissance que son décès que j’estime « incertain ».

En effet, l’article 1134 de code civil stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de la loi à ceux qui les ont faites ». Au regard de cet article, l’on s’interroge essentiellement sur la légalité de l’accord.

Pour qu’une convention soit légale, elle doit requérir les conditions suivantes : le consentement des parties, la capacité des parties et un contenu licite et certain (l’article 1128 du code civil). Au regard de ces conditions, l’accord ne souffre d’aucune illégalité. Car, en relevant un « consensus dégagé, reconnu et approuvé », l’accord satisfait à la condition « consentement ». Concernant la « capacité des parties », aucun problème ne juridique ne se pose puisqu’il s’agit, selon l’accord des « représentants des ethnies ». Relativement à la condition, d’abord « licite », il s’agit, selon l’accord de « la réparation civile » qui est, évidemment licite. Et, enfin, la condition « certain », se satisfait dès lors que l’accord vise « un cas de préjudice ». Au regard de ce qui précède, à quel niveau l’accord est-il entaché d’illégalité ?

Dans la mesure où l’accord est annulé pour seul motif que les autorités étatiques avaient apposé leur signature alors, quel est le sort des différents accords de paix signé à l’Ouaddaï ?

En tout état de cause, le fameux accord, après avoir vécu sept jours, son décès est, dans les mêmes circonstances de sa naissance, annoncée. Mais, son décès est-il certain ?

Avant de toucher l’aspect de « l’incertitude du décès » de l’accord, il est aussi important de soulever quelques vices que recouvre l’acte d’annulation. Dans cette perspective, l’acte d’annulation souffre d’un défaut de « désignation » en tant que norme ; c’est-à-dire, ne porte l’indice d’identification. Sous ce regard, dans quelle catégorie d’acte administratif doit-on le classer ? Au-delà de ce souci, il relève que l’acte est dépourvu de tout visa. Mention n’y est faite qu’au « regard de la réglementions des textes en vigueur en la matière ». Mais de quels textes s’agit-il concrètement ? Le droit se veut précis.

L’ensemble de ces interrogations soulevées sont autant de conditions de critères qu’un acte administratif est sensé requérir. Mais au-delà de tout ce qui est relevé, les plus importants sont les effets que l’acte ministériel pourra produire. A cet égard, on s’amène à penser si l’acte ministériel peut contraindre les parties ayant conclu l’accord à renoncer à leur consensus. Surement pas. Quelle est alors la portée de cet acte ministériel ?

ABDRAMANE MAHAMAT-ZENE KOUKOU

Juriste, Enseignant-chercheur

koukousidick@yahoo.com

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