Alixe Ndolénodji Naïmbaye, secrétaire d’État aux Finances et au Budget était la cheffe de mission du Comité d’organisation du dialogue national inclusif (CODNI) pour la zone Amériques et Europe. Elle fait le bilan de sa mission dans cette interview.

Pourquoi avez-vous choisi Paris pour cette rencontre ?

Paris représente l’épicentre de la représentation du Tchad en Europe, c’est là où nous avons le plus de ressortissants de la diaspora. La France reste aussi le pays qui compte le plus de générations de Tchadiens. À Paris, il est également plus facile de mobiliser autant la diaspora de France que celle des autres pays d’Europe et en même temps, permettre à nos ambassadeurs, de désigner et envoyer leurs délégués.

Êtes-vous satisfaite de la rencontre ?

Je suis très satisfaite de la qualité de la rencontre et de l’ambiance entre les participants. Ils sont dans une logique très constructive. Lorsqu’on dit que la diaspora ne contribue pas, cette fois-ci la diaspora tchadienne montre une autre des facettes de sa contribution. Réunir la diaspora d’Europe autour d’une table de concertation pour réfléchir au devenir du pays donc apporter sa pierre à l’édifice, est une expérience unique que beaucoup découvrent. Et c’est un plaisir de voir que la jeunesse prend part à ces concertations avec beaucoup de responsabilité. C’est le Tchad de cette jeunesse que nous sommes en train de bâtir avec vraiment le grand espoir d’en faire un pays unifié, fort et prospère.

Combien coûte l’organisation d’un tel événement ?

Ce n’est pas le coût aujourd’hui qui est important. Le comité d’organisation du dialogue tient compte du contexte difficile que nous traversons, donc ce qui est important c’est surtout ce que nous avons pu réaliser avec le peu de moyens qui sont à notre disposition. Il s’agit aussi que chacun y mette du sien : au-delà de l’aspect du coût, c’est vraiment l’implication de chacun dans cet effort qui représente beaucoup. Car ce que vous voyez aujourd’hui c’est peut-être la phase visible parce que c’est en Europe et parce qu’il y a eu aussi cette mission consultative aux États-Unis mais il faut savoir que dans toutes les provinces du Tchad, de pareilles missions ont été déployées avec des concertations beaucoup plus larges, afin que les organisations diverses (associations, syndicats, société civile, partis politiques) puissent s’exprimer sans tabous sur tous les maux qu’elles désirent corriger. C’est donc une très grande machine qui a été mise en route.

Est-ce que l’outil Web par lequel on s’inscrit pour participer à la rencontre n’exclut pas d’emblée certaines personnes peu à l’aise avec celui-ci ?

L’outil Web sert pour la communication en temps réel et la promotion de l’événement. Il offre aussi la possibilité à ceux qui ne peuvent se déplacer d’envoyer leurs contributions.

Il permet bien sûr de limiter les quotas pour des raisons logistiques et de pertinence vu les délais impartis pour compiler les conclusions qui serviront de base au dialogue. Mais il n’y a pas de sélection qui écarterait certaines personnes. L’objectif est de donner la parole aux forces vives. Toutes les structures organisées, à partir du moment où elles sont connues, sont invitées. D’où l’importance de se faire connaître à son ambassade afin d’être facilement pris en compte.

L’organisation de ces rencontres au Tchad et à travers le monde a un coût. Que répondez-vous aux Tchadiens qui estiment que cet argent pourrait être mieux utilisé, par exemple dans des domaines prioritaires comme la santé ou l’éducation ?

Des priorités, il y en a toujours mais c’est bien de réaliser ces priorités sur une base de stabilité. Nous avons traversé des moments où la paix et la stabilité étaient gravement menacées, nous qui vivons au Tchad, connaissons le prix de la paix et savons que c’est une condition pour réaliser toute activité, qu’elle soit la plus petite ou la plus importante. Aujourd’hui, la grande priorité, c’est de poser les jalons de ce qui a été depuis longtemps réclamé à cor et à cri. Et, on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs, donc il faut bien engager des frais pour pouvoir le faire. Par ailleurs, on ne peut pas dire que tout se passe à N’Djamena, et ne pas tenir compte des avis de ceux qui vivent en dehors de la capitale ou du Tchad. Nous avons choisi de nous rapprocher de tout un chacun. On entend certains dire que de toute façon, la paix n’a pas de prix : eh bien, on ne peut pas affirmer certaines choses sans aller dans le fond de la réflexion.

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Quel est le budget global pour l’ensemble de cette initiative ?

J’éviterai d’enfoncer la polémique sur ce sujet. Bien sûr, la question financière est très importante mais est-ce que c’est cela la priorité ? Non, il ne faut pas se disperser. Certains estiment qu’il faut faire les choses d’une autre manière : on les fait comme on peut, il faut bien commencer par quelque part. D’ailleurs, je crois qu’une large partie de nos partenaires et de la population ont apprécié cette approche et c’est ce que j’en retiens… Le budget, c’est donc celui de la paix.

Enfin, un message à ceux qui disent que ce dialogue ne mènera à rien ?

La politique de la chaise vide n’a jamais servi à qui que ce soit, c’est surtout accepter que d’autres choisissent et agissent à sa place. Chacun a des positions qui lui sont personnelles et légitimes, que nous respectons d’ailleurs mais avant de dire que ce dialogue ne sert à rien, il faut d’abord essayer, et même si l’on essaie et que ça ne marche pas, il faut encore essayer. Rien n’est facile. Tout ce qui a du prix mérite et demande beaucoup d’abnégation, de persévérance et de renonciation. Cette question est tellement importante car on parle du Tchad que nous allons laisser à nos enfants, il faut donc participer à ces dialogues, discuter, écouter les points de vue des autres… Il n’y a pas de chemin tout tracé, souvent on doit s’écarter, emprunter le chemin de l’autre avant de revenir et corriger le sien : il faut donc être avec les autres pour construire car ce n’est pas le pays d’une personne.

Tchadanthropus-tribune avec Tchadinfos.

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