23 novembre 2021 #TCHAD #Dialogue inclusif : Le pouvoir acceptera-t-il les conditions du dialogue posées par les groupes armés ?
Le gouvernement multiplie depuis des mois les signes d’ouverture aux mouvements armés pour les inciter à participer à un dialogue national censé réconcilier les Tchadiens. Malgré cela et après les rencontres de Doha et de Paris avec le comité chargé de préparer l’événement, ces mouvements se disent « disposés » à prendre part à ces assises « sous certaines conditions ».
Les autorités tchadiennes ont beau promettre « des actions concrètes en matière d’amnistie, de libération des prisonniers de guerre, de restitution des biens et de réinsertion professionnelle », cela ne convainc pas jusqu’à ce jour les responsables des groupes armés. En effet, certains d’entre eux dont Timan Erdimi, le chef de l’Union des forces de la résistance, une alliance de plusieurs groupes rebelles, qui vit en exil au Qatar depuis une dizaine d’années, indiquent être disposés à participer au pré-dialogue et au dialogue national inclusif sous certaines conditions.
Selon Allamine Bourma Treyé, le chargé de communication du Comité technique spécial (CTS) chargé de préparer le dialogue, qui doit conduire à des élections présidentielle et législatives, les leaders des groupes armés demandent notamment « la libération de prisonniers de guerre, l’amnistie générale à tous les politico-militaires et la restitution de biens de rebelles saisis par le gouvernement ». « Nous sommes en train de travailler pour que les biens saisis soient restitués », assure-t-il.
A Paris, le CTS a échangé en ce mois de novembre avec une vingtaine de responsables de groupes armés, parmi lesquels des représentants du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), responsable de l’offensive au cours de laquelle le président Idriss Déby a été tué. Ce qui a permis à ce mouvement de donner ses conditions, particulièrement « l’arrêt définitif des répressions de toutes les manifestations pacifiques » et « la libération des prisonniers de guerre ». Des rencontres qui, selon le comité, se sont déroulées dans « une ambiance fraternelle », et elles ont été « fructueuses par la participation active et constructive de chacune des parties ».
La crainte d’un dialogue biaisé
Outre la France et le Qatar, les délégations du CTS se sont rendus dans plusieurs pays dont le Nigeria, le Sénégal, le Bénin et le Soudan pour échanger avec la diaspora. Elles ont aussi sillonné le territoire tchadien pour consulter les forces vives de la nation au sujet du dialogue tant attendu.
Les débats ayant porté sur la paix, la cohésion nationale, la justice, les droits de l’homme ou encore des sujets de société continuent d’être l’objet de commentaires nourris à travers le pays. Il convient de signaler que le grand absent de ces consultations est Wakit Tama, la coalition d’opposition et de la société civile qui conditionne sa participation à la modification de la charte de transition. « Les débats ont été houleux, mais francs », explique l’un des membres du comité d’organisation du dialogue, ajoutant que les préoccupations sont récurrentes, dont celles portant sur le fédéralisme et le recrutement au sein de l’armée nationale. Et tout compte fait, le comité assure que le rapport final est attendu à la fin de ce mois. Ce qui lui permettra de fixer la date exacte du dialogue avant de la soumettre au gouvernement.
Dans cette perspective, le Conseil de l’ordre des avocats dénonce des « manipulations et irrégularités » observées durant les consultations. Dans un communiqué, il évoque « un dialogue qui risque d’être biaisé ». Répondant à cette préoccupation, le vice-président du Comité d’organisation du dialogue national inclusif, Saleh Kebzabo, n’a eu de cesse d’affirmer que les conditions sont réunies pour la tenue d’un « bon dialogue ».
Ces assises pourraient se tenir avant fin 2021 bien que la position du pouvoir fût de ne pas négocier avec les groupes armés. « La pression de la communauté internationale qui continue d’injecter de l’argent dans les caisses vides de l’État, et veut un dialogue réel, a poussé le régime à s’ouvrir », relève Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques à l’université Paris-Nanterre.