À contre-courant d’une majorité de la classe politique tchadienne, Les Transformateurs, de Succès Masra, et la plateforme Wakit-Tama continuent de s’opposer au Conseil militaire de transition. Jusqu’où peuvent-ils aller ?

Les trois semaines qu’il a passées en mai et en juin dans les maisons d’arrêt de N’Djamena puis de Klessoum, à dix kilomètres de la capitale, n’ont en rien entamé la détermination de Max Loalngar. Loin de là. Le porte-parole et coordonnateur de la coalition Wakit-Tama assure en effet être déterminé à lutter contre « la prise et la conservation du pouvoir par les armes », et ce « au péril de [sa] vie ». Dans son viseur, le Conseil militaire de transition (CMT), dirigé par Mahamat Idriss Déby Itno.

Manifestation contre la France

Le 14 mai, des centaines de Tchadiens sont descendus dans les rues de N’Djamena à l’appel de cette coalition d’organisations de la société civile pour dire « non » à la politique française au Tchad. « C’était une mobilisation exceptionnelle pour nous. C’est la France qui a installé ce régime sous prétexte que notre pays était une exception. Eh bien, nous n’en voulons pas ! » explique Max Loalngar, que nous avons rencontré à la fin de juin, juste après l’assemblée générale de son mouvement, dans les locaux de l’Union des syndicats du Tchad (UST).

Ce même 14 mai, des dizaines d’autres manifestants se sont attaqués à ce qui leur paraissait être des intérêts français, brûlant des pneus sur la chaussée, détruisant au passage les installations de sept stations-service Total… Des débordements qui ont conduit à la condamnation de six leaders de Wakit-Tama à douze mois de prison avec sursis et au versement de 10 millions de F CFA (environ 15 000 euros) de dommages et intérêts. Les accusés ont eu beau affirmer que les casses se sont produites « en dehors de la marche » de Wakit-Tama, la justice les a sanctionnés, mais libérés.

« Gouvernement de décor »

Depuis plus d’un an, multipliant les marches (autorisées ou pas), Max Loalngar et les leaders de la coalition Wakit-Tama sont, à l’instar de Succès Masra et de son mouvement Les Transformateurs, en première ligne pour contester le CMT, auquel ils demandent de se retirer de l’exécutif.

Dès l’annonce par l’armée tchadienne, le 20 avril 2021, du décès d’Idriss Déby Itno et de la création d’un conseil militaire de transition dirigé par Mahamat Idriss Déby Itno, Masra s’est positionné « contre », déclinant ensuite les appels à rejoindre le gouvernement formé le 2 mai suivant. Un « gouvernement de décor », selon ses termes, qui, en juin 2021, a cependant officiellement reconnu Les Transformateurs en tant que parti politique. Une légalisation que le mouvement attendait depuis sa création en 2018.

Capacité de mobilisation

Comme une forme de défi, Masra a donné l’occasion d’évaluer son poids politique, en organisant le premier rassemblement des Transformateurs, le 8 janvier 2021, au stade Idriss-Mahamat-Ouya de N’Djamena. Un rassemblement qui a réuni des milliers de militants et de sympathisants. Et c’est fort de cette capacité de mobilisation que le président des Transformateurs a posé des conditions à sa participation au dialogue national inclusif. « Nous demandons trois choses simples, nous expliquait Succès Masra avant le début du dialogue. Que nous nous entendions en amont sur l’agenda, sur les critères d’objectivité et sur les critères d’une participation juste, équilibrée et représentative. » Ledit dialogue a finalement été lancé le 20 août et son mouvement a refusé d’y participer.

Les Transformateurs et Wakit-Tama peuvent-ils inverser le rapport de force ? « Notre plus important levier pour faire entendre notre voix, c’est le peuple, répond Masra. Ce peuple veut un changement, il veut décider de son avenir. Le meilleur choix qui s’offre au pouvoir militaire est d’entendre cela et de transmettre le pouvoir à une équipe qui sera élue par les Tchadiens. »

Tchadanthropus-tribune avec Jeune Afrique

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