Kakanie dans une vie troublée : « Il rendait tout le monde heureux dans la famille. Il respirait la joie de vivre. »

Depuis 2019, Kakanie vit un véritable cauchemar : cette année-là, son frère Aggari a été arrêté et détenu prisonnier, soupçonné d’avoir comploter contre le Gouvernement Tchadien. Elle se souvient du moment où, alors qu’elle passait devant la porte de l’une des pièces de la maison familiale où Aggari passait le plus assez de son temps, elle a eu soudainement une horrible sensation, comme si quelqu’un jetait son corps devant elle.

Après avoir tenté de repousser son instinct et d’arrêter d’imaginer le pire, elle a découvert trois mois plus tard, que ses peurs étaient fondées.

À la recherche de la vérité!

Kakanie a perdu Aggari dans la violence qui a marqué le début de la guerre terroriste au Bassin du lac Tchad. Son histoire tragique ressemble à celle de milliers d’autres personnes ayant perdu leurs proches à la suite de disparitions forcées, de détentions, d’actes de torture ou de meurtres au cours de ce conflit sanglant qui dure depuis presque dix ans.

Aggari, qui était forgeron, avait rejoint le comité autodéfense en 2018, au début de la guerre. Il avait 31 ans. Il recueillait des informations sur les violations des droits de l’homme commises par le Gouvernement et avait même contribué à la création d’une organisation dans ce but : la voie des victimes. À cause de ces activités, il avait été arrêté et torturé une première fois, avant d’être à nouveau détenu et de trouver la mort.

Aggari est décédé le 11 novembre 2019, après avoir été roué de coups et torturé.

« Je n’ai jamais pu récupérer son corps, ni ses affaires », explique Kakanie. « La seule chose que j’ai reçue, c’est son certificat de décès. »

À la recherche de la véritéÀ la recherche de la vérité

Si le nombre exacte n’est pas connu, on estime qu’au moins des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants au lac Tchad ont été victimes de disparition forcée, de détention, d’enlèvement, ou ont tout simplement disparu aux mains du Gouvernement, de groupes armés et de groupes terroristes opérant au bassin du lac Tchad depuis le début du conflit en 2013.

Comme Kakanie, de nombreuses familles ont reçu des informations confirmant le décès des victimes, mais des milliers d’autres vivent encore dans la peur et l’incertitude, ne sachant pas si leur proche reviendra un jour.

« Le crime de disparition forcée a un impact considérable sur les droits de l’homme, non seulement pour les personnes disparues, mais aussi pour leurs proches », explique Abdelaziz ABAKAR, conseilleur du Commission Nationale de Droit de l’Homme (CNDH). « Les victimes de disparition forcée sont pour ainsi dire privées de tous leurs droits, y compris de leurs droits à un procès équitable et à une procédure régulière, tandis que leurs proches subissent des violations persistantes de leurs droits, allant du statut juridique non défini à la discrimination et à la stigmatisation sociale, en passant par les droits à un niveau de vie suffisant et à une éducation adéquate ».

Pour soutenir ces familles au quotidien, l’équipe du CNDH les aide à obtenir une assistance psychologique et juridique. Elle les aide également à plus long terme à adopter des stratégies leur permettant de déposer des plaintes publiques pour exercer leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation.

Ahmat Mahamat Ahmat

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