Lol Mahamat Choua (LMC) est connu par la plupart des Tchadiens à cause de son engagement politique depuis plus de 2 décennies. Qui est-il ? Quel est son parcours ? Où ses choix politiques ont mené son parti, le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès (RDP)? Pourquoi est-il resté silencieux après son arrestation et celui de l’opposant disparu Ibni Oumar, lors de l’attaque rebelle de la capitale, en février 2008?  Enquête.

 


Lol Mahamat Choua est né en 1939 à Mao, dans la région du Kanem. Jadis, cette ville, à la porte du désert, était le centre administratif de tout le grand nord. Elle est aussi une ville chargée d’histoire. Après ses études, il est recruté comme agent à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Durant les années troubles 1979-80, il flirte avec le Mouvement Populaire pour la Libération du Tchad (MPLT). C’était l’époque des multiples tendances politico-militaires à connotations tribales ou régionales. Le régime militaire du Conseil Supérieur Militaire (CSM) du général Malloum, s’écroule. La confusion est totale. La conférence de Kano I est vite organisée. A la surprise générale, LMC passe président de la république. Deux mois plus tard, un autre sommet est organisé : Kano II. Il est, cette fois-ci, poussé à la démission sous la pression de la Libye et du Nigeria.

 1981 : Lol Mahamat Choua s’envole pour la France où il poursuivra ses études à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP).

 1982 :L’ex-président Hissein Habré arrive pouvoir. LMC est nommé ministre des Transports. Et rentre, plus tard, au Comité central du parti unique, l’Union nationale pour l’indépendance et la révolution (Unir).


Décembre 90: le président Deby Itno s’empare du pouvoir. LCM est désigné Maire de la ville de N’Djamena. Le multipartisme est autorisé par le nouveau pouvoir. Au bord du fleuve Chari, N’Djamena flotte dans une effervescence démocratique. Les médias animent la vie politique. La parole se libère. Les ambitions aussi. Des intellectuels et certains ex-barons de l’Unir se concertent. Ils courtisent LMC pour sa notoriété. Et pour sa facilité d’accès aux tribunes internationales. Ils créent le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès (RDP). Ils confient la présidence de ce parti à LMC.


Le RDP gagne vite en popularité. Face à cela, le pouvoir s’agite. « Le RDP d’antan était une succursale de l’ancien parti unique, l’Unir. La plupart des cadres de ce parti sont des ex-Habreiste qui ont refusé d’entrer dans le Mouvement Patriotique du Salut (MPS, parti au pouvoir) », affirme encore aujourd’hui un proche du président tchadien. Alors que pour les anciens fondateurs du RDP, cette accusation est fausse. « D’ailleurs, la majorité des anciens de l’Unir ont rejoint le MPS. Tout le monde sait que le RDP faisait peur au régime, à cause de sa popularité et de son impeccable organisation »,  dit un ex-dirigeant en exil. Il ajoute, « Le problème du parti était Lol. Il n’est pas un politique. C’est une espèce de notable à la recherche du consensus permanent. Il aime le compromis. Et de compromis en compris, il a plongé le RDP dans la compromission. », Dit-il.

 

Plusieurs ex-cadres du RDP ont affirmé au Miroir, que le pouvoir MPS a très vite compris cette faiblesse de LMC. Il était, disent-ils, plus porté au compromis boiteux, aux alliances floues, qu’aux combats politiques. Alors, le MPS a adopté une stratégie en 2 temps. Elle consiste, dans un premier temps, d’impliquer ce nouveau parti dans la gouverne du pays. Et du coup le rendre aussi comptable des actes du pouvoir. Et, dans un deuxième temps, en cas de refus : débaucher les cadres et asphyxier les financiers du parti.

 

Un ex-cadre raconte par exemple, qu’en avril 1992, la présidence tchadienne a demandé au RDP d’entrer dans le gouvernement Joseph Yodemane. Après, un débat animé à l’interne, la majorité des membres influents répondent aux émissaires du président : « D’accord. Mais sous quel programme allons-nous gouverner ensemble? » Une manière polie de dire non. Cette réponse alambiquée du RDP a irrité la présidence.

Suite à cela, la stratégie du débauchage et de l’asphyxie financière s’est mise en marche. Les grands commerçants, financiers du parti, ont été ciblés. Et écartés de tous les marchés publics. Plusieurs cadres du parti ont été débauchés. Le RDP a commencé à péricliter.

 

Bien avant cette phase, plusieurs membres influents ont commencé à prendre leurs distances du parti. « On voyait que les décisions du chef Lol nous menait vers un précipice. Il a commencé par s’entourer des membres de sa famille, des ses co-régionnaires etc. Le jour, LMC dit se battre pour le RDP. La nuit, il dit au MPS vouloir collaborer. Il avait un double discours. Entre les tricheries du MPS et les atermoiements du chef, l’espoir qu’incarnait le RDP a pris un coup. C’est le début de la descente aux enfers », affirme un militant rallié au parti au pouvoir.

Pour plusieurs militants, l’alliance du RDP avec le MPS aux dernières élections législatives, présidentielles et locales a fini par entacher le peu de crédibilité qui restait au parti. « Figurez-vous, le RDP n’a même pas osé présenter un candidat à la dernière élection présidentielle. C’est pathétique », dit un membre du parti.

Interrogé par Le Miroir, plusieurs N’Djamenois soutiennent, avec un brin d’ironie que le RDP n’existe plus. Il s’est presque dissous dans le MPS. « Le RDP n’est qu’une pâle copie du MPS. Vaut mieux l’original », dit un militant.

 

De plus, plusieurs Tchadiens reprochent à LMC son mutisme sur l’attaque rebelle de février 2008. Son silence sur la disparition du professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh. Pas un mot, non plus, sur sa propre arrestation. Des sources proches de la présidence disent qu’il a été malmené. « Si LMC expliquait les conditions dans lesquelles son arrestation et sa détention se sont passées, ça aurait pu, peut-être, éclairée le cas de la disparition du professeur Ibni. Son silence est une grande lâcheté », dit le chef d’un parti de l’opposition. Vrai ou faux ? Le président du RDP soit-il quelque chose sur la disparition du professeur Ibni? Cette question exaspère son entourage. « Il est absolument faux. Et choquant de laisser entendre que le président Lol sait quelque chose », dit un de ses lieutenants politiques. « Tous ceux qui distillent des affirmations aussi graves, aussi délirantes, sont irresponsables. S’ils ont des preuves qu’ils les montrent. C’est scandaleux », conclut-il.

 

Toujours est-il que des nombreuses personnalités publiques affirment sous le couvert de l’anonymat que LMC a monnayé son silence. Et s’est fait promettre le siège de la présidence de l’Assemblée nationale. « Egal à lui-même, le président Deby Itno, après son élection n’a pas respecté cette entente », dit un imminent membre du parti au pouvoir. LMC a, semble-t-il, très mal accepté cette nième promesse non tenue.

 


Bello Bakary Mana

 

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