La directrice de la major américaine est mise sous pression par le parquet tchadien qui lui reproche d’avoir cantonné une partie des indemnités dues à des ex-salariés. ExxonMobil s’en défend et précise qu’elle n’a fait que respecter les injonctions de saisie.

« Dénonciation de menaces avec demande de protection. » L’objet de la lettre adressée le 8 septembre par la patronne d’Esso Tchad (filiale d’ExxonMobil), Cécile Rauline, au ministre tchadien de la justice Mahamat Ahmat Alhabo, est sans équivoque. Elle y indique faire l’objet de menaces par le procureur général près la Cour d’appel de N’Djamena, non cité nommément dans le courrier, Guiralta Yadjibert.

Celui-ci lui avait fait parvenir la veille, le 8 septembre, une convocation l’invitant à se présenter « elle-même, en personne » devant le procureur, sous peine d’être poursuivie « conformément aux dispositions de l’article 139 du code pénal ». Cet article « condamne le refus de répondre à une convocation à un emprisonnement de 15 jours à 3 mois », précise Cécile Rauline dans sa lettre au ministre, ajoutant tout ignorer de l’infraction justifiant sa convocation.

Imbroglio dans le dossier TCC

En plein désengagement au Tchad, ExxonMobil tente depuis des mois de boucler la cession de ses actifs à Savannah Energy. Mais plusieurs dossiers ralentissent son départ définitif du pays, notamment le versement d’indemnités aux ex-salariés de sa filiale de construction Tchad Cameroun Constructor (TCC, AI du 20/06/22). Ce paiement est au centre du conflit entre ExxonMobil et le procureur. La major avait été condamnée en octobre 2020 à débourser 10,5 milliards de francs CFA (16,1 millions d’euros) à ses ex-salariés. Fin août, une grande majorité de cette somme, soit 10,1 milliards de francs FCA, avait été transférée par ExxonMobil sur le compte de l’huissier Hisseine N’Garo. Dans sa lettre, Cécile Rauline précise que la somme restante, soit 471 millions de francs CFA, a été « régulièrement cantonné par EEPCI suite à un procès-verbal de saisie conservatoire de créances », présentée le 5 août par un autre huissier, Félix Djounfoune Golbassia. Selon nos informations, ce montant correspondrait à l’argent emprunté par les salariés de TCC pour régler leurs frais de justice, mais ces derniers – ainsi que le premier huissier – contestent la validité de cette saisie.

Or c’est précisément ce reliquat qui est, selon ExxonMobil, à l’origine de la convocation du procureur. « EEPCO n’avait pas d’autres choix que d’opérer ce cantonnement, sous peine de s’exposer à une condamnation des causes de cette saisie », se défend Rauline, qui précise que cette affaire relève purement du contentieux et de l’exécution, et non du pénal. « Nous ne pouvons donc comprendre la convocation du procureur général, qui ne se justifierait que dans le cadre d’une procédure visant une infraction passible d’une peine pénale », conclut-elle, en demandant au ministre de « faire cesser ces menaces extrêmement sérieuses ». Contacté, ExxonMobil n’a pas répondu à nos sollicitations.

Africa intelligence

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