Ça semble être le cas. En nommant et pointant certaines pratiques du doigt, le tout nouveau ministre de la jeunesse et des sports, donne sans complexe, le ton. Il entre de manière fougueuse reconnue à cette catégorie d’âge, sur la scène médiatique, en déclenchant une tempête inattendue, dans le monde du sport tchadien, déjà asphyxié par ses multiples difficultés.
Le maréchal du Tchad a fait le bon choix salutaire. Car, confier directement les clés du département de la jeunesse et des sports à un jeune est, cette fois-ci, plus logique que tous les beaux discours sur « la jeunesse fer de lance ». Certes, c’est une lourde responsabilité qui va peser sur les épaules du benjamin de l’équipe gouvernemental. Mais, ce choix risqué ne peut tenir que s’il est appuyé personnellement par le maréchal, et soutenu sincèrement par ses ainés et collègues ministres.
Peu connu du grand public, M. ROUTOUANG Mouhamed NDonga Christian est, jusqu’à sa nomination au poste de ministre de la jeunesse et des sports, un jeune chef d’entreprise. Propulsé brusquement au devant de la scène publique, il n’a pas d’autres choix que de prendre à bras le corps sa nouvelle mission, comme en témoigne les premières initiatives :
– Effectuer personnellement une tournée dans les régions de la zone méridionale,
– Lancer une mission d’évaluation des infrastructures sportive existante,
– Prendre 2 arrêtés ministériels : portant statut type des fédérations nationales et associations, sportive (027) ; portant statut des sportifs de haut niveau et d’élites (028), malgré l’absence des décrets d’application de la loi n°026 en ses articles 28, 29,37 et 38,
– Élaborer un plan d’actions en 10 points.
Les difficultés rencontrées et les doléances enregistrées, tout le long de la mission effectuée dans les régions de la zone méridionale du pays, doivent l’édifier sur la tache qui l’attend. Cette dernière est confirmée avec les résultats décevants des SAO football, en matches de préparation contre le Soudan. Ainsi, après avoir pris la mesure de la situation, il ne lui reste qu’à retrousser les manches et se jeter dans le bain. C’est bien ce qu’il fit, avec cette sortie qui semble surprendre. Une sortie qui démontre sa volonté de prendre « le taureau par les cornes », une promesse non tenue jusque là, du président DEBY, faite lors de la pose de la 1ère pierre de construction du stade de Mandjafa.
« Le monde du sport en général et le football en particulier est rempli de mafieux qui n’ont aucune notion de patriotisme et d’intérêt de la Nation Tchadienne. Ils sont souvent prétentieux et se disent ayant les « bras long » et prêt à réduire l’autorité du Ministre au néant », disait-il. Ces propos, rapportés par plusieurs journaux en ligne, sonnent comme un avertissement adressé à ceux qui, dans le football ou dans le reste du mouvement sportif tchadien, doivent se reconnaître.
Malgré leur caractère provocateur, ces propos ne sont pas nouveaux. Ils ont défrayé les chroniques des médias internationaux, avec les scandales qui ont secoué le monde du sport, en Afrique et ailleurs dans le monde. Les pratiques qualifiées de mafieuses, sont dénoncées pas seulement au Tchad, mais également dans les instances sportives internationales. La FIFA a été secouée avec le scandale de l’attribution de la coupe du monde 2022 au Katar. Il en est de même de la fédération internationale d’athlétisme (FIA), avec l’affaire du dopage des athlètes russes, visant directement l’ancien président qui vient d’être condamné pour faits de corruption.
La tempête déclenchée sur les réseaux sociaux a suscité ça et là plusieurs réactions, ressenties comme une offense, par certains, et un acte courageux par d’autres, en majorité jeunes. Que la fédération tchadienne de football association (FTFA) et certains de ses membres peuvent se sentir indexés, ne doit pas surprendre.
Pour tout observateur qui suit les actions que mène la FTFA, hormis celles relevant du programme de la FIFA et financé par celle-ci, il est difficile de discerner les siennes propres et leurs impacts dans le football tchadien. L’organisation des championnats nationaux des jeunes de 15 et 17 ans, qualifiés de 1ers du Tchad, n’est qu’une opération de charme de plus, sans lendemain comme il y en a eu tant d’autres avant, inscrite dans le programme Forword de la FIFA. Tout comme celle des seniors, gérée par LINAFOOT et soutenue aussi fortement par la FIFA dont la pérennité est tributaire.
A court d’imagination, la FTFA persiste dans son incapacité à suivre l’évolution que prône la FIFA. Elle donne l’impression de refuser toute innovation et continue de faire endormir les amoureux du football, et ce à la veille de sa prochaine AG élective, prévue en décembre 2020. L’envoi sur le plateau de 20 heures de télé Tchad, de son directeur technique national (DTN), pour tenter de justifier les échecs des SAO contre le Soudan, mais aussi les difficultés qui expliquent que le football tchadien va mal, et plaider la cause auprès des plus hautes autorités du pays, est simplement une dérobade qui ne l’honore pas et pèsera dans le bilan en fin de mandat.
En secouant le cocotier, le ministre a osé, comme il est souvent demandé à la jeunesse. Il a exprimé haut ce que d’autres pensent toujours lâchement tout bas, même s’il ne peut être assuré de rien du lendemain. En décidant courageusement de ne pas renouveler le contrat de l’entraineur français des SAO football, il montre au maréchal et à ses ainés du gouvernement, le chemin du respect et de l’application du serment confessionnel, prononcé devant lui et devant la nation.
Après cette décision de ne pas renouveler le contrat d’Emmanuel TREGOAT, le ministre et la FTFA doivent se mettre ensemble et envisager l’après. Rien n’est fatal, il faut trouver une solution pour terminer le restant des matches. Des solutions existent, quelque soit le résultat final. Des techniciens de qualités, il y en a, même s’ils ne sont pas légion. Tout est une question de responsabilité, de soutien et surtout de confiance. Le directeur technique doit arrêter de justifier l’injustifiable, comme il l’a fait aussi dans l’émission « le débat de télé Tchad », et sortir de son fauteuil de bureaucrate pour prendre la tête de l’encadrement des SAO pour terminer la campagne africaine.
Les défis à relever sont nombreux. Mais, comme pour tout entrepreneur, le ministre ne peut viser que des objectifs réalisables, à court et moyen terme. L’ordre qu’il a commencé à établir, ne doit pas se limiter au football qui verra sa situation clarifiée avec son AG élective. Mais, au-delà de l’aspect visible des contradictions au sein du mouvement sportif, il pourrait aussi se préoccuper du fonctionnement à l’intérieur de son propre ministère. Le départ à la retraite de certains cadres techniques qualifiés et expérimentés, a laissé un vide, souvent comblé par un personnel peu ou non expert. Clarifier et préciser les missions des services, y compris celles des institutions sous tutelle comme l’INJS et l’ONAJES, rendraient plus lisibles l’action et la politique du ministère.
Toutes les réactions favorables ou non soulevées, accentuées par le parcours chaotique de préparation des SAO pour leur prochaine confrontation avec la Guinée, indiquent que le jeune ministre est sur la bonne voie. Quant au reste, c’est une question de temps et de courage. On dit bien que pour faire des omelettes, il faut casser les œufs. Puisqu’il a commencé, il lui faut continuer le reste, pour réussir un gros plat délicieux consommable par tous.

BANGALI DAOUDA Boukar

Ancien professeur de sport

Bureau d’Etude et Conseils en Sport

Email: b.daouda87@yahoo.com

Tel : +336 13 82 96 26

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