Quelques jours avant les élections législatives, la rétrocession de la base militaire de Faya aux forces de défense et de sécurité tchadiennes marque une nouvelle étape du désengagement forcé de la France au Sahel. Les diplomates l’assurent : il n’y a pas de fâcherie.

Partager un suprême de volaille jaune des Landes aux morilles et un gratin dauphinois avec les troupes françaises de Djibouti a-t-il permis à Emmanuel Macron de noyer un blues africain qui n’est pas seulement nourri de la tragédie mahoraise ? Si les réveillonneurs ont généralement la gueule de bois le 25 décembre, le président français avait sans doute déjà des céphalées, avant Noël, en scrutant ce qu’il reste à la France de bases militaires en Afrique. En passant en revue le complexe dispositif de Djibouti, Macron avait certainement des pensées pour les destinations sahéliennes compromises et, plus récemment, les déconvenues du côté de Dakar ou N’Djamena.

L’année qui s’achève aura notamment été marquée par la dénonciation par le Tchad, le 28 novembre dernier, de l’accord de coopération militaire avec la France. Une décision censément moins conflictuelle que celles des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), mais presque aussi exigeante en termes de chronogramme. Le 10 décembre, plusieurs Mirages stationnés à la base aérienne de N’Djamena avaient donné le coup d’envoi du retrait français, en décollant du Tchad pour rallier la France. Le 20 décembre, une première unité de 120 militaires français avait quitté N’Djamena.

Une base après l’autre

Ce jeudi, moins d’un mois après le coup de théâtre militaro-diplomatique, c’est la base militaire française de Faya qui était officiellement rétrocédée aux forces de défense et de sécurité tchadiennes. Comme annoncé par l’état-major général local des armées, une cérémonie de passation s’est tenue à l’aéroport, en même temps qu’un Antonov 124 décollait de la capitale avec, à son bord, plus de 70 tonnes de matériel français. Les autorités militaires du Tchad ont indiqué qu’elles communiqueraient bientôt sur les modalités de transfert des autres bases importantes d’Abéché et de N’Djamena.

Le retrait en cours met fin à une présence militaire française depuis l’indépendance du Tchad. Si la France avait bien prévu de réduire ces effectifs en Afrique, elle a été prise de court par l’allié tchadien dont le territoire constituait un maillon privilégié de sa présence militaire sur le continent.

Du militaire au politique

En écho aux informations militaires, les politiciens dédramatisent en arrondissant les angles. Si le ministre tchadien des Affaires étrangères qualifie ce processus de désengagement de « tournant historique », 66 ans après la proclamation de la République, Abderaman Koulamallah affirme que ne sont nullement remises en cause « les relations historiques et les liens d’amitié entre les deux nations ».

Alors qu’Emmanuel Macron rongeait un frein déjà malmené sur l’échiquier politique franco-français, Mahamat Idriss Déby Itno prononçait un discours plein d’emphase, à l’occasion de son élévation au rang de maréchal du Tchad. Manifestement gonflé à bloc dans son uniforme d’où l’on croyait surgir son père, le quadragénaire s’est attardé sur son parcours personnel qu’il affirme « légaliste et républicain », validé par les urnes et une large majorité au sein du Conseil national de transition (CNT). Ce dimanche, des élections législatives, provinciales et locales viendront compléter le tableau de la « nouvelle » donne politique tchadienne.

Jeune Afrique

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