« Plus ça change, plus c’est la même chose », écrivent Peter Fabricius et Liesl Louw-Vaudran sur All Africa (1).

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« Depuis des décennies, poursuivent les journalistes, les gouvernements français promettent, la main sur le cœur, que la tristement célèbre politique d’intervention militaire pour soutenir des dirigeants africains ‘peu recommandables’ et ‘peu démocratiques’ est une chose du passé. »

Une politique africaine dominée par l’hypocrisie

Le président Macron a été clair et convaincant : les choses ont changé, il n’y aura plus d’intervention française pour sauver des dictateurs.

Preuve de son engagement fort, il a ordonné début février à une patrouille de Mirage 2000 de bombarder pendant 4 jours un convoi de 40 camions venant de Libye et transportant des rebelles dans le Nord-est du Tchad, qui avait déjà parcouru 400 km en territoire tchadien en direction de la capitale (2).

La mission ne consistait pas à combattre le terrorisme comme l’opération Barkhane au Mali contre les islamistes. C’était une intervention de la France pour protéger Déby, un dictateur vieillissant, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, d’un autre coup d’Etat.

Protéger le président Idris Déby, c’est la façon de la France de « réduire son ingérence dans la politique intérieure africaine » ! Triste clownerie – sauf pour Déby et les intérêts français, évidemment…

L’attaque de « non ingérence » a détruit 20 camions, tué un grand nombre de rebelles, et permis à l’armée tchadienne de capturer environ 250 combattants de l’Union des forces de résistance menée par Timane Erdimi, un neveu désenchanté du président, et financé par le Qatar, avec qui le président Déby a rompu les relations diplomatiques en 2017 et expulsé les diplomates.

La France a perdu son âme en Afrique

Notons à ce stade que ceux qui tentent depuis 2017 de renverser le président Déby ont utilisé les mêmes méthodes qui ont non seulement mené Déby au pouvoir en 1990, mais tous les présidents avant lui avec l’aide française. En 1990, Déby saisissait le pouvoir à la tête d’un convoi de 300 pick-up Toyota qu’il menait à travers le désert pour prendre N’Djamena, la capitale du Tchad.

Aucun président tchadien n’a survécu seul. Depuis l’accession du Tchad à l’indépendance, les Français ont traditionnellement soutenu ceux qui sont au pouvoir jusqu’au moment où les rebelles envahissent la capitale et où le Président s’est enfui ou a été tué. Il n’y a jamais eu de changement à la Présidence par des élections libres, seulement une succession par la capture du drapeau.

Notons encore que l’année dernière, alors que Déby approchait de la fin de ce qui avait été son dernier mandat constitutionnel autorisé, le Parlement tchadien a révisé la Constitution avec la bénédiction de la France pour lui permettre de conserver son poste jusqu’en 2033.

Notons surtout, et c’est plus important encore, que les frappes françaises du début du mois sont l’aveu tacite du peu de progrès réalisé après des décennies de soutien à ceux qu’on appelle d’un voile pudique les « hommes forts » sahéliens.

La stérilité de la bassesse morale du Quai d’Orsay, qui a honteusement fermé les yeux sur les abus que ces dictateurs ont commis pour protéger ses avantages tactiques à court terme, limiter l’influence soviétique, et maintenir son accès à des mines très rentables, signe que la France ne s’est pas départie de son esprit néo-colonial.

Conclusion

Des interventions militaires en passant par le contrôle fortement suspect de la monnaie locale (Franc CFA), d’où vient la couardise qui incite les fonctionnaires du Quai d’Orsay à cacher leur vision paternaliste et arrogante de leur mode opératoire en Afrique ? Pourquoi cette lourde tendance sournoise et hypocrite vis-à-vis du monde africain ? Et méprisante à la fois.

La conscience de son propre racisme n’est possible à gérer qu’en le cachant pour éviter la honte, je sais. Les dirigeants africains qui ne croquent pas ont les réponses. Mais ils subissent impuissants. Ils n’ont probablement pas loisir de s’exprimer publiquement.

https://www.dreuz.info/2019/02/27/larmee-francaise-au-tchad-ou-larrogance-neo-colonialiste-du-quai-dorsay/

Dreuz-info

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