L’organisation patronale française, le Medef, veut se repositionner sur les grands contrats. Mais les groupes français accusent un retard sur les firmes turques et italiennes.

L’organisation patronale française Medef (Mouvement des entreprises de France) ne veut pas manquer le coche de la reconstruction du pays en Libye. Alors que le climat des affaires bénéficie d’une embellie depuis la mise en place du gouvernement d’union nationale (GUN) d’intérim en février, le Medef veut rattraper son retard face à l’activisme des groupes étrangers. L’organisation a ainsi organisé une rencontre avec le Premier ministre libyen Abdulhamid al-Dabaiba à l’occasion de sa rencontre avec Emmanuel Macron, le 1er juin à Paris.

DEPUIS LA CHUTE DE MOUAMMAR KADHAFI EN 2011, LES SOCIÉTÉS FRANÇAISES SONT RESTÉES EN RETRAIT

Accompagné d’une délégation de haut vol, al-Dabaiba s’est rendu pour quelques heures dans le 7e arrondissement, au siège du Medef. Étaient présents le ministre de l’Économie, Mohamed Hwej, de la Santé, Ali Al Zanati, des Transports, Mohammed Salem Al-Shahoubi, et du Pétrole et du gaz, Mohamed Aoun.

Du côté de l’organisation patronale, c’est Patrick Kadri, président directeur général de Vinci Construction Grands Projets et président du Conseil d’entreprises France–Libye, qui a piloté la réunion. Elle comptait une quinzaine de représentants des grands groupes français, dont Vinci, Total, Denos et Sanofi. Les échanges ont porté sur le marché de la reconstruction en Libye, principalement sur les secteurs de la santé, de la logistique aéroportuaire et portuaire, et de la sécurité.

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Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les sociétés françaises sont restées en retrait sur le marché libyen. Et le soutien apporté par Paris au général Khalifa Haftar en 2019 avait compliqué les affaires des groupes tricolores en Tripolitaine.

Malgré quelques velléités d’organiser de nouvelles rencontres sur place, la dernière réunion du Medef dans le pays remonte à 2012. Mais l’élection en février du GUN présidé par Abdulhamid al-Dabaiba et du président Mohamed El Menfi a ravivé l’espoir d’une sortie de crise. Le lancement de la politique de reconstruction du pays, ravagé par plusieurs années de guerre, a aiguisé les appétits internationaux pour les futurs grands contrats. Abdulhamid al-Dabaiba a annoncé vouloir allouer 22 milliards de dinars du budget pour les projets et le développement.

Concurrence turque

Mais sur le terrain, les firmes françaises risquent de peiner à peser face à l’offensive musclée des entreprises turques et italiennes. Parrain de l’ex-gouvernement de Fayez al-Sarrajj, avec lequel il a signé un accord de coopération maritime et militaire fin 2019, Ankara a poursuivi la consolidation de ses relations commerciales avec Tripoli et annoncé le retour des sociétés turques en avril dernier. Ankara bénéficie aussi de sa proximité avec Abdulhamid al-Dabaiba. Puissant homme d’affaires de Misurata, celui-ci a longtemps fait des affaires en Turquie.

LIÉE HISTORIQUEMENT À LA LIBYE PAR SON PASSÉ COLONIAL, L’ITALIE VEUT RETROUVER SON INFLUENCE

La veille de sa visite à Paris, Abdulhamid al-Dabaiba a fait escale en Italie, également à l’œuvre pour décrocher des contrats dans le programme de reconstruction. Il y a échangé avec le Premier ministre italien Mario Draghi sur la relance des investissements et la réactivation de l’accord de 2008, signé entre Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi et prévoyant la mise en œuvre de grands projets de construction. Liée historiquement à la Libye par son passé colonial, l’Italie veut retrouver son influence, atrophiée par celle de la Turquie et de la Russie depuis leur implication sur le terrain libyen en 2019.

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Les firmes égyptiennes sont également dans les starting-block. L’Égypte, qui avait soutenu l’offensive de Khalifa Haftar lancée en avril 2019 sur la capitale, s’est rapprochée du nouveau gouvernement avec lequel elle entend développer sa coopération. Le Caire s’est ainsi empressé de signer le 20 avril plusieurs mémorandums d’entente à Tripoli dans divers secteurs (électricité, infrastructures, santé…)

Horizon incertain

Malgré cette vague d’optimisme, les sociétés tricolores restent soucieuses de l’issue des élections présidentielle et législatives prévues le 24 décembre. Un homme d’affaires opérant en Libye déplore le manque de stabilité : « Tout le monde attend de voir ce qui va émerger des élections, dont la tenue n’est elle-même pas certaine. Personne ne veut s’investir avant décembre et pour le moment, tout est bloqué. »

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De fait, le processus pour l’organisation de l’élection est toujours en négociation et fait les frais des divergences entre les partisans d’un système présidentiel et ceux qui préfèrent un système parlementaire, tandis que la révision de la Constitution fait également toujours débat.

Du côté du Medef lui-même, il est difficile de se prononcer sur l’envoi d’une délégation à Tripoli dans les prochains mois. Toutefois, une visite sur place avant l’élection de décembre serait à l’étude.

Jeune Afrique

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