L’intervention militaire tchado-française visant à neutraliser une colonne de rebelles suscite la polémique au sein de l’opposition démocratique. Celle-ci accuse la France de violer le droit international dans le but de sauver un régime très peu recommandable au Tchad.

Selon le secrétaire général du Parti pour les Libertés et le Développement (PLD), Mahamat Ahmat Alhabo, « de De Gaulle jusqu’à Macron, la politique de la France au Tchad qui consiste à soutenir des dictateurs contre le peuple tchadien, n’a pas changé ». Alhabo affirme qu’il n’appartient pas à la France de venir soutenir un régime dictatorial contre lequel les tchadiens luttent. 

Alwihda Info : L’aviation de l’armée française est intervenue pour disperser une colonne rebelle. Quelle est votre réaction ? 

Mahamat Ahmat Alhabo : Je suis au regret de constater que la France a toujours soutenu les dictatures contre le peuple. Ça a commencé depuis les évènements de Magalmé en 1966 d’où est issu le Frolinat, jusqu’aujourd’hui. L’armée française était descendue à l’époque sur le terrain pour se battre physiquement contre des rebelles. On a envoyé même des contingents composés de recrues pour se battre sur le terrain, dans le but de sauver l’ancien régime du Tombalbaye. Tout le monde sait comment cela a fini. C’est le même système qui a continué et qui continue malheureusement jusqu’aujourd’hui. Depuis De Gaulle jusqu’à Macron, la politique de la France qui consiste à soutenir de dictateurs contre le peuple tchadien, n’a pas changé. 

La France aurait-elle dû s’abstenir d’intervenir ? 

Dans cette affaire, la France viole le droit international parce qu’il s’agit d’un problème interne qui oppose une rébellion tchadienne contre un gouvernement tchadien. De quoi se mêle la France pour venir bombarder des tchadiens qui se battent entre-eux ? Nous avons choisi la lutte démocratique. Nous, nous sommes dit qu’il faut que le Tchad devienne un état civilisé et qu’il y ait une alternance démocratique mais le système MPS a bloqué toute alternance au pouvoir. Depuis 30 ans, c’est le même bonhomme qui est assis sur son fauteuil et il ne veut pas le céder. Il utilise et abuse de toutes les lois pour rester et mourir au pouvoir. Deby pratique à outrance la gabegie, la mauvaise gestion et la répression. 

Vous avez vu qu’il y a deux jours, nous avons commémoré la disparition de notre secrétaire général. Il a été enlevé par le pouvoir et porté disparu, c’est-à-dire assassiné. Tout cela démontre que le pouvoir ne laisse pas beaucoup d’options à des gens qui veulent lutter contre Deby de façon démocratique. Si nous avons choisi la lutte démocratique, d’autres ont choisi d’autres formes de lutte. Il n’appartient pas à la France de venir soutenir un régime dictatorial contre lequel les tchadiens luttent. 

La tenue de l’élection présidentielle a été calamiteuse parce qu’il y a un coup d’Etat électoral. Idriss Deby a déployé son armée sur l’ensemble du territoire national, les militaires ont tiré à balles réelles toute la nuit jusqu’au lendemain, faisant beaucoup de victimes. Notre assemblée nationale est élue pour deux mandats, logiquement pour 4 ans, mais elle est là depuis 8 ans avec la composition des mêmes personnes qui siègent. Cela démontre qu’il n’y a ni légitimité ni légalité dans nos institutions. 

Aujourd’hui, les salaires de fonctionnaires ont été amputés avant d’être rétablis partiellement avec 15% mais ces derniers ne sont pas responsables de cette mauvaise gestion. La mauvaise gestion, le détournement et la concussion sont l’œuvre du pouvoir. Le pouvoir d’Idriss Deby a mal géré et en principe, celui-ci doit-être sanctionné mais on ne doit pas sanctionner les pauvres fonctionnaires qui sont composés entre autres des enseignants, infirmiers et autres petits fonctionnaires. 

La lutte contre l’injustice doit être le cheval de bataille pour faire taire les armes… 

La pratique de l’injustice à outrance pousse les gens à prendre parfois aussi des décisions très critiquables comme la lutte armée. Quand tous les horizons sont bouchés, les gens n’ont pas d’autres issues parce qu’ils ne voient pas de perspectives de lutte, autre que la lutte armée, ils s’y engagent. 

Comment amener tout le monde à la table du dialogue ? 

En tout cas, nous avons toujours prôné et demandé à ce que le pouvoir de Deby organise un dialogue national inclusif. Nous avons dit qu’au cours de ce dialogue inclusif, tous les tchadiens sans exception aucune se retrouvent autour d’une table pour poser les vrais problèmes du Tchad et pour trouver les bonnes solutions. Cela est faisable. Si la France aime le Tchad et les tchadiens, elle doit aider à l’organisation d’un dialogue national inclusif et non venir soutenir un dictateur comme Deby. 

Propos recueillis par Djimet Wiché.

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