« Suivi des décisions du G5 Sahel avec Idriss Déby, président du Tchad. » C’est par ce tweet concis que le président français Emmanuel Macron a annoncé la visite de son homologue tchadien Idriss Déby, mardi 11 juillet à Paris. Pas de grande déclaration ou d’annonce officielle, pour la visite de cet homme d’Etat qui n’est pas franchement un démocrate. Emmanuel Macron a-t-il cherché à faire le moins de vagues possibles ? L’événement n’a pourtant pas manqué de faire réagir l’opposition tchadienne.

La France, accusée de fermer les yeux

Les jeunes du principal parti d’opposition, l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), ont publié le jour même de cette visite une lettre ouverte. Leur demande est claire : les pays occidentaux, en particulier à la France, doivent cesser immédiatement « les soutiens de toutes formes au régime illégal et illégitime de Déby ».

Ce n’est pas la première fois que la France est accusée de fermer les yeux sur les dérives autoritaires du « lion de l’Afrique ». « A force de favoriser la coopération anti-terroriste, la France va être vue par la population comme la complice silencieuse du président », remarque Balkissa Ide Siddo, chercheuse pour Amnesty international au Tchad. Le Tchad est en effet un partenaire stratégique et privilégié de l’Hexagone dans la région du Sahel pour lutter contre le terrorisme islamiste. Le quartier général de Barkhane, l’opération militaire française dans la zone Sahara-Sahel, est même basé à N’Djamena, la capitale tchadienne. Le président François Hollande avait été sous le feu des mêmes critiques. Emmanuel Macron semble lui emboîter le pas. Contacté par « L’Obs », l’Elysée n’a, à ce jour, toujours pas répondu à nos sollicitations.

Manifestations réprimées, arrestations arbitraires

Des promesses, toujours des promesses. En arrivant au pouvoir en 1990, le président Idriss Déby en avait fait pleuvoir sur sa population : garantie de la démocratie, respect des libertés individuelles et collectives, hausse du niveau de vie. Seulement l’écran de fumée s’est depuis longtemps évaporé. Le pays a basculé dès 2006 dans les arrestations arbitraires, lorsque la capitale N’Djamena a subi les attaques de groupes rebelles.

C’est en 2016 que la contestation civile contre le président a atteint son paroxysme. Avec la chute du prix du pétrole en 2016, principal revenu du pays, les caisses de l’Etat sont vides. Le pays vit depuis une crise économique et se retrouve doublement victime de l’autoritarisme de son président : d’un côté les mesures d’austérité économique et de l’autre la répression de leurs libertés individuelles et collectives. Pendant la campagne électorale, les mouvements de contestation se sont alors multipliés. Or depuis 2008, aucune marche n’est autorisée dans le pays. Les manifestations ont donc toutes été réprimées par l’Agence nationale de Sécurité (ANS), la police politique du régime, dans la violence.

10 arrestations abusives de journalistes

Depuis, les cas d’arrestations arbitraires sont courantes. « Il existe un groupe de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes en particulier qui sont très souvent arrêtés. Ce sont les seuls qui n’ont pas peur de s’exprimer, alors ils sont surveillés et ciblés tout de suite par le régime », explique Balkissa Ide Siddo. Les six premiers mois de l’année 2017, elle a recensé 10 cas de journalistes arrêtés arbitrairement.

Les journalistes ne sont pas les seuls à être pris pour cible. L’activiste en ligne Tadjadine Mahamat Babouri (alias Mahadine) a été arrêté le 30 septembre 2016 pour avoir publié sur sa page Facebook des vidéos critiquant la gestion des fonds publics par le régime et accusant ce dernier d’avoir déclenché la crise économique. Il a été inculpé pour « atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité sociale et à la sécurité nationale, d’intelligence avec un mouvement insurrectionnel ».

Amnesty international demande aujourd’hui sa libération immédiate et surtout son transfert à N’Djamena car son état de santé est « alarmant ». Il souffre d’hématurie  post-traumatique, de contusions hépatiques et a contracté la tuberculose. Sa famille et son avocat ont rapporté à la presse tchadienne qu’il a été torturé, électrocuté et battu. Les autorités ont pour l’instant donné leur accord de principe pour le transfert.

Aux yeux de la société civile tchadienne, la France risque bien de rester, avec Emmanuel Macron, une « complice silencieuse » du président Idriss Déby.

Justine Benoit

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  • Tous ce que le tchad veut, se la paix..ont veut pas d’histoire

    Commentaire par OUMAR le 15 juillet 2017 à 15 h 31 min
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