
12 décembre 2024 Tchad-France : Paris répond à N’Djamena et rappelle ses avions de chasse.
Le ministère des Armées français a annoncé le départ, dès ce 10 décembre, de ses avions de chasse basés au Tchad. Il prend ainsi acte de la décision de N’Djamena, le 28 novembre, de rompre les accords de coopération militaire qui le liaient à Paris.
C’est une page qui se tourne. Ce 10 décembre, l’armée française a annoncé, dans un communiqué publié par son état-major, qu’elle « retir[ait] ce jour la “capacité chasse” présente à N’Djamena ». « Dans la continuité de l’évolution de [sa] présence militaire en Afrique », Paris affirme ainsi répondre à la décision du Tchad de « mettre fin à l’accord de coopération militaire [l’unissant] à la France ».
Deux Mirage 2000D ainsi qu’un avion ravitailleur ont décollé à la mi-journée de N’Djamena, et les départs doivent se poursuivre dans les heures à venir. « La présence de ce détachement ne se justifie plus après la rupture de l’accord » de défense, a expliqué une source française à l’AFP. En revanche, le retrait des éléments au sol n’a pas été entamé et fait l’objet de négociations entre les deux pays.
Le 4 décembre, le président Mahamat Idriss Déby Itno avait ordonné la mise sur pied d’une commission chargée de travailler aux conséquences pratiques de la dénonciation des accords de coopération militaire. Le lendemain, plusieurs manifestations avaient été organisées sur le territoire, lors desquelles les participants acclamaient la fin de la présence militaire française en Tchad, qui dure depuis 1968.
L’aviation tchadienne dispose elle-même d’avions de chasse anciens de type Sukhoï-25, de fabrication soviétique et livrés par l’Ukraine – qui fournissait également pilotes et techniciens – entre 2008 et 2013. Il est toutefois difficile de déterminer combien sont opérationnels à l’heure actuelle, certains ayant été endommagés par des intempéries et d’autres n’ayant pas été entretenus.
C’est la raison pour laquelle l’ancien président Idriss Déby Itno avait fait de son partenariat militaire avec la France un axe important de sa politique de défense. La France est plusieurs fois intervenue dans des opérations de dissuasion aérienne ou de neutralisation de véhicules, lors d’incursions de colonnes rebelles depuis la Libye ou le Soudan vers la capitale, N’Djamena.
Jusqu’à peu, la diplomatie française estimait encore que Mahamat Idriss Déby Itno, successeur de son père à la présidence, tenait lui aussi à conserver cette dissuasion aérienne française, pour les mêmes raisons de défense intérieure. Ce 10 décembre, Paris a manifestement décidé de mettre fin à ce partenariat alors même que les discussions autour des modalités d’un retrait de ses troupes du Tchad sont en cours.
« Ce retrait des avions de chasse est peut-être la réponse de Paris à l’annonce du 28 novembre de rupture des accords, pour laquelle N’Djamena n’avait pas prévenu les Français, croit savoir un ancien conseiller de Mahamat Idriss Déby Itno. Puisque l’armée française n’est plus la bienvenue, elle retire ce qui intéressait le plus les Tchadiens, sa capacité de dissuasion aérienne, avant même que les négociations soient achevées ».
Avions de combat et drones turcs
« Est-ce que le Tchad est en capacité, aujourd’hui, de prendre le relais sur le plan de cette dissuasion aérienne ? Est-ce que, demain, si des colonnes rebelles déferlent sur N’Djamena, l’armée tchadienne a les moyens aériens de les stopper ? Sans doute pas », explique un ancien ministre tchadien, qui déplore que la dénonciation des accords de coopération militaire ait été « précipitée ».
« Les discussions étaient en cours. On aurait pu négocier un départ des troupes françaises au sol et un maintien d’une capacité aérienne. Mais, en accélérant les choses le 28 novembre, on a sans doute brusqué Paris et cela nous remet maintenant en position de faiblesse », poursuit cette source. « L’armée de l’air s’est récemment renforcée avec l’acquisition d’aéronefs et de drones qui peuvent lui permettre de frapper elle-même », rétorque un observateur à N’Djamena.
N’Djamena a en effet acquis en Turquie trois avions de combat légers Hürkuş, dont la capacité d’attaque reste toutefois limitée. Le pays a également reçu une livraison d’Ankara de deux drones de type Anka, conçus pour les missions de renseignement, mais pouvant être équipés de charges explosives pour des missions de destruction. Ces drones ont été récemment utilisés dans l’opération anti-terroriste Haskamite, dans le bassin du lac Tchad.
« Les drones turcs, dont la maîtrise d’utilisation semble encore largement insuffisante, ne pourront jamais remplacer le dispositif aérien français qui a été à maintes reprises un élément clé pour sauver Idriss Déby Itno face aux offensives rebelles », croit toutefois savoir un autre ancien membre du gouvernement tchadien.
Le Tchad se serait également équipé de drones fabriqués aux Émirats arabes unis, qui pourraient avoir accru sa capacité militaire aérienne. Ces dernières semaines, le gouvernement soudanais d’Abdel Fattah al-Burhane a en effet accusé N’Djamena d’avoir opéré des frappes sur le sol du Soudan à l’aide de drones livrés par Abu Dhabi, qui est un des principaux partenaires diplomatiques et financiers du pouvoir tchadien – ce que ce dernier a nié.