Washington joue depuis un mois une partie de poker menteur avec ses alliés au Sahel en agitant le spectre de son retrait comme il y a un an.

Le 28 janvier, la ministre française des armées Florence Parly s’envolera pour une visite de deux jours à Washington, où elle doit longuement évoquer l’engagement militaire américain au Sahel avec le secrétaire d’État à la défense Mark Esper. Cette rencontre intervient alors que l’administration Trump souffle méthodiquement le chaud et le froid sur la pérennité de sa présence militaire dans la bande sahélo-saharienne (BSS).

Tractations sur la Corne

Parmi les arguments que souhaite mettre en avant la ministre des armées figure notamment le soutien apporté par Paris aux opérations américaines dans la Corne de l’Afrique, et plus particulièrement en Somalie. Dans ce pays en proie à la milice djihadiste Al-Shabaab, la France fournit aux États-Unis du renseignement électronique et télécom. Cet appui – principalement technique – se fait via les installations de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la DGSE déployées à Djibouti. Paris veut valoriser, voire augmenter cet apport, et proposer à Washington un « mécanisme de réciprocité » sur le Sahel. Mais, rompu à l’art du dealDonald Trump pourrait trouver la proposition française trop faible au regard de l’appui crucial fourni par la Défense Intelligence Agency (DIA) en images satellites et en drones aux opérations françaises de Barkhane. Paris devrait par ailleurs proposer de soutenir la position de Washington dans le cadre du renouvellement de mandat de l’Amisom, la mission de l’ONU en Somalie, sur lequel doit se pencher le Conseil de sécurité en mai. Une partie de ces propositions a déjà été mise sur la table le 16 janvier à Paris par le chef d’état-major de l’armée française François Lecointre, lors d’un tête-à-tête avec son homologue américain Mark Milley.

Bluff américain

Alors qu’un allégement du dispositif américain au Sahel est d’ores et déjà acté, les contours et surtout le calendrier de ce retrait restent encore flous. Si Mark Espère est partisan, comme l’était son prédécesseur Jim Mattis, d’un désengagement substantiel et rapide, le Département d’État, à commencer par son « M. Afrique » Tibor Nagy, plaide à l’inverse pour un allégement souple et progressif. Le Département d’État doit procéder dans les prochaines semaines à la nomination d’un envoyé spécial pour le Sahel qui sera chargé de piloter le dossier. Last but not least, Washington attend un soutien diplomatique fort de Paris sur le dossier iranien après l’assassinat de Qassem Soleimani, et l’appui américain à Barkhane pourrait servir de monnaie d’échange. En attendant un calendrier officiel qui pourrait être tranché « dans un mois ou deux » selon les déclarations de Mark Milley, Paris entend convaincre Washington que l’engagement américain au Sahel pour contenir la menace djihadiste perdra toute « value for money », selon l’expression favorite de Trump, si les États-Unis se retirent trop tôt.

Tchadanthropus-tribune avec la lettre du continent

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