Il est Président du Comité de suivi dudit accord, membre de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution et secrétaire général du parti CDF

 

A l’occasion du quatrième anniversaire de l’Accord du 13 août 2007, Gabriel Ali Golhor, président du Comité de suivi dudit accord, par ailleurs membre de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution et secrétaire général du parti CDF, dresse le bilan de l’Accord, évoque les raisons d’être de la CPDC jusqu’aujourd’hui et étale les problèmes qui défavorisent la lutte commune


En tant que Président du Comité de suivi de l’Accord du 13 août 2007, quel bilan faites-vous quatre ans après la signature de cet accord?

Il faut tout d’abord évoquer les raisons qui nous amené à signer cet accord avant de passer au bilan. Vous vous rappelez qu’après l’élection présidentielle de 2001, il y a eu un déficit d’erreur politique qui a entraîné la dégradation de la confiance entre acteurs politiques du pays avec deux conséquences majeures. La première conséquence c’est le boycott des élections législatives de 2002 par quelques partis de l’opposition, le boycott du recensement électoral de 2005 et celui du référendum constitutionnel de juin 2005. Et aussi les élections présidentielles de 2006. La seconde conséquence, c’est la forte désaffection des populations vis-à-vis de la chose publique. C’est-à-dire que les Tchadiens ne s’intéressaient plus aux élections. Face à cette situation tendue, les acteurs politiques ont jugé nécessaire d’organiser un dialogue afin de réunir des conditions objectives de la tenue des élections libres et transparentes. Surtout dans un esprit de paix et dans un climat de sécurité. Ce dialogue à donc abouti à la conclusion de l’Accord du 13 août2007.

 

 
© ATP 
Gabriel Ali Golhor

Pour répondre à votre question, l’accord a été exécuté dans des conditions que nous savons tous. S’il a un coté positif, c’est la restauration du climat politique apaisé et la marginalisation de l’opposition armée. Parce qu’au moment où les discussions étaient en cours, l’opposition armée était très active dans notre pays. Ce qui amenait la Communauté internationale à soutenir les efforts du gouvernement. Voilà le côté positif de cet Accord. Mais en ce qui concerne le reste, je peux dire que l’Accord a été un fiasco. Un fiasco retentissant qui a été bien constaté par la classe politique, la société civile et la Communauté internationale. Je dirais même que l’exécution de cet Accord est une sorte de tragicomédie. Puisque les élections, des législatives jusqu’aux communales, se sont déroulées de manière désastreuse et les résultats, qu’il s’agisse des élections législatives, présidentielle ou communales, ne sont pas du tout à la hauteur des attentes du peuple tchadien. Quand on demande aux Tchadiens, certains se posent la question s’il faut encore retourner aux urnes pour organiser d’autres élections. C’est pour dire que dans l’exécution de cet Accord, un échec.

N’est-ce pas un échec de tous les Tchadiens…
C’est un échec parce qu’il y a eu beaucoup de violation de cet Accord. Violation du code de conduite qui a été signé par les partis politiques en janvier 2011 et qui devrait compléter les dispositions de cet Accord. S’agissant donc de cet échec, il faut dire que la Céni n’a pas jouit de l’indépendance qui lui est reconnue aussi bien par l’accord que par la loi portant sa création. Le fonctionnement de la Céni était jalonné de dysfonctionnement, des ratés, des manquements et d’insuffisances. Tout cela est arrivé parce qu’on n’a pas pu empêcher les immixtions intempestives des agents de l’administration dans le fonctionnement de la Céni. Il faut aussi dire que le recensement électoral préconisé par l’Accord, ne s’est pas du tout réalisé selon l’esprit et la lettre de l’Accord. Parce qu’il ne s’est fondé sur la délivrance de la carte biométrique comme prévue.


Cela n’est-il pas arrivé par la complicité de certains hommes politiques…

Je dirais que cela est arrivé par la complicité de certains hommes politiques de l’opposition. Car ce sont ceux-là qui se sont entendu avec le garant de l’Accord du 13 août 2007 (Ndlr, président Idriss Déby Itno), pour reporter l’échéance de la biométrie. Mais j’espère que pour les élections à venir, nous allons recourir à la biométrie comme l’a recommandé l’Accord. Donc, du côté de recensement électoral, c’est aussi un échec puisqu’il n’est pas fondé sur l’esprit de l’Accord. Par ailleurs, la répartition des députés par circonscription électorale qui relève des aménagements du code électoral prévu, s’est faite non plus dans l’esprit de l’Accord. Parce que, si on se réfère à la loi portant répartition des députés par circonscription aujourd’hui, on se rend compte que les régions les plus étendues et moins peuplées sont favorisées au détriment des régions les moins étendues et plus peuplées du Tchad. Vous-même, savez où sont situées les deux catégories de région. Il y a aussi la question de l’assainissement de l’environnement.

C’est une question qui n’a pas connu un début de solutions. La démilitarisation et la dépolitisation de l’administration n’ont pas été résolues. On n’a pas mis en œuvre les recommandations des états généraux de l’armée. Cela veut dire que la reforme de l’armée recommandée par l’Accord ne s’est pas faite. Actuellement, la reforme de la justice est en cours, mais les résultats que les Tchadiens attendent tardent à venir. Ajouter à cela, la garantie de l’indépendance de la justice. De ce côté-là aussi, nous ne sommes pas avancés parce que nous continuons à assister à une justice à plusieurs vitesses. La justice tranche les affaires selon la tête des individus.

 

 
© ATP 
En mission au Burkina-Faso

Et la sécurité des biens et des personnes recommandée par l’accord piétine également. Puisque dans nos grandes villes et dans des grands axes, l’insécurité demeure toujours. Rien ne nous rassure que la solution à ce problème est pour demain. Le renforcement des capacités des médias est peut-être en cours. Sinon, ce qui a été fait jusqu’à maintenant, est en deçà des attentes des hommes des médias. Donc, du côté de l’assainissement de l’environnement général, il reste beaucoup à faire. C’est pour dire simplement, qu’en dehors de la restauration du climat apaisé et de la marginalisation de l’opposition armée, nous avons échoué sur toutes les lignes. C’est un bilan qui, à mon avis, n’est pas tout brillant. Un bilan qui n’est pas du tout positif.


Et est-ce que l’Accord a aujourd’hui sa raison d’être puisque les trois élections sont passées…

Vous savez que la mission du Comité de suivi qui est chargé de veiller sur l’application de l’Accord devrait prendre fin avec la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale. Et lorsque la mission du Comité de suivi prend fin, c’est aussi la fin de l’Accord, car il n’y a plus d’organe pour assurer le suivi de l’accord en question. C’est ce que les textes ont prévu. Peut-être aujourd’hui, l’accord est terminé si le comité de suivi est encore en place, c’est grâce à une entente entre le garant de l’accord et la classe politique. Aux mois de juillet-août 2011, le président de la République a organisé deux rencontres. A l’issue de ces rencontres, il a interrogé la classe politique. Et c’est en réponse à cette question que le président de la République a décidé de proroger le mandat du comité de suivi en lui confiant trois missions essentielles.


Lesquelles?

La première mission consiste à accompagner la Céni dans l’organisation des élections communales. Ce qui a été fait au mois de janvier 2012. La deuxième mission consiste, pour le comité de suivi, à réviser les textes des lois portant statut de l’opposition et de la Charte des partis politiques. Cela a été aussi fait. Et la troisième mission consiste à, proposer un nouveau cadre de concertation et de dialogue de la classe politique qui prendrait le relais du Comité de suivi. A l’époque, le président de la République a accepté une proposition faite parle comité de suivi qui consiste à dépêcher des missions dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest pour voir comment tout cela fonctionne là-bas. La première au Benin et au Niger. La seconde au Burkina-Faso, au Mali et en Mauritanie. Je fais partie de la mission qui s’était rendu en Mauritanie. Il faut avouer que nous avons ramené beaucoup d’informations. Aujourd’hui, nous sommes sur la troisième mission qui consiste à proposer un cadre de concertation et de dialogue pour prendre le relais du Comité de suivi. Le bureau a aussi proposé une feuille de route car un cadre c’est seulement une structure qu’on met en place. Mais j’espère que nous réussirons à mettre en place ce cadre de concertation.


Peut-on parler d’une opposition démocratique au Tchad vue sa disparité et ses querelles?

C’est la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC) qui a représenté l’opposition lors du dialogue qui a abouti à la conclusion de cet Accord. Ce qui explique que les représentants des partis politiques qui sont dans le Comité de suivi sont tous issus de la CPDC. Mais depuis que nous avons commencé à travailler dans le cadre des missions confiées par le président de la République, la CPDC porte à la connaissance des autres partis politiques les problèmes que nous discutons et sollicitons leurs interventions. En exemple, lorsque nous avons révisé la charte des partis politiques et le statut de l’opposition, des propositions ont été faites afin de recueillir leur avis avant d’arrêter une position définitive. Nous avons demandé à nos partenaires de nous aider dans l’organisation d’un forum auquel participeront tous les acteurs politiques.

 

 
© La Voix 
Interview parue dans La Voix

Et qu’en est-il de la CPDC…

C’est une dénomination que nous avons donné à un moment précis. C’était au moment où des menaces pesaient sur la Constitution. C’était à l’époque où le président de la République a affiché sa volonté de modifier la Constitution. A l’époque, nous avons pensé, qu’au lieu de s’engager dans la lutte en ordre dispersé, il fallait réunir toutes les sensibilités politiques qui œuvraient dans le même sens. La CPDC n’a pas été créée sur une base idéologique. C’est un regroupement à caractère stratégique pour régler un problème national précis. Et effectivement, comme vous le dites, notre lutte n’a pas abouti. La Constitution a été tout de même modifiée. Après la modification de la constitution, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de maintenir la CPDC. Beaucoup de voix se sont élevées pour dire que la Constitution a été modifiée mais d’autres amendements pour modifier viendront. Et que d’autres problèmes existent aussi au niveau des amendements de la Constitution. Au lieu d’aller en ordre dispersé, vaut mieux travailler pour consolider ce regroupement pour affronter ensemble les problèmes qui n’ont pas absolument des liens avec la Constitution. Mais il faut dire que nous n’avons pas eu tort de maintenir la CPDC. Parce qu’elle a mené la lutte pour la conclusion d’un Accord dont nous parlons aujourd’hui. Tout de même, les interrogations continuent. Mais la majorité veut que nous gardions la CPDC. Pour le moment, nous sommes pour le maintien de ce regroupement.


Beaucoup de partis ont quitté la CPDC. N’est ce pas là une faiblesse de plus?

Même à deux, des partis peuvent conclure une alliance et faire un regroupement. Trois partis peuvent aussi le faire. Mais nous, au début, on était une vingtaine. Il y a des partis qui se sont retirés et récemment avec l’élection présidentielle, il y a d’autres qui ont été radiés. Toutefois, nous sommes restés une dizaine de partis et il y a quatre ou cinq autres partis qui sont à la porte de la CPDC. Le nombre va augmenter dans les jours à venir. Les partis qui ont été radiés, sont en train de négocier leur retour. De ce côté, nous n’avons pas d’inquiétude.


Et si, «tous les partis politiques ne sont pas crées pour les mêmes raisons», n’est-il pas le cas au sein de la CPDC?


Je ne dis pas que tous les dirigeants, membres de la CPDC sont des anges. Ce sont des politiciens comme les autres. Mais dans une organisation, il ya toujours un règlement intérieur qui régit le comportement et la conduite des uns et des autres. Nous sommes une organisation qui a été créée pour la défense de la Constitution. Mais après, nous nous sommes dits qu’il faut cheminer ensemble aux élections. Mais lorsque les élections s’approchaient, certains chef de partis ont préféré soutenir la candidature de monsieur Idriss Déby Itno, qui n’est pas membre de la CPDC. Lui dont nous dénonçons la façon de gérer le pouvoir. C’est ce qui a fait que nous avons radié certains partis de la CPDC. Mais je dis et je répète qu’au sein même de la CDPC, il ya des gens qui ont crée les partis pour se faire aussi une place au soleil. Donc, à la CPDC, tout le monde n’est pas ange. Sinon, nous sommes vigilants. C’est pourquoi à chaque fois qu’il y a dérapage, nous réagissons pour remettre la pendule à l’heure.
 

742 Vues

Il n'y a pas encore de commentaire pour cet article
Vous devez vous connectez pour pouvoir ajouter un commentaire