Cela fait dix ans qu’Idriss Déby a ajouté Itno, le nom de son grand-père, à son patronyme, et pourtant, à N’Djamena comme ailleurs, chacun continue de l’appeler Déby, comme s’il n’avait pas changé depuis le temps des rébellions et des rezzous mécanisés dans les sables du Borkou-Ennedi-Tibesti, le mythique BET des méharistes français.


Cela fait douze ans que la Constitution tchadienne a été modifiée, à une époque où la limitation du nombre de mandats présidentiels n’était pas encore un vrai sujet de polémique, afin de lui permettre de se représenter, et pourtant ses opposants n’en finissent pas de contester sa légitimité.

 

Cela fait vingt-cinq ans que l’ancien conseiller à la sécurité de Hissein Habré, formé au métier de pilote d’avion de transport de troupes et à l’École de guerre de Paris, a renversé ce dernier pour s’installer durablement au pouvoir. Et, pourtant, la rumeur ne cesse de gloser sur les trahisons de ses proches, ses sautes d’humeur, son intempérance et, bien sûr, son état de santé, régulièrement donné comme critique en dépit des démentis tout aussi régulièrement apportés par les faits.


C’est dire si Idriss Deby Itno 63 ans, a fini par s’habituer à être dépeint comme un funambule en situation d’éternelle précarité, le dos au mur, les armes constamment à portée de main, com’chef d’un État que Jacques Chirac, qui eut la formule plus heureuse, qualifia autrefois de « défini par les frontières de ses voisins ».


La dernière élection présidentielle s’était soldée par un score d’un autre âge : 88,7 % des voix


Il en a pris son parti et ne parle plus aux médias, qui sont à ses yeux autant de miroirs déformants. Reste que, même si nul ne l’a vu en uniforme depuis longtemps, « IDI » sait que le chèche et le battle-dress lui collent toujours à la peau. C’est en guerrier qu’il a résisté, en 2006 et en 2008, aux assauts des colonnes rebelles et c’est en militaire qu’il a dirigé les interventions décisives de son armée au Mali, au Nigeria et au Cameroun.

 

Celui qui s’apprête à briguer dans quatre mois un cinquième mandat est devenu incontournable sur le front anti jihadiste global, au point qu’à Paris ceux qui décident réellement de la politique africaine du gouvernement socialiste ne souhaitent qu’une chose : qu’il demeure en place. Ironie de l’histoire : en mars 2008, alors qu’il était assiégé dans son palais, Déby Itno avait reçu de Nicolas Sarkozy le conseil de choisir l’exil, et, du premier secrétaire du PS François Hollande, l’injonction de rendre des comptes…

 

Boycottée par l’opposition – qui a, depuis, abandonné cette stratégie inopérante où qu’elle s’applique -, la dernière élection présidentielle s’était soldée par un score d’un autre âge : 88,7 % des voix. Il n’en sera évidemment pas de même cette fois-ci, Idriss Déby Itno ayant face à lui une brochette d’opposants pugnaces quoique divisés, sur fond de chute des revenus pétroliers, de tensions sociales et d’économie de guerre – autant d’éléments susceptibles de contrebalancer les réels points positifs de son bilan. Pas de quoi cependant inverser les pronostics d’un nouveau (et dernier ?) bail au palais rose de N’Djamena.

François Soudan

 

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