À quoi servent l’Inspection générale (IGE) et la Cour des comptes ? Voila, sans doute, une question que beaucoup de Sénégalais ne cessent de se poser, au regard du nombre de rapports produits, sans lendemain, par ces corps de contrôle de l’État. La production de ces rapports vise quelle finalité ? Quel est l’intérêt d’envoyer des bataillons d’Inspecteurs, de juges pour aller constater d’innombrables cas de prévarications sans leur donner une suite quelconque, malgré les recommandations qui sanctionnent leurs investigations ? Les médiatiser pour la bonne cause… politicienne ? Si d’aucuns affirment que ces organismes sont instrumentalisés à des fins politiques, voire politiciennes, on peut difficilement les contredire. Combien de délinquants à col ‘vert’, ‘bleu’, ‘marron’, sont protégés, puis recyclés et blanchis, par les régimes successifs, malgré les faits délictuels, à eux imputés ? Que sont devenus les ex-directeurs du COUD, de la SAPCO et de la LONASE- pour ne citer que les ‘’cas historiques-, accusés de malversations et de mauvaise gestion ? On se souvient que la Cour des Comptes dans ses recommandations avait expressément demandé d’écarter l’un d’eux de toute gestion touchant aux deniers de l’État.

 

Cela dit, nous pensons que l’inopérationnalité de ces institutions tient simplement à un manque de volonté politique de donner suite aux conclusions qu’elles formulent. La Cour des Comptes est une structure bancale, édentée si on peut utiliser l’expression. Une cour de justice sans pouvoir de distribuer la justice (dissuader, réprimer, amender), n’en est pas une. Pourquoi ne devrait-on pas la fusionner, par exemple, avec la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite) ? L’Inspection général d’Etat qui devait servir d’auxiliaire de justice à cette Cour est totalement au service de l’Exécutif qui utilise ses rapports comme une épée de Damoclès politique, par le parti au cœur de l’Etat, contre certains adversaires politiques indélicats à ‘’récupérer’’. Pour une véritable transparence qui conforte le pouvoir judiciaire et le principe de la séparation des pouvoirs, l’IGE doit être déconnectée de la Présidence de la République et rattachée à la Cour des comptes, après l’avoir fusionné avec les autres organes qui s’occupent de délinquance financière (OFNAC, CENTIF), notamment. La Présidence de la République se contentant du Contrôle Financier (méconnu du grand public), des Inspections des affaires administratives des départements ministériels, pour le ‘’contrôle à priori, de légalité et de la régularité’’.

 

Par ailleurs, l’IGE qui a une mission générale de Contrôle, sur ‘’tout ce qui bouge’’ en matière de recettes et de dépenses budgétaires, semble ne s’intéresser qu’au dernier aspect de contrôle et de vérification des deniers de l’Etat. Et même pour ce dernier aspect, elle fait l’impasse sur un certain nombre de problèmes. La gestion et la comptabilité matière, par exemple. Il a été dit que beaucoup de matières de certains services sont dans les domiciles des ‘’Patrons’’, aussitôt après la réunion de la ‘’commission de réception’’. A la décharge de l’intendance militaire, car c’est l’un des rares services de l’Etat qui tient correctement sa ‘’comptabilité matières’’. Maintenant, que se passe-t-il au niveau des recettes ? La direction générale des Impôts et des Domaines, celle de la Douane, ont-elles les mains libres pour faire entrer toutes les recettes qui devraient être normalement recouvrées ? Qu’en est-il du recouvrement des autres recettes diverses du budget (amendes, contraventions, etc.) ? Où sont les statistiques ? Quels sont les apports fiscaux des grands contributeurs ?

 

Avec l’avènement des injonctions du Fmi (désengagement de l’Etat), sous le régime de Diouf, nous avons assisté et jusqu’ici, à une floraison de cabinets ‘’d’Études’’ (de ceci-de cela), d’Agences doublons. Cela s’est traduit par des dépenses inconsidérées qui ont enrichi une clientèle politique, familiale de toute sorte, grevant par voie de conséquence les ressources financière de l’Etat. On a parlé abondamment des suppressions d’Agences. Mais c’est qui dirait déshabiller Samba, pour habiller Demba. Des cabinets ‘’d’Etudes‘’ ont fleuri, surtout dans le domaine des ‘Audits Machin’, des travaux publics. L’Administration publique qui doit autant que faire se peut, faire travailler ses propres agents publics, pour ne pas dire ses fonctionnaires, est-elle à l’abri des collusions d’intérêts, du délit d’initié en traitant avec ces ‘’cabinets’’ ? Mais quand on est soumis au diktat du Fmi, point de choix politique, a fortiori ‘’d’indépendance’’ ou de souveraineté nationale’’.

 

Combien d’Ingénieurs, l’Etat pourrait-il recruter, dans le cadre de la lutte contre le chômage, avec la manne d’argent dont profitent ces ‘’cabinets’’ et dont les ‘’études’’ ne sont pas validés par tout le monde ?

 

Que dire des autres ‘’cabinets’’ ? Par exemple, des ‘’avocats défenseurs de l’Etat’’. Alors que le procureur de la République et l’Agent judiciaire de l’Etat ont la possibilité d’étoffer leurs études en recrutant des diplômés en droit (maîtrise, DEA, Docteur en droit) qui battent le pavé, des avocats sont appelés pour ‘’défendre l’État’’. Sur quelle base on traite avec ces avocats ? Gré à gré ou appel d’offres ?

 

En tout cas la réponse à cette question nous permettrait de savoir s’il est plus ‘’rentable’’, politiquement, économiquement et socialement de traiter avec les diplômés ou avec les avocats, au regard des émoluments versés. On a noté que rien n’a été dit sur la gestion des ‘’comptes spéciaux’’ du Trésor (le Budget dans le budget !). Qu’en est-il du respect des principes du contrôle a priori de la légalité et de la régularité ? Le non respect de ces principes ne fait que multiplier, aggraver les fautes, voire les délits, en matière de gestion. Maintenant, ce que l’IGE devrait par ailleurs mentionner à son Agenda, c’est le recyclage de certains hommes d’Etat qui manipulent confusément à leur guise les chiffres et autres statistiques de propagande, les notions budgétaires à tort et à travers. Dans le quotidien Enquête du jeudi 11 septembre 2014, l’un d’eux parle de 400 milliards qu’aurait laissés Abdou Diouf, à Wade. C’est le président Diouf qui ne respecte pas les Sénégalais ou c’est l’ex-patron du parti indépendantiste qui n’est pas au fait des règles budgétaires et de la Trésorerie de l’Etat ? Comment un chef d’Etat d’un pays pauvre et endetté peut-il se permettre de ‘’thésauriser’’, ou laisser à la portée de spéculateurs, 400 milliards de nos francs ? En tout cas les députés à travers la loi de règlement et le Trésorier Général, devraient édifier les sénégalais sur cette nébuleuse.

 

Mais au-delà de tout ce qui précède, ce n’est pas une question d’incompétence ou de compétence qui se pose, quoique notre pays en dispose suffisamment. Ce qui est posée c’est la question de la volonté politique de sanctionner les fautes commises, par rapport à la dilapidation de nos ressources nationales et de l’Etat. N’est-ce pas que compétents et incompétents (souvent inamovibles pour la bonne cause du parti), sont nommés par la même autorité politique ?

 

Ababacar Fall «Barros»

Ancien contrôleur de gestion à la Direction du Budget au ministère des Finances

2009 Vues

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