Alors que le groupe jihadiste a de nouveau frappé le Tchad, le chef de l’État, Mahamat Idriss Déby Itno, a annoncé une nouvelle opération militaire. Mais la menace, présente depuis des décennies, semble impossible à éliminer.

Le groupe jihadiste Boko Haram a lancé, dans la nuit de 27 au 28 octobre, une attaque contre l’armée tchadienne dans la région du lac Tchad, à proximité de la frontière qui sépare le pays du Nigeria. Celle-ci a fait, au minimum, « une quarantaine de morts dont le commandant de régiment », selon les autorités de N’Djamena, qui ont aussitôt décidé de répliquer.

Le 28 octobre, Mahamat Idriss Déby Itno s’est rendu sur place pour annoncer le lancement d’une opération militaire destinée à traquer les éléments de Boko Haram, aujourd’hui scindé en deux groupes – Jama’atu Ahlis Sunna (JAS) et l’État islamique des provinces ouest-africaines (ISWAP, en anglais) –, qui se servent des îles de la région comme de bases de repli, malgré la Force multinationale mixte (FMM, qui inclut le Tchad, le Bénin, le Niger et le Cameroun) déployée contre eux.

Une activité terroriste continue depuis des années

L’image était saisissante : en 2020, le père de l’actuel président, Idriss Déby Itno, avait effectué le déplacement au lendemain d’une attaque de Boko Haram et a annoncé une opération militaire pour éradiquer les terroristes. Celle-ci n’avait visiblement pas atteint son objectif, même si le Tchad semble payer un bien moins lourd tribut que ses voisins camerounais, nigérien et surtout nigérian.

Marie TOULEMONDE
Marie TOULEMONDE

Depuis près de deux décennies, Boko Haram a en effet survécu aux offensives des armées de la région, mais aussi à la mort de plusieurs leaders, dont Abubakar Shekau, tué en 2021 par une faction rivale au sein de l’organisation. Il a aussi su s’adapter en délaissant parfois ses bastions historiques, comme la forêt nigériane de Sambisa, pour se déplacer dans le bassin du lac Tchad, propice à sa pratique de la guérilla.

Le groupe y a développé des liens avec les populations, prélevant parfois des taxes sur les activités pastorales et agricoles, et bénéficiant d’un réseau d’informateurs qui lui permet de déjouer les plans des armées régulières. Il compte essentiellement sur le soutien financier et logistique d’entités plus puissantes comme l’État islamique (EI).

Un groupe, mais deux factions rivales

Boko Haram s’est scindé en deux entités depuis 2016, une frange prêtant allégeance à l’EI et devenant l’ISWAP et l’autre restant fidèle à un canal historique dirigé par Abubakar Shekau. Ce dernier, mené à l’heure actuelle par Ibrahim Bakura, est aujourd’hui connu sous le sigle JAS.

Ces deux factions, dont la seconde a failli disparaître dans les années 2021-2022, rivalisent depuis 2023, chacune cherchant – outre à frapper les armées des pays de la région – à gagner du terrain sur sa rivale. L’attaque du 27 octobre qui a fait au moins une quarantaine de morts côté tchadien a eu lieu dans la zone d’influence du JAS de Bakura.

 

 

« Paradoxalement, la lutte d’influence entre les branches du JAS et de l’ISWAP semble provoquer une augmentation des actes terroristes. Chacun a besoin de montrer sa puissance à l’autre, de se renforcer en attaquant des bases militaires pour récupérer des armes… Ce sont des groupes rivaux, spécialisés dans la guérilla, qui sont très difficiles à combattre pour des armées régulières », explique un expert du groupe.

Le gouvernement tchadien a appelé le 29 octobre « la communauté internationale à intensifier son soutien […] dans la lutte contre le terrorisme ». « On sait qu’il y a deux clés pour régler le problème Boko Haram : le développement économique des régions frontalières et une meilleure coopération régionale et internationale dans le renseignement et la riposte armée », poursuit notre source.

Et cette dernière de conclure : « Or les États de la région échouent globalement dans le développement des zones du lac Tchad. Quant à la coopération internationale, elle est en recul, en particulier depuis le putsch de 2023 au Niger, qui a poussé Niamey à couper les ponts avec la France et les États-Unis et à s’éloigner du Nigeria et du Bénin. Tout cela ne peut que favoriser la formation du JAS et l’Iswap. »

Jeune Afrique

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