Les pieds dans les plats.

Quelles sont les réelles motivations des ténors de « l’injustice » internationale qui veulent par tous les moyens faire la peau à l’ancien président tchadien?

Avant de lever un coin du voile sur cette machination aux ramifications insoupçonnées, voire même de créer la polémique, disséquons les faits.

Froidement.


« Je suis totalement d’accord qu’on organise une justice internationale indépendante, selon les normes du droit et que tous les Tchadiens à qui on reproche quelque chose viennent se présenter devant cette juridiction. On veut faire croire qu’Hissène Habré ramassait des gens dans la rue et les tuait ». Cette exhortation à la justice pour tous, loyale et équitable, exprimée par l’ancien chef d’État tchadien en août dernier dans une interview accordée à un quotidien sénégalais, est à l’origine de notre enquête sur ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Habré ».

Si le principal concerné, celui sur qui pèsent des accusations aussi graves qu’odieuses, s’exprime ainsi, on peut penser qu’il y a quelque chose de troublant dans le dossier. Est-il possible que le monde entier ait été, jusqu’ici, trompé par certaines personnes à qui profitent les ennuis de l’ancien président tchadien ? Que se cache-t-il derrière ces plaintes ? Pourquoi assiste-t-on, depuis plusieurs années, à un feuille- ton judiciaire aussi grotesque que sans intérêt ? Pourquoi le Tchad, sur le sol duquel on veut nous faire admettre que ces « abominables crimes » sont supposés avoir été commis, ne manifeste-t-il que très peu d’empressement pour la tenue d’un procès ? Comment peut-on admettre que d’innombrables articles et documents aient été diffusés partout sur la « planification de ces crimes imprescriptibles » sans que « planification » ne soit avérée ?

Une réalité déformée, des chiffres truqués


Si l’on s’en tient à une affligeante réalité,
l’idée selon laquelle les dirigeants africains sont des adeptes de la cruauté, doublés de dispendieux et peu crédibles gestionnaires des deniers de leurs peuples qu’ils dilapident, fait recette au sein de la fameuse communauté internationale. Dans les couloirs des organismes à vocation humanitaire, ces préjugés ne cessent de circuler. Parmi les fonctionnaires de ces organisations internationales, à la pause-café, pour susciter à peu de frais l’estime de leurs collègues, l’on évoque « l’irresponsabilité des dirigeants africains qui affament leurs peuples », et l’on insiste sur- tout sur la nécessité de « traduire ces mêmes dirigeants en justice », en précisant au passage que le procès devrait se tenir devant une juridiction internationale, parce que les Africains seraient peu compétents pour juger les leurs. Généralement, chaque citoyen est sommé de s’inscrire pas- sionnément pour ou pathologiquement contre. Car, selon les milieux et les lieux, ces dogmes dilatoires s’imposent et ont parfois force de loi. Le plus souvent nourris d’inadmissibles a priori au relent esclavagiste qui n’ont qu’un très vague cousi- nage avec les réalités africaines du moment, qui méritent mieux que des controverses cousues de fil blanc et de mauvaise foi.



L’ex-président tchadien Hissène Habré alors au pouvoir


Contrairement à l’opinion répandue, les faits existent. Encore faut-il se donner la peine de les analyser. Et pour trouver les bonnes réponses, il faut formuler les bonnes ques- tions. Doit-on rappeler que l’ancien président du Tchad est soupçonné de crimes contre l’humanité et de torture, des actes commis entre son arrivée au pouvoir le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990, jour où il fut déposé par un coup d’État mené par l’actuel homme fort du pays, Idriss Deby Itno, l’un de ses anciens et plus proches collaborateurs ? Or, en Afrique comme partout ailleurs, aucun chef d’État ne vient dans les rues de son pays pour procéder à l’arrestation des citoyens qui ne partagent pas ses idées. Aucun président de la République ne se rend lui-même dans les lieux de détention de son pays pour torturer de ses propres mains ses victimes. Par contre, il dispose de services de sécurité dont c’est justement le job. Ces services reçoivent des ordres de sa
 part ou de la part des membres de son gouvernement, par le biais de la délégation de pouvoirs. Autrement dit, pour que des actes inhumains et dégradants soient commis, il faut qu’au préalable, un ordre ait été donné. Cette décision ne peut être prise que dans le cadre d’une réunion et consignée dans un procès-verbal, avant d’être matérialisée par un décret en bonne et due forme. Or, depuis deux décennies, il n’y a pas l’ombre d’une preuve venant attester que l’ex-chef d’État tchadien aurait donné l’ordre d’exterminer ses opposants. Même ses accusateurs ne disposent d’aucune preuve solide et incontestable sur la « planification » de ces crimes par Hissène Habré.

 

La crainte du régime de N’Djamena d’être éclaboussé par la tenue d’un procès


Pourtant, depuis plus de vingt ans, pour la majorité des médias, il ne fait aucun doute que l’ancien président de la République était
le « cerveau » ou le « planificateur » des viola– tions des droits de l’homme qui ont pu être pratiquées durant son règne. Dans une partie de la presse, il a même droit au substantif peu flatteur de « monstre ». Ces inquisiteurs peinent cependant, c’est le moins que l’on puisse dire, à apporter les preuves de leurs affirmations : aucun bout de papier, aucun document officiel du temps d’Hissène Habré qui viendrait prouver qu’ils ont raison. Notre propos n’est surtout pas ici de nier ces manquements les plus graves, ni d’exonérer ceux qui, parmi les officiels de l’époque, civils comme militaires, ont commis ces crimes contre l’humanité. Non ! Toute personne sensée voudrait voir juger et condamner des criminels par une justice rigoureuse, impartiale et respectueuse de la vérité. Tel est d’ailleurs le souhait de l’ancien président lui-même. En revanche, nous nous interrogeons surtout sur la partialité et le jeu trouble de la communauté internatio- nale. Pourquoi s’attaque-t-on exclusivement à un homme qui a déjà tout perdu, alors que des coffres sont remplis de preuves concer- nant l’implication des actuels responsables tchadiens dans ces douloureux événements? Pourquoi ces derniers, malgré d’autres crimes qu’ils ont continué à commettre au vu et au su de tout le monde, échappent-ils encore totalement à la justice ?


Plusieurs documents et témoignages prouvent pourtant que ce sont plutôt les actuels maîtres de N’Djamena qui avaient intérêt à commettre des crimes, qu’ils ont
préparés et exécutés afin de pousser le Tchad vers le chaos. Ceux-ci, désormais à la tête du pays, auraient même encouragé la commission de ces actes. Certains faits réels sont de nature à démontrer qu’ils ont souhaité et encouragé l’extermination des opposants pour justifier leur rébellion et donc le coup d’État qui a suivi : il fallait que la disparition de certaines personnes provoque de fortes émotions et une énorme indignation dans l’opinion pour que leur principal ennemi, celui qui les empêchait de s’emparer du pouvoir, l’ancien président Hissène Habré, apparaisse comme un monstre, pendant qu’eux, revêtaient les habits de l’ange libérateur. Or, nous avons découvert que ce sont eux qui avaient organisé cette « folie meurtrière ». Ce sont eux qui étaient les « vrais concepteurs » insoupçonnables de ces crimes dits de masse. D’ailleurs, ils se sont appliqués, après leur coup d’État, à étouffer cette vérité en faisant assassiner tous ceux qui risquaient de révéler ce plan secret. Il fallait surtout faire croire à l’opinion publique que seul l’ancien président était coupable et répondrait de ces faits devant la justice. Un effroyable mensonge s’est ainsi installé dans l’opinion avec l’aide de faux experts et de journalistes plus ou moins crédules, voire corrompus. Ce mensonge est si grand et si lourd que la communauté internationale préfère tergiverser, s’acharnant sur un seul individu en manipulant témoins et victimes auto-désignées. Pendant ce temps, l’affaire traîne en longueur, et un homme continue de faire l’objet de tracasseries et d’innombrables vexations. Depuis 2000, date à laquelle des « victimes tchadiennes » manifestement téléguidées ont saisi les juridictions sénégalaises, rien n’avance alors que le principal accusé, lui, clame son innocence. De qui se moque-t-on ? 


Les Occidentaux veulent profiter du procès pour faire la peau à l’ancien président

« L’Afrique devrait, sur des thèmes controver- sés, être capable d’accéder à la vérité par sa propre investigation intellectuelle et se main- tenir à cette vérité jusqu’à ce que l’Humani- té sache que l’Afrique ne sera plus frustrée, que les idéologues perdront leur temps parce qu’ils auront rencontré des intelligences égales, capables de leur tenir tête sur le plan de la recherche de la vérité », disait Cheick Anta Diop. L’intox, les machinations et la lé- gèreté des accusations portées contre Hissène Habré sont si patentes que certains observateurs sérieux qui ne peuvent être accusés de sympathie envers l’ex-président, soupçonnent les puissances extérieures et leurs « suppôts locaux africains » de vouloir lui faire la peau ou de lui régler son compte définitivement. Hypothèse plus que probable : puisque, c’est dans un contexte de haine, de guerre et d’impasse politique, sur fond de luttes d’influence entre puissances occidentales que se jouait la crise tchadienne ayant débouché sur le coup d’État du 1er décembre 1990. Il ne s’agissait donc pas d’une simple crise interne mais plutôt d’un affrontement géopolitique, au cours duquel les puissances extérieures ont utilisé le Tchad comme une plate-forme stratégique de haute importance. Ces puissances occidentales voulaient à la tête du Tchad une ma- rionnette acquise à leur cause. Malheureuse- ment pour eux et fort heureusement pour les Tchadiens, du temps du président Habré, ces puissances extérieures ont collectionné des revers. Farouchement attaché à la souveraineté de son pays, Hissène Habré ne voulait pas que le Tchad soit une base arrière utilisée par les Occidentaux pour surveiller la région. Cette fin de non-recevoir a été perçue comme une insulte à leur toute-puissance. Il fallait donc en finir avec un homme qui en savait et qui sait encore trop sur les pratiques les plus détestables des puissances occidentales. D’ailleurs, beaucoup pensent que la perspective de l’exploitation du pétrole tchadien qui serait restée hors de portée si Habré avait conservé son pouvoir, n’est pas étrangère à sa mise à l’écart et, aujourd’hui, à cette volonté farouche de le liquider physiquement. Si cela ne tenait qu’à ces crapules qui tirent les ficelles de cette manipulation qui ne dit pas son nom, il n’y aurait pas de procès en bonne et due forme. Ils privilégieraient une élimination physique de l’ancien président plutôt que de le laisser s’exprimer dans le cadre d’un procès équitable. Car, ces puissances craignent que ne soient exposées sur la place publique, certaines vérités sur leurs pratiques haïssables dans certains pays du continent.


L’Afrique timorée


Le Sénégal et l’UA n’auraient pas pu signer un accord, le mercredi 22 août 2012, établissant des chambres spéciales pour, dit-on, « juger » l’an- cien président du Tchad.



En apparence, l’Union africaine bataille, en effet, contre les poursuites engagées par des États européens contre ses ressortissants. Lorsqu’en 2008, l’Espagne a émis 40 mandats d’arrêt contre des membres clés du régime de Paul Kagamé, l’UA invitait ses membres à se doter d’instruments juridiques leur permettant de poursuivre en retour, des responsables occidentaux. Qu’en est-il de ce 
vœu pieux ? L’année suivante, le mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale, bras armé du Conseil de sécurité de l’ONU, contre le président Omar Al-Bachir, a choqué beaucoup d’Africains et déclen- ché les réprobations de l’UA. À ce jour, cette juridiction internationale n’a poursuivi que des Africains. Dans le cas où le continent se doterait des moyens pour juger les responsables de crimes de masse sur son sol, la CPI, qui agit en dernière instance, ne pourrait plus être activée aussi facilement. Mais la réalité est tout autre chose. Sinon, le Sénégal et l’UA n’auraient pas pu signer un accord, le mercredi 22 août 2012, établissant des chambres spéciales pour, dit-on, « juger » l’ancien président du Tchad. On nous rétorquera qu’au moins, il sera jugé sur le continent africains et par des juges africains. Soit ! Mais quelle légitimité a ces juges de temps moderne pour connaître des faits vieux de plusieurs décennies ? C’est là où réside l’absurdité de cette cabale qui n’a que trop duré et qui débouchera sur pas grand chose.

Par ailleurs, cette prétention à vouloir juger un homme qui réclame une véritable justice, masque mal les ambitions cachées et les calculs mercantilistes de certains, qui voient là l’occasion de s’en mettre plein les poches. L’objectif étant simple : faire porter le chapeau de la situation tchadienne qui ne s’est jamais améliorée depuis plus de vingt ans à un seul homme et se faire du beurre au passage. Les Africains, au lieu de reprendre à leur compte les arguments fallacieux des gens ne souhaitant que leur malheur, feraient parfois mieux de se regarder dans leur propre miroir sans tenir compte des pressions extérieures, et de se dire que si les Occidentaux veulent juger des « criminels contre l’humanité » comme ils le prétendent, ils doivent d’abord commencer chez eux. Ce n’est pas Hissène Habré qui a déclenché la guerre ayant fait des centaines de milliers de morts en Irak. Pourquoi juger Habré alors que George Bush, responsable de cette calamiteuse guerre, continue, lui, de se pavaner et de narguer ses victimes ? Et pourquoi s’empêcher de dénoncer cette politique de deux poids deux mesures ?


Les Africains gagneraient à se faire à l’idée qu’aussi légitime soit-elle, cette volonté de rendre justice aux victimes de violations des droits humains, n’est pas dénuée d’arrière- pensées hégémoniques, qu’il faut réprimer avec force.
Yacoub Younouss.

Interview de l’avocat d’Hissein Habré

 

François Serres: « Ce procès est éminemment politique » 

Plus qu’un face-à-face, c’est un bras de fer qui oppose les nouvelles autorités sénégalaises aux conseils de l’ex-président tchadien, Hissein Habré, au sujet de son éventuel procès. Alors que Macky Sall et certains membres de son gouvernement font de la tenue du procès l’une de leurs priorités, Habré et ses avocats crient à la farce judiciaire. S’il y a un seul point sur lequel les deux parties sont d’accord, c’est celui-là : le rapport de force devrait continuer à s’amplifier, chacun brandissant ses arguments juridiques. Voici ceux du mis en cause. Interview exclusive.

Propos recueillis à Paris par Adrien Poussou.



Afrique Nouvelle : Le Sénégal s’empresse visiblement de juger votre client, le pré- sident Habré. Dans quel état d’esprit se trouve-t-il aujourd’hui ? Est-il inquiet ?

François Serrès : Mon client est serein, confiant dans ses droits tels qu’ils ont été reconnus tant par les juridictions sénégalaises et communautaires de la CEDEAO, auxquelles le Sénégal ne peut déroger, et quelles que soient les mesures prises récemment pour constituer un tribunal dans des conditions parfaitement illégales aux fins d’organiser un procès expéditif, sans respect des principes élémentaires du jugement équitable et dont le résultat est connu d’avance, puisque c’est celui qui l’a déposé au terme d’un coup d’État qui le finance partiellement, distribue les preuves, définit le champ des poursuites, et s’accorde toutes les immunités nécessaires ; cette organisation, fruit d’une convergence d’intérêts politiques, économiques et financiers, est indigne et la « justice africaine » créée pour l’occasion ne peut en sortir grandie.


Pourquoi s’intéresse- t-on tant à votre client ?
 

Le président Macky Sall a-t-il pris des engagements avant son élection pour bénéficier de soutiens ? C’est la question que l’on peut se poser. Il est effarant de le voir multiplier les déclarations sur ce dossier depuis sa prise de fonction au vu de la situation politique et économique que traverse le Sénégal après la « présidence Wade». Est-ce une priorité pour les Sénégalais ? Pourquoi le Tchad passionne- t-il autant une frange de la classe politique sénégalaise ? Pourquoi y faire le lieu des « chambres extraordinaires africaines » que l’Union africaine (UA) n’est pas capable de mettre en place ? Et y a-t-il une explication à voir le Sénégal « adouber » le régime Deby en le faisant grand argentier et procureur du procès et partant en limitant le champ des poursuites aux années 1982/1990 ? Que

 

s’est-il passé depuis ? Lisez les rapports des ONG….Pour- quoi Macky Sall et sa ministre de la Justice se taisent- il sur le sort actuel des Tchadiens ? N’y a-t-il eu aucune violation des droits de l’homme ces vingt-deux dernières années ? Quelle est la légitimité d’un tel procès du point de vue de la règle de l’impunité ? On viole la justice sénégalaise et communautaire et on accorde un blanc-seing à Deby ? À quel prix ? Qui sont ces juges qui participeront à cette mas- carade ? On dit qu’ils se battent pour béné- ficier de salaires mirobolants.

 

Le président Macky Sall a-t-il pris des engagements avant son élec- tion pour bénéficier de soutiens ? Est-ce une priorité pour les Sénéga- lais ? Pourquoi le Tchad passionne- t-il autant une frange de la classe politique sénégalaise ? Pourquoi y faire le lieu des « chambres extra- ordinaires africaines » que l’Union africaine (UA) n’est pas capable de mettre en place ?

 

Il semble pourtant qu’un imbroglio juridique subsiste dans ce dossier, puisque la plus haute juridiction sénégalaise avait déjà annulé les poursuites contre votre client. Quelle est la nature du problème de droit ? Pourquoi veut-on qu’il ait absolument un procès alors que votre client a déjà fait l’objet d’un jugement ?

Le problème juridique est simple et il a été validé tant par la justice sénégalaise que la Cour de la CEDEAO. La décision rendue au Sénégal en 2001 a autorité de la chose jugée. Elle est conforme au principe de non- rétroactivité du droit pénal reconnu par les juridictions nationales du monde entier. Le système judiciaire sénégalais a été disqualifié et on le remet en selle aujourd’hui en le saupoudrant d’un habillage « africain » (quelques juges non sénégalais composant la juridiction de jugement) condamné par la Cour de la CEDEAO. Sur quelle base peut- on remettre en cause la décision sénégalaise ? De par la volonté de Wade qui a été demandé un mandat de juger à l’UA, lui le garant des décisions de justice de son pays, sollicitant au passage 48 milliards de francs CFA pour juger Hissein Habré ? Quelle compétence avait l’UA pour ordonner un tel jugement, elle qui protège tant de criminels ? Sur quel dossier s’est-elle fondée, elle qui n’est pas une juridiction ? Le Président honoraire de la Cour suprême du Sénégal a lui-même souligné dans un article récent cette incompétence !


Qu’est-ce qui serait aujourd’hui intéressant de faire ? Comment sortir de cette impasse ?
 

C’est de respecter les décisions de justice rendues au Sénégal et devant la Cour de la CEDEAO et d’enquêter sur la situation actuelle au Tchad et saisir le cas échéant la CPI.


Qu’attendez-vous concrètement du Séné- gal et de l’Union africaine qui semblent manifestement faire de l’affaire Habré un cas particulier, différent de ceux du Kenya et du Soudan ?

L’Union africaine doit prendre ses responsabilités sur le comportement d’un certain nombre de chefs d’État. Mais peut-on demander à la Conférence des chefs d’État d’organiser leur propre jugement ?


Que vous inspire la position de certaines puissances étrangères, notamment de la France, qui souhaitent ardemment le procès du président Habré ?

Ce procès est éminemment politique. Le régime Habré a été liquidé sous la pression étrangère et avec la complicité des grandes puissances, pour des raisons évidentes tenant à « l’indocilité » du président Habré et aux enjeux stratégiques et économiques que représente ce pays. On le poursuit aujourd’hui de façon infâme pour que les chefs d’État en Afrique sachent bien ce qui les attend demain s’ils ne respectent pas les règles du jeu, et non par souci de privilégier la règle d’impunité. Voilà ce grand procès africain, qui s’organise en Afrique et par des Africains : un bel exemple de bonne gouvernance judiciaire. Quels juges vont accepter de signer de leur nom ce verdict ?! Réveillez- vous !


Ces derniers temps, le Premier ministre sénégalais, Abdou Mbaye, est accusé, y compris au sein de son propre gouverne- ment, d’avoir aidé votre client à « blanchir » l’argent du Trésor public tchadien qu’il aurait amené au Sénégal. Qu’avez- vous pensé de cette situation ?

Il s’agit de péripéties locales, de luttes de pouvoir au sein de l’équipe en place. Le Premier ministre dérange. Certains notamment semblent, selon la presse locale, avoir fait de l’affaire Habré un instrument politique, un levier d’accession à la première marche du pouvoir. Nous sommes très loin des questions de justice et des droits de l’homme. La vraie question pour la ministre de la Justice est de savoir où elle mettra le curseur des poursuites dans l’affaire des biens mal acquis ? Au risque d’inquiéter celui qui l’a nommée ? Là on verra bien si elle s’intéresse aux questions de blanchiment.


À ce jour, c’est le moins que l’on puisse dire, la ministre de la Justice du Sénégal a décidé de faire du dossier Habré, l’affaire de sa vie. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Effectivement au point de décider de la nomination des juges, des procureurs, des greffiers. Un joli système indépendant se met tranquillement en place dont, le Président honoraire lui-même de la Cour suprême questionnait récemment la constitutionalité ? L’affaire de sa vie ? Nous verrons bien, ce que retiendra l’Histoire de ces événements. Le Sénégal a déjà été condamné par la Cour de la CEDEAO pour violation des droits de l’homme, voilà la marque qui pèse sur le régime de Wade. Ce qui se met en place ne peut que recevoir la même marque d’infamie.


Au regard de ces agitations et de l’entêtement des autorités sénégalaises à vouloir juger vaille que vaille votre client, peut-on s’empêcher de penser que c’est finalement une affaire de fric ?

C’est sans doute plus compliqué, et plus politique, même si comme je le soulignais des enjeux économiques et stratégiques importants pèsent dans ces décisions ; mais peut- être vous voulez parler du salaire des magistrats qui pourraient participer, ou bien du budget que l’on va allouer pour assurer la « communication » du procès ? Il y a là pour les magistrats et les journalistes sénégalais une vraie question éthique, déontologique, historique qui devrait les conduire à boycotter une telle farce judiciaire.


Objectivement, dans l’éventualité d’un procès, est-ce qu’on peut réellement imaginer que ceux qui vont le financer, accepteront un verdict d’acquittement ?


Ils seront payés pendant trois ans pour rendre la justice et ils ont pour mandat de juger. Imaginez-vous qu’ils vont, trois semaines après, constater les obstacles juridiques qui s’opposent à ce jugement ? Invalider le mandat de l’UA, dire que la Constitution a été violée ?


Imaginons enfin qu’un petit génie apparaisse et vous accorde deux vœux. Quels seraient-ils ?


Le premier a déjà été exaucé en 2010 après la condamnation du Sénégal (je devrais dire d’Abdoulaye Wade puisqu’il a provoqué cette procédure) devant la Cour des droits de l’homme de la CEDEAO. Le second ? Qu’Hissein Habré franchisse demain les portes de sa maison à Dakar où il est tenu en résidence surveillée depuis douze ans par une véritable lettre de cachet et marche en homme libre sur la terre où il est né.de l’homme de la CEDEAO. Le second ? Qu’Hissein Habré franchisse demain les portes de sa maison à Dakar où il est tenu en résidence surveillée depuis douze ans par une véritable lettre de cachet et marche en homme libre sur la terre où il est né.●

● Janvier 2013 – Afrique Nouvelle ● 

 

 

 

 

 

517 Vues

Il n'y a pas encore de commentaire pour cet article
Vous devez vous connectez pour pouvoir ajouter un commentaire