L’ancien président tchadien est à la tête du comité chargé de favoriser le rapprochement entre le gouvernement de transition et les groupes rebelles. Son parcours en dix chapitres.

1. Tête d’affiche

En août, Mahamat Idriss Déby Itno, le président du Conseil militaire de transition, a chargé l’ancien chef de l’État tchadien de représenter le gouvernement, engagé dans un dialogue avec les groupes politico-militaires. Weddeye est donc en première ligne dans les pourparlers avec les exilés Tom Erdimi, Mahamat Nouri ou Abakar Tollimi, tous issus de l’ancien Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), qu’il a jadis codirigé. Son objectif : faire aboutir le projet de table ronde avec les principaux chefs rebelles, initiative qu’il défend sans réel succès depuis le milieu des années 2000.

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2. L’ombre du père

Né en 1944 à Zouar, dans le Tibesti, il est l’un des fils du derdé Kihidémi Weddeye, chef traditionnel des Toubous tchadiens. Le gouvernement de Ngarta Tombalbaye lui ayant retiré ses pouvoirs en 1965, le derdé entre en rébellion et part en Libye pour y chercher le soutien du roi Idriss.

Devenu un symbole de l’opposition armée à Tombalbaye, il se rapproche peu à peu d’autres mouvement tels que le Frolinat. Il ne rentrera qu’en 1975 au pays, où il mourra deux ans plus tard.

3. Fonctionnaire

Goukouni passe une partie de son enfance dans les zones de pâturage du Tibesti. S’y adonnant à la course et à la lutte, il y veille, avec ses amis, sur les troupeaux de dromadaires. Grâce à l’influence paternelle, il intègre à 18 ans l’administration coloniale (qui garde la main sur le Tibesti après l’indépendance, et ce jusqu’en 1964). En poste à Bardaï puis à Faya-Largeau, il voit passer le courrier qui doit être envoyé à la capitale.

Aux premières loges de la confrontation entre le pouvoir central et les rebelles du Tibesti, il se rapproche peu à peu de ces derniers, conseillant à son père de s’allier avec le Frolinat. Il intègre finalement ce mouvement en 1968.

4. Hissène Habré

D’abord simple combattant, le futur président monte en grade et prend la tête des troupes du Frolinat dans le Borkou-Ennedi-Tibesti (BET) en 1969. Des dissensions apparaissent, Weddeye reprochant au chef du mouvement, Abba Siddick, de ne pas fournir de moyens suffisants à ses hommes. Il se rapproche alors du jeune Hissène Habré. Le duo rompt avec Abba Siddick en 1971 et crée le Conseil de commandement des forces armées du Nord (CCFAN), que Habré dirige.

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5. Geôlier

L’autorité d’Abba Siddick faiblissant, Goukouni Weddeye et Hissène Habré deviennent les hommes forts de la rébellion. Ils sont cependant en quête de revenus, les canaux financiers “traditionnels” du mouvement restant sous l’influence de leur ancien chef.

En 1974, Goukouni donne son accord à une prise d’otages. Un groupe de rebelles, commandé par Habré, capture le médecin allemand Christophe Staewen, ainsi que les Français Marc Combe et Françoise Claustre. Le premier est relâché en 1974, le deuxième s’évade en 1975. La libération de l’ethnologue Claustre, rejointe en captivité par son mari, est plus difficile. L’un des négociateurs français envoyé par Paris, le commandant Pierre-Xavier Galopin, est exécuté. Le couple est relâché en janvier 1977, après l’intervention de Mouammar Kadhafi.

6. Président

Soutenu par Kadhafi, Goukouni Weddeye et ses Forces armées populaires (FAP) se rapprochent de N’Djamena, où Habré est devenu Premier ministre en 1978 après avoir passé un accord avec le président Félix Malloum.

Au début de 1979, les FAP entrent dans la capitale. La bataille pour le pouvoir oppose alors Weddeye à Habré. En avril 1979, les deux ex-alliés, en conflit ouvert, placent un troisième homme, Lol Mahamat Choua, à la tête d’un gouvernement de transition. La solution n’est pas viable. Weddeye finit par prendre la tête de ce gouvernement en septembre, mais reste sous la pression de Habré.

7. Jamahiriya

Pour imposer sa loi à Habré, Weddeye compte sur l’aide de Kadhafi. Après une année sanglante, il parvient en décembre 1980 à chasser Habré de N’Djamena et annonce, un mois plus tard, lors d’un séjour à Tripoli, un projet de fusion de son pays avec le voisin libyen « dans une seule Jamahiriya », suscitant l’émoi des Français et des Américains. Il fait ensuite marche arrière, provoquant le mécontentement de Kadhafi sans parvenir à se ré-attirer les faveurs de François Mitterrand. Lâché par les Libyens, sans soutien du côté de Paris, il se retrouve à la merci de Hissène Habré.

8. En exil

Goukouni Weddeye est chassé du pouvoir par Habré en juin 1982. « Dégoûté », selon ses propres termes, se sentant trahi par les siens, il fuit en passant par le Cameroun. En 1987, il s’installe en Algérie (où il restera jusqu’en 2009), à l’invitation du président Chadli Bendjedid, pour y coordonner la lutte contre Habré et soigner ses alliances, notamment avec celle Kadhafi, qui n’a pas renoncé à ses vues sur le Tchad.

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9. Otage

En 1986, alors que Weddeye séjourne à Tripoli et se montre favorable à des pourparlers avec Hissène Habré, Kadhafi le fait placer brièvement en résidence surveillée pour le forcer à lancer une offensive de grande envergure sur N’Djamena. L’ancien président refuse. Weddeye et Habré finissent par s’unir contre les Libyens, qui sont peu à peu chassés du Tchad. L’alliance ne dure pas. Weddeye retourne à la rébellion… et en Libye. Toutefois, en cette année 1990, c’est un autre rebelle qui va parvenir à s’imposer face à Habré : Idriss Déby Itno.

10. Médiateur

Weddeye s’éloigne peu à peu des rébellions. En 1993, il accepte de participer à la conférence nationale tchadienne, mais choisit, à l’issue des débats, de retourner à Alger. Il joue de plus en plus le rôle de médiateur du chef de l’État dans les conflits internes.

Au milieu des années 2000, il tente à plusieurs reprises d’organiser un dialogue inter-tchadien. Idriss Déby Itno en fait l’un de ses conseillers et l’envoie plusieurs fois dans le Tibesti. Il côtoie alors Mahamat Idriss Déby Itno, commandant de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État. Devenu président, celui-ci a gardé Weddeye à ses côtés. 

Jeune Afrique

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