Placé sous mandat de dépôt pour avoir molesté un magistrat dans l’exercice de ses fonctions, le général de l’Armée nationale tchadienne (ANT) Mahamat Abdallah se retrouve d’après les avocats du magistrat en liberté. Une situation écorche encore davantage l’image de la justice tchadienne souvent pointée du doigt pour son favoritisme. Plus qu’une stupéfaction, c’est un sentiment d’indignation du côté des avocats du président de la 3ème chambre civile, Moumassou Djoufousou. Alors qu’il exécutait en présence des parties et leurs avocats son jugement avant dire droit dans un conflit foncier, le magistrat a été brutalisé par le général de l’ANT, Mahamat Abdallah. « Après avoir indiqué au tribunal les limites du terrain et au moment où la formation s’est introduite dans la cour de la parcelle litigieuse, surgit un homme habillé en djellaba et enturbanné. Ce dernier a été stoppé par l’agent de sécurité qui a accompagné le tribunal mais il n’a pas obtempéré et s’est introduit par la force », précise le président de la 3ème chambre civile dans son rapport circonstancié. Il ajoute en sus : « sur un ton menaçant, il va répéter, je suis un général, je m’en fiche de ce que vous dites ».

Pour la défense, le général de l’ANT Mahamat Abdallah a été traité avec considération. « Le procès-verbal ayant été orienté au 8ème substitut du procureur de la République, le général a été reçu seul dans un premier temps et traité avec déférence Malgré qu’il lui ait été demandé d’enlever son turban, il n’a pas obtempéré », révèle Me Djérandi Laguerre Dionro, l’un des avocats de Moumassou Djoufousou.

Après audition des parties et une très longue attente, le substitut a orienté le dossier en flagrant délit. « A notre grande surprise, on avait aperçu ce même jour le prévenu avec certains substituts du procureur en train d’échanger alors que le prévenu devait être conduit à la maison d’arrêt », déplore l’avocat.

Disparition du PV et du mandat de dépôt.

Convaincus que le prévenu sera conduit à la maison d’arrêt, les parties et leurs conseils se sont retirés mais mal leur sera pris. « Curieusement et à la surprise, le 7 décembre, revenu pour photocopier les pièces du dossier, l’on constate que le procès-verbal (PV) d’interrogatoire au parquet et le mandat de dépôt ont disparu donc soutirés du dossier. Sur le PV d’enquête préliminaire, l’on constate à la 2ème page une mention frauduleuse non-détenu ’’ND’’ faite plus tard », regrette Me Djérandi Laguerre Dionro.

Pire, s’insurgent les conseils, l’audience a été programmée pour le 28 janvier prochain en violation des articles 435 et 436 du code pénal qui exigent la traduction du prévenu devant le juge sur le champ ou le premier jour ouvrable suivant. « L’article 436 fixe un délai d’un mois pour que la décision soit rendue. Or, en l’espèce, la première audience est fixée à presque deux mois. Ce qui permettra à ce prévenu de soulever cette disposition et obtenir sa mise en liberté d’office », préviennent-ils.

Pour la défense, la soustraction des pièces et autres manigances faites au parquet lancent un sérieux discrédit sur les manœuvres souvent décrites au parquet de N’Djaména et méritent selon eux l’ouverture d’une enquête. « La procédure retenue étant la flagrance, l’on ne peut autrement que par cela détention préventive de ce général », martèle Me Djérandi Laguerre Dionro.

Le Pays

Stanyslas Asnan

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